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Rousseau: Où chercher la vérité : dans les sens ou dans la raison ?

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J'existe, et j'ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la première vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d'acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu'il m'est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et s'il peut être indépendant d'elles? Mes sensations se passent en moi, puisqu'elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m'est étrangère, puisqu'elles m'affectent malgré que j'en aie, et qu'il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir. Je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, et sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose. Ainsi, non seulement j'existe, mais il existe d'autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; et quand ces objets ne seraient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi. Or, tout ce que je sens hors de moi et qui agit sur mes sens, je l'appelle matière. Rousseau, Emile ou de l'éducation.1e partie du texte -> Rousseau découvre une première vérité en réfléchissant sur les données de sa sensibilité («J'existe... forcé d'acquiescer.»). 2e partie du texte -> cette vérité laisse planer un doute sur la nature de son être («Ai-je un sentiment... indépendant d'elles?»). 3e partie du texte -> ce doute lui fait découvrir une seconde vérité concernant le monde extérieur, aussi certaine que la première («Mes sensations... matière.»).

« J'existe, et j'ai des sens par lesquels je suis affecté.

Voilà la première vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d'acquiescer.

Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu'il m'est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et s'il peut être indépendant d'elles? Mes sensations se passent en moi, puisqu'elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m'est étrangère, puisqu'elles m'affectent malgré que j'en aie, et qu'il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir.

Je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, et sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose.

Ainsi, non seulement j'existe, mais il existe d'autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; et quand ces objets ne seraient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi.

Or, tout ce que je sens hors de moi et qui agit sur mes sens, je l'appelle matière.

Rousseau, Emile ou de l'éducation. I.

L'analyse du texte a) Les articulations logiques 1e partie du texte -> Rousseau découvre une première vérité en réfléchissant sur les données de sa sensibilité («J'existe...

forcé d'acquiescer.»). 2e partie du texte -> cette vérité laisse planer un doute sur la nature de son être («Ai-je un sentiment...

indépendant d'elles?»). 3e partie du texte -> ce doute lui fait découvrir une seconde vérité concernant le monde extérieur, aussi certaine que la première («Mes sensations...

matière.»). b) Les notions clés Affection -> modification de la sensibilité du sujet. Sensation -> affection causée par un objet du monde extérieur. Sentiment -> affection causée par le sujet lui-même. Moi -> identité personnelle du sujet. c) Le problème et la thèse • Où chercher la vérité : dans les sens ou dans la raison? Que puis-je savoir sur moi-même et le monde qui m'entoure? • L'homme est un être sensible nous dit Rousseau.

C'est le sentiment qui doit nous guider dans la recherche de la vérité. 2.

Le plan détaillé I.

J'existe en tant qu'être sensible : c'est la première vérité, dont se déduit aussi l'existence de la matière. a) Rousseau nous invite à chercher la vérité dans la sensibilité plutôt que dans la raison.

Nous sentons bien que nous existons : c'est évident.

Le raisonnement ne venant qu'après, c'est par le sentiment que nous connaissons cette première vérité. b) On peut cependant douter de son identité.

Rien ne nous dit que nous existons indépendamment de nos affections car nous ne sommes peut-être que leur somme, leur flux, et n'existons pas en dehors d'elles. c) Mais on ne peut douter de l'existence de la matière, conclut Rousseau.

Si je n'existe pas forcément indépendamment de mes sensations, elles doivent cependant avoir une cause en dehors d'elles et indépendante de moi : c'est ce que l'on appelle la «matière». II.

Que suis-je donc, moi qui sais que je suis ? a) Pour Descartes, l'existence de la conscience comme substance pensante, indépendante du corps, est la première vérité connue selon l'ordre des raisons (Méditations métaphysiques II). b) Les motifs de la critique de Rousseau ne sont pas seulement logiques, mais aussi moraux et politiques : la raison, supposée souveraine, méprise les sens comme la noblesse méprise le peuple. Conclusion Rousseau veut mettre fin à l'impérialisme de la raison pour réhabiliter les sentiments et les désirs qui guident naturellement le peuple, qu'il veut souverain. 3.

Le texte dans le débat philosophique Rousseau renverse ici la philosophie rationaliste de Descartes, en suivant l'ordre de ce dernier dans ses Méditations métaphysiques, où il passe de la certitude de son existence comme être pensant à la connaissance de sa nature, puis à celle du monde extérieur après Dieu.

Il se rapproche des positions empiristes de Hume, matérialistes de Diderot, sensualistes de Condillac, qui font émerger le moi du flux des sensations.

Il place le sentiment au centre de sa réflexion, annonçant ainsi le romantisme. 4.

Ce qu'il ne faut pas faire Prendre le raisonnement de Rousseau pour un récit.. »

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