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Y a-t-il intérêt, pour la culture scientifique, à connaître le passé de la science ?

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« Un des chimistes contemporains qui a mis en oeuvre les méthodes scientifiques les plus minutieuses et les plus systématiques, M .

Urbain, n'a pas hésité à nier la pérennité des méthodes les meilleures.

Pour lui, il arrive un moment où l'on n'a plus intérêt à chercher le nouveau sur les traces de l'ancien et où l'esprit scientifique ne peut progresser qu'en créant des méthodes nouvelles.

Faut-il pour autant renier, pour le progrès de la science, la connaissance de son passé ? Faut-il que toute la pensée scientifique change devant une expérience nouvelle ? C ertes, aucun système scientifique ne peut avoir la prétention d'être définitif, cependant la réflexion sur l'acquis scientifique présente un intérêt indéniable.

Le problème est de savoir comment il faut comprendre cet acquis, il faut le connaître et non le « savoir ».

C omment la réflexion peut être favorable à l'évolution de la science. Il nous faut tout d'abord étudier comment un problème scientifique est résolu par un savant et comment il devient un fait scientifique.

Les diverses interprétations de la génération spontanée ne manquent pas d'intérêt pour notre étude.

A u XV IIIe siècle, faute d'instrument d'observation précis, on admettait des idées qui aujourd'hui nous paraissent puériles ; V an Helmont croyait à la génération spontanée des souris et a fortiori d'animaux moins complexes par la putréfaction et Faction des ferments ; il y a encore le cas des vers intestinaux : ceux-ci, s'il n'y a pas de génération spontanée, auraient dû être créés en même temps qu'Adam et Eve au paradis ! Les controverses sur la génération spontanée continuèrent jusqu'aux célèbres expériences de Pasteur.

C elui-ci réfuta tous les faits allégués en sa faveur.

Ses diverses expériences montrent qu'une solution à l'abri de l'air et convenablement chauffée ne présente aucune trace des organismes qui se développaient dans les conditions ordinaires.

A insi P asteur pouvait conclure : ce Nous assistons à la perpétuation et à la continuation de la vie, nous ne la voyons jamais commencer ».

D'observations en expériences, Pasteur va peu à peu découvrir le monde des infiniment petits : la microbiologie et la bactériologie, et va s'intéresser tout particulièrement aux éléments pathogènes.

Encore aujourd'hui, dans l'ensemble des formes inférieures de la vie, les bactéries et virus occupent une grande place dans les recherches des biologistes ; nous sommes là avec les virus à l'un des avant-postes de la science en face de l'inconnu. Les remarquables résultats : découverte de la microbiologie, de la bactériologie sont l'oeuvre d'un esprit scientifique.

P artant de faits largement observés, Pasteur échafaude des expériences et bâtit une théorie dont il nous faut maintenant analyser la méthode. Le savant biologiste se trouve en face d'êtres vivants.

La biologie, science positive, justement l'est devenue grâce aux travaux de Pasteur mais aussi aux théories et expériences de C laude Bernard.

La méthode adoptée généralement par le biologiste et qui est encore valable de nos jours est celle que définit C laude Bernard dans L'Introduction à la médecine expérimentale ; méthode qu'il divise en trois temps : observation du fait, explication anticipée et vérification de l'hypothèse.

C 'est la démarche suivie par Pasteur tout au long de ces expériences ; toutes les anomalies ou maladies étudiées par lui relevaient d'éléments pathogènes, il s'agissait donc pour P asteur d'isoler l'agent pathogène en expérimentant sur des animaux lorsque c'était possible.

Peu à peu nous voyons que l'esprit de P asteur se trouve hanté par l'idée que les maladies contagieuses et celles qui se montraient alors la conséquence presque fatale des interventions chirurgicales devaient avoir pour cause la contamination par des germes et leur prolifération.

Ne pouvait-on pas les prévenir en protégeant l'organisme contre l'invasion de ces germes ? A lors, reprenant ses expériences, Pasteur parvint à atténuer la virulence des germes qu'il avait isolés.

Il pratiquait l'injection de germes moins virulents ; la démonstration qu'il fit sur les moutons à propos de la maladie du charbon confirma brillamment la théorie.

P asteur a ainsi ouvert la voie à toute la biologie moderne.

Bien entendu, il n'est pas question pour l'expérimentateur de suivre exclusivement la voie tracée par Pasteur, mais il lui faut comprendre tout ce que la méthode comportait d'idées neuves, de fondements solides pour une biologie chimique.

C'est ainsi que les méthodes de culture ou d'inoculation inaugurées par P asteur conduisirent à des constatations nouvelles que saisit l'intuition de l'expérimentateur.

Les connaissances scientifiques s'accroissent et bien qu'elles amènent des changements progressifs et de détail dans la pensée scientifique les savants continuent leur recherche suivant les mêmes méthodes.

L'analyse et la compréhension de l'acquis biologique leur a révélé que les théories biologiques pouvaient être encore profitables au progrès de la science. Mais cela parce que les expériences ont toujours été couronnées de succès.

Qu'advient-il alors en cas d'échec expérimental ? il faut penser sans doute qu'un tel échec entraîne tôt ou tard un changement logique, un changement profond de la connaissance. A lors tout ce qui était emmagasiné dans la mémoire doit se réorganiser en même temps que la charpente mathématique de la science.

Bachelard dans le nouvel esprit scientifique prend l'exemple de la physique de Descartes, trop étroite, dit-il, parce qu'elle sépare des natures simples.

En effet la physique de Descartes sépare la figure et le mouvement, ce qui est objectivement abusif dans le règne de la microphysique.

En microphysique, il est indispensable de rompre avec notre concept de repos puisque la matière n'existe pour nous que comme énergie, et qu'elle ne nous envoie des messages que par le rayonnement.

Non seulement, Descartes sépare les éléments, mais encore il pense que c e s éléments sont connus directement et dans leur totalité.

Rien de plus anticartésien que la lente modification spirituelle qu'imposent les approximations successives de l'expérience, surtout quand des approximations plus poussées révèlent des richesses organiques méconnues par l'information première.

A insi, au niveau de la microphysique, la science contemporaine substitue à l'évidence des éléments simples et indivisibles un point de départ de complexité.

La science contemporaine se fonde sur une synthèse première, elle réalise à sa base le complexe : Géométrie-M écanique-Electricité, elle s'expose dans le temps et dans l'espace, elle place la clarté non dans une méditation séparée des objets combinés, mais dans la combinaison épistémologique. Lorsque, à l'analyse du savant, l'acquis scientifique ne se révèle plus utile pour le progrès de la science, l'esprit du chercheur doit opérer un retour en arrière et rebâtir un nouveau système. Nous voyons donc que pour la science ce n'est pas la mémoire qui s'exerce dans le dénombrement des idées mais la raison.

Il ne s'agit pas de recenser les richesses du passé de la science mais d'actualiser une méthode d'enrichissement.

C ertes la connaissance du passé de la science peut être utile à son évolution, mais cette connaissance ne doit pas être un « savoir » appris, elle doit être un « connu » analysé et compris.

L'esprit scientifique se penche sur les méthodes antérieures et tente de prendre conscience du caractère complet de la connaissance.

Il guette les occasions d'extension, il poursuit toutes les dialectiques.

« L'essence même de la réflexion, c'est de comprendre ce qu'on n'avait pas compris » écrit Bachelard, c'est seulement au terme de cette réflexion dont on comprend l'utilité que le savant décide s'il peut suivre le courant tracé par s e s prédécesseurs ou s i au contraire il rebrousse chemin et reconstruit.. »

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