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Expliquez et discutez la pensée suivante d'un grand mathématicien : « Il ne faut pas dire : la science est utile parce qu'elle nous permet de construire des machines; mais : les machines sont utiles parce qu'elles nous permettent de faire la science. » C

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Introduction. — Il y a une liaison étroite entre la science, dont le but est de connaître et de comprendre, et la technique, qui a pour objet l'action et la production. Mais philosophes et épistémologues aussi bien que savants discutent sur le sens de ces rapports, attribuant la primauté, les uns à la science, les autres à la technique. Dans ce débat, Henri Poincaré apporta des affirmations catégoriques : «Il ne faut pas dire... » Après une rapide analyse de cette déclaration, nous nous demanderons si elle résout tous les problèmes posés par le rapport de la science et de la technique. A. Explication. — a) L'opinion du sens commun contre laquelle Poincaré se prononce avec éclat nous est assez connue : la science a pour rôle d'augmenter les connaissances de l'homme, mais ces connaissances elles-mêmes n'ont de valeur que dans la mesure où elles lui permettent d'améliorer ses techniques; quant aux techniques, elles n'ont pour but que la satisfaction de nos besoins. Ces besoins sont de plus en plus satisfaits à l'aide de machines, qui sont les esclaves de l'homme moderne. C'est pourquoi la technique consiste essentiellement dans la construction des machines, et la science n'est utile que dans la mesure où elle permet d'en construire.

« Expliquez et discutez la pensée suivante d'un grand mathématicien : « Il ne faut pas dire : la science est utile parce qu'elle nous permet de construire des machines; mais : les machines sont utiles parce qu'elles nous permettent de faire la science.

» Cette affirmation vous paraît-elle répondre à tous les problèmes que soulève le rapport de la science et de la technique ? Introduction.

— Il y a une liaison étroite entre la science, dont le but est de connaître et de comprendre, et la technique, qui a pour objet l'action et la production.

Mais philosophes et épistémologues aussi bien que savants discutent sur le sens de ces rapports, attribuant la primauté, les uns à la science, les autres à la technique.

Dans ce débat, Henri Poincaré apporta des affirmations catégoriques : «Il ne faut pas dire...

» Après une rapide analyse de cette déclaration, nous nous demanderons si elle résout tous les problèmes posés par le rapport de la science et de la technique. A.

Explication.

— a) L'opinion du sens commun contre laquelle Poincaré se prononce avec éclat nous est assez connue : la science a pour rôle d'augmenter les connaissances de l'homme, mais ces connaissances elles-mêmes n'ont de valeur que dans la mesure où elles lui permettent d'améliorer ses techniques; quant aux techniques, elles n'ont pour but que la satisfaction de nos besoins.

Ces besoins sont de plus en plus satisfaits à l'aide de machines, qui sont les esclaves de l'homme moderne.

C'est pourquoi la technique consiste essentiellement dans la construction des machines, et la science n'est utile que dans la mesure où elle permet d'en construire. b) L'opinion de Poincaré est diamétralement opposée à celle du sens commun : « les machines sont utiles parce qu'elles nous permettent de faire la science ».

Comment ? Tout d'abord parce que les instruments d'observation et d'expérimentation nécessaires au savant «sont des machines d'une construction difficile.

Qu'on songe au télescope du Mont Wilson ou au microscope électronique. Ensuite, parce que l'utilisation des données scientifiques par lés techniciens de l'industrie moderne constitue une immense expérience, « banc d'épreuve » incomparable des hypothèses émises par les théoriciens d'après les observations fort limitées faites dans les laboratoires. « Si je me félicite du développement industriel, ce n'est pas seulement parce qu'il fournit un argument facile aux avocats de la science; c'est surtout parce qu'il donne au savant la foi en lui-même et aussi parce qu'il lui offre un champ d'expérience immense, où il se heurte à des forces trop colossales pour qu'il y ait un moyen de donner un coup de pouce.

» (H.

Poincaré, La Valeur de la Science, p.

2210-221, Flammarion, 1914.) B.

Discussion.

— a) Le texte à discuter répond bien à la question de la relation de moyen à fin à établir entre la science; la technique n'est que moyen; immédiatement avant les lignes que nous venons de citer, il est écrit : «A mes yeux...

c'est la connaissance qui est le but et l'action qui est le moyen.

» Poincaré va même plus loin : pour lui, la vie n'a de sens que comme un effort pour plus savoir et mieux voir; La Valeur de la Science commence et se termine par la proclamation d'une sorte de morale ou de religion de la science. « La recherche de la vérité doit être le but de notre activité; c'est la seule fin qui soit digne d'elle.

» (p.

1.) « Toute action doit avoir un but.

Nous devons souffrir, nous devons travailler, nous devons payer notre place au spectacle, mais c'est pour voir ou tout au moins pour que d'autres voient un jour. » ...

La pensée n'est qu'un éclair au milieu d'une longue nuit. » Mais c'est cet éclair qui est tout.

» (P.

275-276.) La réponse de Poincaré au problème de la fin de la science et de la technique est donc péremptoire et d'une fort longue portée.

Elle ne s'impose pas pour autant. En effet, si on lui avait demandé pourquoi la science est le but suprême de la vie, il aurait sans doute répondu : parce qu'elle seule nous procure le vrai bonheur.

Mais si un Poincaré trouve dans le savoir une jouissance incomparable, il n'en est pas ainsi de tout homme.

Ils sont bien plus nombreux, même parmi les savants, ceux pour qui, en fait, la science n'est qu'un moyen. Sans doute, on peut objecter que l'humanité est encore dans l'enfance et qu'une fois adulte elle reconnaîtra la vérité d'affirmations que nous jugeons aujourd'hui paradoxales.

Mais, cet avenir lointain, chacun se l'imagine suivant son tempérament : intellectuel, Poincaré ne comprend la vie que comme une marche vers plus d'intelligence; d'autres, plus affectifs, ne la trouveront intelligible que comme rétablissement du règne de l'amour. b) Ensuite, même si, de nos jours ou plus tard, elle pouvait être considérée comme le but par rapport auquel la technique n'est que moyen, la science n'aurait pas nécessairement apparu dans le monde avant la technique; l'homme aurait pu commencer par être technicien et, une fois assurée la satisfaction des besoins essentiels sans laquelle il n'y a pas de pensée désintéressée, se serait mis à chercher dans l'unique but de comprendre et de savoir. Que s'est-il passé aux origines de notre espèce ? Les préhistoriens en discutent et Poincaré ne résout pas ce problème d'origine. Conclusion.

— Comme réaction contre l'utilitarisme moderne, l'attitude idéaliste d'un Poincaré est bienfaisante. Mais, comme toute réaction dépasse le juste milieu; elle ne constitue pas au problème des rapports de la science et de la technique une réponse équilibrée.

Les déclarations de ce grand mathématicien sont à classer parmi les paradoxes.. »

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