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THEORIE DE LA CONNAISSANCE: Vérité et évidence

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S'il est légitime de diviser l'histoire de la philosophie en deux grandes périodes, la première étant celle de la philosophie antique et médiévale, la seconde celle de la philosophie dite moderne, il est alors incontestable que la doctrine de  Descartes constitue en quelque sorte l'acte de naissance de la philosophie moderne. Demandons-lui donc comment elle a posé et résolu le problème du critère de la vérité.

   a) C'est en effet ce problème qui motive les premières démarches de la recherche cartésienne : il est impossible d'accorder aux connaissances enseignées à l'école une créance aveugle, non seulement parce que, parmi elles, plusieurs se sont révélées fausses, mais surtout parce que nous n'avons jusqu'à présent aucun moyen, c'est-à-dire aucun critère pour juger si celles qui nous paraissent vraies le sont absolument. Mieux vaut par conséquent rejeter en bloc toutes les connaissances déjà acquises, même si certaines d'entre elles sont vraies, tant que ne nous est donné aucun moyen pour faire le tri entre les propositions incontestablement vraies et celles qui sont fausses ou celles qui paraissent vraies. Tant que nous n'aurons pas trouvé ce critère, mieux vaut révoquer en doute toute proposition, et mettre en pratique un doute non pas sceptique, qui risquerait de stériliser notre effort vers la connaissance, mais un doute méthodique destiné à nous mettre en garde contre toute affirmation trop précipitée. Nous suspendrons nos jugements jusqu'à la découverte d'une vérité absolument certaine, ou, en cas d'échec, jusqu'à ce que nous puissions prouver de manière certaine l'impossibilité de parvenir à une vérité indubitable ;

« S'il est légitime de diviser l'histoire de la philosophie en deux grandes périodes, la première étant celle de la philosophie antique et médiévale, la seconde celle de la philosophie dite moderne, il est alors incontestable que la doctrine de Descartes constitue en quelque sorte l'acte de naissance de la philosophie moderne.

Demandons-lui donc comment elle a posé et résolu le problème du critère de la vérité. a) C'est en effet ce problème qui motive les premières démarches de la recherche cartésienne : il est impossible d'accorder aux connaissances enseignées à l'école une créance aveugle, non seulement parce que, parmi elles, plusieurs se sont révélées fausses, mais surtout parce que nous n'avons jusqu'à présent aucun moyen, c'est-à-dire aucun critère pour juger si celles qui nous paraissent vraies le sont absolument.

Mieux vaut par conséquent rejeter en bloc toutes les connaissances déjà acquises, même si certaines d'entre elles sont vraies, tant que ne nous est donné aucun moyen pour faire le tri entre les propositions incontestablement vraies et celles qui sont fausses ou celles qui paraissent vraies.

Tant que nous n'aurons pas trouvé ce critère, mieux vaut révoquer en doute toute proposition, et mettre en pratique un doute non pas sceptique, qui risquerait de stériliser notre effort vers la connaissance, mais un doute méthodique destiné à nous mettre en garde contre toute affirmation trop précipitée.

Nous suspendrons nos jugements jusqu'à la découverte d'une vérité absolument certaine, ou, en cas d'échec, jusqu'à ce que nous puissions prouver de manière certaine l'impossibilité de parvenir à une vérité indubitable ; b) Or, c'est en poussant ainsi le doute jusqu'à ses plus extrêmes limites que l'on trouve le moyen d'en sortir.

Car si nous examinons la proposition « pour que je puisse douter, il faut que moi qui doute, je sois quelque chose », la certitude d'une telle proposition s'impose à l'esprit.

Que si nous imaginons maintenant qu'un malin génie existe, qui ait un pouvoir suffisant pour nous persuader qu'une proposition est certaine alors même qu'elle est fausse, il restera que la proposition « pour que le malin génie puisse me tromper, il faut que je sois quelque chose » échappe au doute et à la tromperie, ne peut être niée.

Elle est absolument certaine, elle est cette première vérité indubitable dont nous exigions la découverte.

Elle est une expression de cette vérité demeurée célèbre dans l'histoire de la philosophie sous le nom de « cogito cartésien » ; c) Avec le cogito, nous possédons une première vérité qui échappe au doute.

Mais nous n'en possédons qu'une, ce qui est insuffisant pour nous qui aspirons à fonder une science universelle dont toutes les propositions enchaînées soient rigoureusement certaines.

Nous allons donc faire un retour sur cette première vérité, examiner ce qui, en elle, contraint l'esprit à une adhésion sans réserve, ce qui lui permet d'échapper à tout doute, même méthodique.

Nous constaterons alors que cette proposition nous est donnée comme évidente parce que parfaitement claire et distincte.

Nous serons en droit désormais d'accepter comme vraie toute proposition claire et distincte : nous avons, par réflexion sur le cogito, découvert le critère de la vérité d'un jugement.

Dans la théorie cartésienne de la connaissance, le cogito a donc une double fonction : il est la première vérité découverte, et il est aussi le modèle de toute proposition vraie ; d) Il semble qu'avec le critère d'évidence nous ayons satisfaction et que l'on puisse terminer ici l'examen de la doctrine cartésienne, si tout au moins on ne lui demande qu'une solution au problème du critère de la vérité.

C'est ce que laisse trop souvent penser une hâtive vulgarisation de la philosophie de Descartes.

Mais deux importantes raisons obligent à pousser la recherche plus avant.

En premier lieu, si l'on considère celles de nos idées qui nous représentent quelque objet extérieur, qui nous garantit la correspondance entre l'idée et son objet ? Qui nous assure que l'une est la fidèle reproduction de l'autre ? Sans doute l'erreur est-elle impossible au sein de l'idée si on la considère telle qu'elle est en elle-même et sans la référer à l'objet extérieur.

Sans doute aussi doit-on prendre la précaution d'éviter de former des jugements avec des idées obscures ou confuses.

Mais si l'esprit a été assez attentif pour ne considérer que des idées claires et distinctes, il reste encore qu'un Dieu trompeur a pu faire en sorte qu'à ces idées ne corresponde aucun objet ou que les objets ne soient pas en réalité tels que nous les montrent leurs idées.

En second lieu, l'homme ne peut pas penser toujours : quand je considère la nature du triangle, dit Descartes, je vois avec évidence que la somme de ses 3 angles fait deux droits, mais je peux douter de cette proposition dès que j'en détourne ma pensée.

Il ne faut pas confondre l'intellection avec le souvenir de l'intellection : la première seule mérite créance.

Le critère d'évidence ne pourra être fécond qu'à la condition que nous soyons préalablement assurés qu'il existe un Dieu, et qu'il ne saurait être trompeur.

Seul un tel Dieu peut garantir la fidélité de l'idée claire et distincte à son objet et la fidélité du souvenir de l'intellection à l'intellection elle-même.

Or, pour acquérir cette assurance, nous ne disposons justement que du critère d'évidence.

On ne rencontre, tout d'abord, aucune difficulté à le faire jouer pour établir la perfection de Dieu, à supposer qu'il existe : je vois clairement et distinctement dans l'idée de Dieu celle d'un être nécessairement doué de toutes les perfections, et j'y vois donc qu'un tel être ne peut être trompeur.

Plus difficile est l'utilisation du critère d'évidence pour établir l'existence de Dieu.

Elle nécessite en effet deux moments : Premier moment : On voit clairement et distinctement qu'il doit y avoir autant de réalité dans la cause que dans l'effet ; si par exemple j'ai l'idée de la pierre, idée que je n'ai pas créée par mes seules forces, il doit y avoir autant de réalité dans l'objet-cause de cette idée, c'est-à-dire dans la pierre elle-même, que dans l'idée de la pierre. Deuxième moment : Appliquons à l'idée de Dieu le principe précédent : puisque l'idée de Dieu me montre clairement et distinctement un être doué du maximum de réalité possible, maximum de réalité que je suis incapable de produire par moi-même, ce Dieu, cause de l'idée que j'ai de lui, possède la réalité, donc l'existence. Puis donc que Dieu existe et qu'il n'est pas trompeur, toutes les idées claires et distinctes que je puis avoir sont vraies.

Cette garantie divine est en somme un second critère, que l'on pourrait appeler « critère de réalité », qui, joint au critère d'évidence, fonde la vérité du savoir ; e) L'erreur reste cependant possible car le jugement n'est pas une fonction du seul entendement.

Pour pouvoir former le jugement « la somme des 3 angles d'un triangle vaut deux droits », il faut, d'une part, que l'entendement me montre l'idée du triangle, l'idée d'angle droit, l'idée d'égalité, mais il faut d'autre part que la volonté porte le jugement, c'est-à-dire l'affirmation.

La volonté ayant un pouvoir dépassant celui de l'entendement, il est possible d'affirmer que certaines idées obscures ou confuses sont conformes à leurs objets, et de tomber ainsi dans l'erreur.

On ne peut donc pas toujours atteindre la vérité, mais on peut toujours éviter l'erreur : il suffit pour cela de suspendre ses jugements tant que les idées que l'on possède ne sont pas claires et distinctes. Il y a en définitive une sorte de conditionnement mutuel des deux critères : le critère d'évidence permet l'élaboration du critère de réalité, et le critère de réalité féconde le critère d'évidence par la garantie d'objectivité qu'il donne aux idées claires et distinctes.

Or cette dualité des critères est ici particulièrement intéressante.

Car la fonction épistémologique de chacun d'eux est profondément différente : le critère de réalité est donné en quelque sorte « une fois pour toutes » ; il a une valeur métaphysique en ce qu'il fonde la possibilité de la science qui, ses fondements une fois assurés, n'a plus qu'à suivre le chemin d'un progrès indéfini.

Le critère d'évidence a par contre une valeur quotidienne en ce qu'il est une pierre de touche qui permet à la pensée scientifique l'appréciation de ses jugements.

Retenons en dernière analyse cette conclusion : pour Descartes, la vérité scientifique trouve son ultime fondement dans la vérité métaphysique.. »

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