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La vérité peut-elle être définie comme l'accord de la connaissance avec l'objet ?

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La conclusion « Dupont est honnête » est formellement vraie par rapport aux prémisses parce qu'elle s'identifie aux prémisses, qu'elle dit « la même chose », qu'elle est « tautologique ». Seulement la conclusion ainsi que les prémisses peuvent être matériellement fausses. Il est possible que Dupont ne soit pas honnête, car il est sans doute faux, matériellement, que tous les hommes soient honnêtes. La vérité formelle ignore donc la réalité, elle est seulement l'accord de l'esprit avec ses propres conventions. La vérité formelle triomphe en mathématiques. Si j'affirme que la somme des angles d'un triangle vaut deux droits. Est-ce vrai ? c'est vrai (non contradictoire) si j'admets les postulats d'Euclide. C'est faux (contradictoire) si je décide d'adopter une axiomatique non euclidienne.

« Une idée ne serait donc pas qualifiée de « vraie » ou « fausse » en elle-même par ses caractéristiques intrinsèques, mais seulement par sa conformité ou non à la réalité.

Les scolastiques disaient : « La vérité c'est la conformité de notre pensée aux choses » (« adeaquatio rerum et intellectus »).

L'idée vraie est celle qui est fidèle à la réalité. Si on admet que ma connaissance d'un objet doit s'accorder avec lui pour être vraie ; mais, pour que je puisse juger de cet accord il faudrait que j'en saisisse les deux termes.

Dans ces conditions remarque Kant, « le seul moyen que j'ai de comparer l'objet avec ma connaissance, c'est que je le connaisse », ce qui constitue un cercle, « car, puisque l'objet est hors de moi et que la connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier, c'est si ma connaissance de l'objet s'accorde avec ma on de l'objet ». Cette définition est incontestable mais imprécise.

Car il reste à interpréter cette conformité, cette fidélité de la pensée vraie au réel.

Le sens commun en donne une interprétation très simple : la vérité serait une simple copie de la réalité, la présence même de la réalité dans ma conscience qui la reconnaît.

La connaissance vraie serait une simple réception de la réalité. Or nous nous proposons de montrer que cette notion de vérité-copie n'a aucun sens, que tout jugement vrai est une reconstruction intelligible du réel, suppose un travail de l'esprit et n'est pas un simple reflet passif.

Et ceci s'applique à la vérité au sens artistique, comme à la vérité au sens scientifique et philosophique. Pour le sens commun, la vérité artistique n'est qu'un fidèle reflet.

Entre deux portraits, un tableau, une photographie le sens commun n'hésite pas : malgré la ressemblance « intérieure » du portrait peint, seule la photographie est vraie.

Ainsi pour le sens commun, le moulage est plus vrai que la sculpture. La vérité artistique n'est donc pas copie et reflet mais structuration, transfiguration.

L'art, dit Malraux, dans ses « Voix du silence », « c'est ce par quoi les formes deviennent style ».

Le vrai ce n'est pas ici la réalité brute, mais un réel stylisé, transfiguré, repensé par l'esprit. De même la vérité scientifique suppose toute une reconstruction de l'expérience par les concepts.

Non seulement les faits sont liés entre eux par des lois nécessaires, mais le jugement vrai n'atteint le fait qu'à travers des techniques expérimentales.

Par exemple ce jugement : « Ce matin à 8heures il faisait 17° », qui paraît tout simple & élémentaire, suppose déjà un haut niveau d'abstraction et diverses techniques expérimentales : d'abord les techniques relatives à la mesure du temps, ensuite l'utilisation du thermomètre.

Pour que mon auditeur comprenne le sens de ce jugement il faut qu'il sache que je parle de degrés centésimaux, il faut qu'il sache que la chaleur dilate les corps et qu'en disant « il fait 17° » j'indique la hauteur de l'alcool dans un tube attaché à une règle graduée posée sur ma fenêtre.

Dire qu'il fait 17° c'est parler un langage d'initié.

Mon jugement se réfère à la technique du thermomètre qui suppose elle-même la théorie de la dilatation.

« Un instrument n'est qu'une théorie matérialisée » (Bachelard).

Le jugement vrai transpose et reconstruit la réalité à travers tout un réseau de manipulations techniques et d'opérations intellectuelles.

Si la vérité est « opératoire », le critère de la vérité ne sera-t-il pas fourni par le succès pratique de l' « opération » ? C'est ce point de vue « pragmatique » que nous allons examiner à présent. L'idée vraie est-ce l'idée qui réussit ? Le pragmatisme, avec James, soutient que le seul critère de la vérité est le succès.

La pensée est au service de l'action.

Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir : l'idée vraie c'est celle qui paie le mieux, celle qui a le plus de rendement, qui est la plus efficace. Pour apprécier la valeur de cette théorie il faudrait savoir quel sens donner aux formules de James.

L'idée vraie c'est l'idée utile.

Mais que veut dire « utile » ? Faut-il prendre le mot au sens de vérifiable ? En ce cas le pragmatisme est très acceptable.

Descartes lui-même, si attaché qu'il fût aux « idées innées » et aux évidences pures, reconnaissait qu'il se rencontre « beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent et dont l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet.

» Malheureusement le mot « utile » tel qu'il est employé par les pragmatistes a le sens le plus large et le plus vague. James n'a jamais rien fait pour en dissiper l'équivoque : « Ce qui est vrai c'est ce qui est avantageux de n'importe quelle manière.

» Ainsi une loi physique ou chimique est vraie si elle a des applications techniques fécondes.

Mais aussi une croyance politique est vraie si elle me donne « bonne conscience », si elle me justifie ; une théorie philosophique est vraie si elle calme mes inquiétudes, si elle assure « mon confort intellectuel », une religion est vraie si elle est consolante, si elle me permet de m'améliorer moralement.

L'idée de Dieu est comme toutes les autres idées, elle n'est vraie que si elle est rentable et James déclare sans ambages : « Dieu est une chose dont on se sert.

». »

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