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Expliquez et discutez cette formule de Gide : « Envier le bonheur d'autrui c'est folie; on ne saurait pas s'en servir. Le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure. » ?

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« Il ne suffit pas d'être heureux, il faut encore que les autres ne le soient pas », disait, avec humour, Jules Renard, stigmatisant ainsi l'attitude de ceux dont les plus grandes joies résident dans, la possibilité de dépasser ou d'écraser autrui, qui confondent la volonté de bonheur avec la volonté de puissance, pour qui le bonheur n'est que le couronnement de l'envie. C'est un peu la même attitude que critique André Gide lorsqu'il dit : « Envier autrui c'est folie », mais chez lui la critique ne vient pas d'une sorte d'indignation contre la bassesse humaine : « envier le bonheur d'autrui » apparaît à Gide comme une inconséquence sur le plan logique; à chaque individu ne correspond qu'une forme de bonheur possible; même si par un coup de baguette magique l'on pouvait se voir accorder le bonheur d'autrui, « On ne saurait pas s'en servir. Le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure ». 

« Sujet : Expliquez et discutez cette formule de Gide : « Envier le bonheur d'autrui c'est folie; on ne saurait pas s'en servir. Le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure.

» Corrigé rédigé « Il ne suffit pas d'être heureux, il faut encore que les autres ne le soient pas », disait, avec humour, Jules Renard, stigmatisant ainsi l'attitude de ceux dont les plus grandes joies résident dans, la possibilité de dépasser ou d'écraser autrui, qui confondent la volonté de bonheur avec la volonté de puissance, pour qui le bonheur n'est que le couronnement de l'envie. C'est un peu la même attitude que critique André Gide lorsqu'il dit : « Envier autrui c'est folie », mais chez lui la critique ne vient pas d'une sorte d'indignation contre la bassesse humaine : « envier le bonheur d'autrui » apparaît à Gide comme une inconséquence sur le plan logique; à chaque individu ne correspond qu'une forme de bonheur possible; même si par un coup de baguette magique l'on pouvait se voir accorder le bonheur d'autrui, « On ne saurait pas s'en servir.

Le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure ». A l'origine de cette réflexion est l'idée profondément gidienne que le bonheur n'est pas de l'ordre de l'avoir, mais du domaine de l'être.

La possession ne peut nous apporter le bonheur; tout d'abord parce que nous sommes souvent possédés par nos possessions; mais surtout parce que le bonheur est un état intérieur. L'être le plus démuni peut éprouver un très grand bonheur parce qu'il a en lui — s'il est amoureux par exemple — quelque chose qui transforme tout en merveille.

Elridge Cleaver raconte, dans Un noir à l'ombre, comment, emprisonné et au bord du désespoir, il a vu, sans que les conditions matérielles en aient été modifiées, sa vie se transformer à la suite d'une rencontre.

Et La Bruyère exprime mieux qu'aucun autre ce fait que le bonheur ne dépend pas de la possession des choses, mais qu'il est avant tout un état : « Être avec des gens qu'on aime, cela suffit; rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses indifférentes, mais auprès d'eux, tout est égal.

» On pourrait citer aussi Rousseau, qui vit aux Charmettes avec Madame de Warens, et qui dans l'euphorie de ses seize ans trouve tout merveilleux : «....le bonheur me suivait partout il n'était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même.

» La vraie source du bonheur est en nous et non pas dans la possession d'objets qui nous sont extérieurs.

Il est donc vain de croire que la possession de ce qui est, pour l'instant, dans la main d'autrui, réussirait à nous rendre heureux.

Les exemples ne sont d'ailleurs pas rares d'êtres qui ont tout pour être heureux, sauf le bonheur. Envier ce que les autres possèdent est donc vain, puisque le bonheur n'est pas dans la possession des choses mais dans la lumière qui les illumine.

On pourrait envier cependant non pas ce qu'ont les autres mais ce qu'ils sont, envier d'être à leur place. Cet espoir serait aussi vain que le précédent, et Gide nous l'explique en disant que « le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure ». Pour Gide chacun de nous est un être unique et doit connaître un certain développement.

L'être épanoui est celui qui se développe selon la ligne qui est la sienne.

Goethe pensait, de la même manière, que chacun de nous doit se développer selon une courbe qui lui est propre; ce développement nous amène parfois à renier ce que nous avons été; Goethe exprimait cette nécessité d'une sorte de développement par mutations successives dans sa formule célèbre : « MEURS ET DEVIENS.

» Le bonheur ne peut donc naître, pour Gide comme pour Goethe, que de l'accomplissement de nos potentialités; il est inséparable du développement de notre être et se présente comme une conquête de soi par soi. On voit donc qu'un tel bonheur n'est pas transférable d'un individu à un autre.

Le seul et vrai bonheur ne peut venir que de l'accomplissement de ce qui nous est donné.

Je ne peux donc pas, en restant moimême, obtenir le bonheur d'un autre.

Il faudrait accepter de n'être plus moi.

Il y a une contradiction dans l'envie, que met en évidence André Gide, contradiction qui me pousse à vouloir être autrui tout en restant moi-même. Ces opinions sur le bonheur sont séduisantes et nous y adhérons.

Il est cependant nécessaire de montrer qu'elles supposent que soit acquis un « minimum vital ».

A l'homme dont l'enfant meurt de faim, à la femme torturée, ou même plus simplement aux millions de sans-emploi, ces propos paraîtraient bien futiles.

Eux, ils envient le bonheur des autres, ils envient le bonheur de ceux qui mangent à leur faim, de ceux qui marchent libres sous le soleil, de ceux qui ont simplement du travail. On peut même évoquer des situations moins pathétiques et penser à toutes les femmes qui, telle l'héroïne de la nouvelle Ses trois jours de Sembène Ousmane, aspirent à une vie familiale normale; ou à tous ceux qui sur notre planète luttent, non pas même pour un peu plus de bonheur, mais pour un peu plus de dignité. Il y a donc un seuil au-dessous duquel toutes les théories sur le bonheur et même toutes les théories en général s'effritent.

C'est ce qu'exprimait Sartre lorsqu'il disait : « Devant un enfant qui meurt de faim, La Nausée ne fait pas le poids.

» Devant un enfant qui meurt de faim, les théories de Gide sur le bonheur, elles non plus, ne font pas le poids. Avec cette réserve — qui est de taille, il est vrai — nous admettrons l'opinion de Gide selon laquelle il n'y a de bonheur que sur mesure et dans l'épanouissement de notre propre singularité.

C'est d'ailleurs le meilleur service que nous puissions rendre à autrui que de nous réaliser nous-même.

Gide le disait : « Ne peut rien pour le bonheur d'autrui celui qui ne sait pas être heureux lui-même.

». »

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