Si l'on dit "A chacun sa vérité" le mot vérité garde t-il un sens ?
Extrait du document
«
ANALYSE ET PROBLEMATISATION DU SUJET.
§ La vérité semble bien dépendre, de prime abord, d'un sujet qui la possède et qui l'énonce.
Dès lors, elle
semble être subjective et c'est cela que le sujet interroge.
En effet, si la vérité est subjective, il
semble bien alors que chacun possède sa propre vérité, indépendamment des autres.
Dire « à chacun
sa vérité » reviendrait alors à dire que la vérité est toute subjective, dépendant des sujets dans
lesquels elle s'incarne.
§ Mais dire cela, n'est-ce pas ôter toute valeur à la vérité ? En effet, une vérité toute relative est-elle
encore une vérité ? Le propre de la vérité n'est-il pas son objectivité, sa capacité à être reconnue
comme telle universellement ? Dès lors, dire « à chacun sa vérité » reviendrait à abolir la vérité
comme universelle et objective.
La vérité serait alors bien plutôt ce qui est hors du sujet et ce qui
s'impose à lui de l'extérieur comme étant ce à quoi il doit nécessairement se soumettre.
La vérité est
objective et doit alors trouver un critère qui soit autre que celui de la subjectivité et de la relativité à
un sujet.
En disant « à chacun sa vérité » on abolirait donc la vérité au profit d'une simple opinion
voire de la croyance.
§ Mais alors, si la vérité est extérieure au sujet, comment celui-ci peut-il la reconnaître ? Comment
adopter et comprendre une chose à laquelle on ne participe pas et à laquelle on doit se soumettre
néanmoins ? Le mot vérité a-t-il plus de sens pour nous si nous n'en sommes pas les producteurs ? En
effet, si la vérité doit être objective, il n'en reste pas moins que toute vérité n'est reconnue comme
telle et dite telle que par un sujet : il n'y a pas de vérité sans sujet pour la reconnaître.
Se dessine
alors une aporie selon laquelle le mot vérité semble dénué de sens à la fois lorsqu'il est tout subjectif
et lorsqu'il est si objectif qu'il nous est extérieur.
§ Se pose alors le problème suivant : la vérité est-elle subjective et dépend-elle par là de chacun
comme en étant son producteur ou est-elle objective, devant avoir un critère de reconnaissance en
dehors de toute subjectivité, mais tout en étant reconnaissable par le sujet qui doit y prendre part
pour la reconnaître comme telle ?
PROPOSITION DE PLAN.
I)
La vérité semble bien être subjective et dépendre de celui qui la cherche et la possède.
§
Dire « à chacun sa vérité » semble vouloir dire que la vérité serait subjective, au sens où chacun
possède ou croit posséder des vérités sur les choses.
Dès lors, sur un même thème, différents sujets
ne seront pas d'accord, chacun étant persuadé qu'il possède la vérité sur les choses.
C'est comme
telle que semble se caractériser l'opinion qui révèle la liberté de chacun de choisir sa propre vérité
selon qu'il est convaincu par telle ou telle preuve.
L'opinion est donc une adhésion librement consentie
à un état de fait ou à une proposition, un discours.
On donne donc son assentiment aux choses
selon si l'état de choses en question nous satisfait où non.
La vérité semble donc bien être affaire de
subjectivité, tout discours devant recevoir un assentiment pour être dit vrai ou non.
Aussi l'adhésion
supposant un choix, il semble bien que l'on puisse choisir de consentir à telle ou telle proposition, et
en effet, Protagoras ne dit-il pas que « l'homme est la mesure de toute chose » ? (Platon, Théétète,
152 a).
Dès lors, il y aurait un relativisme de la vérité, chaque sujet, étant lui-même mesure des
choses, pouvant librement décider de consentir ou non à un état de faits.
De fait, il y aurait
également un changement constant de la vérité qui différerait selon les individus qui la disent.
La
vérité changerait de la même façon qu'aucun individu n'est semblable à un autre, chacun possédant
sa vérité propre, chacun étant mesure de toute chose et donc de la vérité.
La vérité serait alors
l'opinion de chacun pour chaque chose, et l'expression « à chacun sa vérité » recouvrirait un sens du
mot vérité qui équivaudrait à celui d'opinion.
Le sophiste Protagoras, écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait
faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ».
Selon Protagoras, « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui
ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il,
par référence à un sujet humain universel, semblable en un sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sens
individuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même » (Aristote,
« Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent
pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toi elles existent » (Platon, « Théétète », 152,a).
Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité des opinions
individuelles portant sur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la
fois, être et n'être pas » (Aristote).
C'est donc contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe
de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en
même temps, au même sujet et sous le même rapport ».
Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné
et donc non démontrable.
En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un tel
principe supposerait implicitement le rejet du principe contraire et se fonderait alors sur la conséquence qu'il était.
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