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Les oeuvres d'art tiennent-elles leur beauté de la simple imitation des beautés de la nature ?

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« POUR DÉMARRER L e s ensembles organisés de signes et de matériaux, mis en forme par un esprit créateur, ensembles dont la beauté nous procure une satisfaction désintéressée, tiennent-ils leur perfection esthétique de la reproduction de ce qui existe dans le monde extérieur? de la re-création de l'ensemble des réalités données? V oilà une question qui hante l'esthétique depuis bien longtemps, et qui est donc tout à fait classique. CONSEILS PRATIQUES Réfléchissez sur la fonction et la finalité de l'art.

Est-il création d'une réalité spirituelle authentique ou bien pâle imitation de la nature ? Pour le bon sens populaire, l'art consiste à reproduire la nature.

Non, proclame Hegel, le principe de l'imitation est irrecevable. BIBLIOGRAPHIE HEGEL, Esthétique.

Textes choisis, P UF.

M A LRA UX, Les V oix du silence, NRF-Gallimard. P L A T ON, La République, Livre X, Garnier-Flammarion. A u xvii siècle, en France, est relancée la querelle dite du dessin et du coloris.

Le coloris est-il essentiel, ou le dessin doit-il au contraire primer ? A rtistes et théoriciens sont confrontés au problème de l'imitation de la nature : le dessin s'élève-t-il au-dessus de l'imitation, ou la perfectionne-t-il ? Le coloris rapproche-t-il de la réalité, ou permet-il de s'en éloigner ? D'une manière générale, jusqu'où doit aller l'imitation de la nature par l'art ? 1.

L'ART IMITE LA NATURE A - La pure imitation Rest ituer l'app arence se nsible des choses s ans repro duire ces choses, t elle est la fonction traditionnelle de l'artiste.

Le sujet de so n oeuvre est une réalité naturelle ou fabriquée, toujours sensible ; l'enseignement traditionnel de l'art est basé sur la copie. Mais que signifie « imiter » ? D'un côté, imite r est faire une copie conforme ou reproduction q ui s'en tient aux proportions réelles du modèle ; d e l'autre, imiter peut impliquer une déformation de la réalité pour restituer son apparence du point de vue du spectateur, faire un simulacre, ainsi des statues de P hidias à la tête disproportionnée, parce qu'elles devaient être vues en contre-plongée. Si l'art se réduit à de simples copies, un miroir promené sur la te rre, remarque Platon, ne suffirait-il pas ? La pure imitation ou réalisation d'une copie conforme, n'a pas de sens ; la déformation de la réalité est donc un caractère essentiel de l'imitation en art. B - Imitation d'une nature belle, ou belle imitation de la nature ? La na ture n'est pas belle en toutes choses ; dans l'imitation, le peintre compose une nature idéale à partir de la nature réelle : le peintre Zeux is composa un tableau de la déesse V énus à partir des parties les plus belles des corps des cinq plus belles vierges de la ville de C rotone. « Il n'est pas de serpent, ni de monstre odieux / Qui p ar l'art imité ne puisse plaire aux yeux », écrit Boileau ; la laideur comme l'inexistence du modèle importe peu à l'artiste : l'art, affirme Kant, « n'est pas la représentation d'une belle chose, mais la belle représentation d'une chose ». Le vé ritable principe qui guide la réalisation de l'oeuvre d'art est donc mo ins la fidélité à l'original que la beauté de la repro duction ; ce qui motive l'artis te est plus dans son esprit que devant ses yeux ; l'art ne saurait donc se réduire à l'imitation de la nature. 2.

L'ART AU-DELÀ DE LA NATURE A - L'art révèle la réalité La pe rception quotidienne est naïve : le peintre montre que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être.

Da ns une gerbe de blé , nous ne voyons p a s vraiment les multiples épis que nous savons y être, mais seulement une masse indistincte que le peintre impressionniste rend par une tache jaune. La pe rception quotidienne est pra gmatique : elle découpe les choses selon ce qui l'y intéresse.

Dégag é de ce qui est utile , le peintre ne s'intéresse qu'à ce qui est vrai dans la perception.

« L'art, dit Bergson, n'est certainement qu'une vision plus directe de la réalité.

» La pe rception quotidienne est muette sur le sens des choses : s'en tenir à ce que nous percevons, c'est ne pas comprend re ce que nous percevons.

Lo in de se borner à leur apparence, le peintre s'efforce de rendre sensible le sens des choses. B - L'art prolonge la nature L'art est plus l'imitation du proces sus de production naturelle, que le processus d'imitation d es produits naturels.

L'activit é de l'artiste prolonge le bras de la nature, son oeuvre ouvre le domaine d'une seconde nature plus parfaite, où tout est plus beau, tout est chargé de sens. L'oeuvre se suffit à elle-même : elle ne renvoie qu'accessoirement à la réalité qu'elle représente, La présence picturale du sujet de l'oeuvre est plus essentielle que son absence dans la réalité ; l'oeuvre est moins un double de la nature qu'un ajout à la nature. En se dégageant complè tement de l'imitation de la nature, au se ns d'une reproduction de celle-ci, l'art du XXe siècle s'est notamment assigné une autre fonction : exprimer, et non plus seulement représenter.

Ainsi, les oeuvres de Kandinsky figurent émotions et sentiments, leur conférant un véritable droit à la perception. CITATIONS: « Lorsque [l'art] ne va pas au-delà de la simple imitation, il est incapable de nous donner l'impression d'une réalité vivante ou d'une vie réelle : tout ce qu'il peut nous offrir, c'est une caricature de la vie.

» Hegel, Esthétique, 1832 (posth.) « Le beau n'est véritablement beau que quand il participe de l'esprit et est créé par lui.

» Hegel, Esthétique, 1832 (posth.) Socrate : « Lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet; est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui para, tel qu'il parue? Est-ce l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? » Platon, La République, IVe s.

av.

J.-C. L'artiste, pour Socrate, n'est qu'un charlatan.

Il trompe doublement son public, en ce qu'il fait passer son oeuvre pour réelle, alors qu'elle n'est que l'imitation de ce qui constitue déjà, par rapport à la réalité, un pur simulacre.

En effet, ce que le peintre essaie de reproduire sur sa toile, ce sont les apparences, lesquelles ne nous renvoient, selon la doctrine des Idées, que l'ombre de la réalité.

Il maintient ainsi dans l'illusion les enfants et les naïfs. « L'aeuvre d'art se rapporte à la nature de la même façon que le cercle mathématique se rapporte au cercle naturel.

» Nietzsche, Le Livre du philosophe, 1904 (posth.) « Q uelle vanité que la peinture, qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux ! » Pascal, Pensées, 1670 (posth.). »

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