Aide en Philo

Peut-on parler d'une vérité morale dans le même sens et au même titre que d'une vérité physique

Extrait du document

« Peut-on parler d'une vérité morale dans le même sens et au même titre que d'une vérité physique ? INTRODUCTION.

Nos certitudes les plus assurées nous viennent des 'sens.

Si nous pouvons dire : « je l'ai v u d e m e s yeux », « je l'ai touché de mes doigts », notre affirmation nous paraît indiscutablement vraie.

Nous sommes là dans le domaine de la vérité physique qui, pour l'esprit incarné que nous s o m m e s , représente le type m ê m e d e la vérité.

Aux vérités physiques, on oppose parfois les vérités morales.

Mais il est à prévoir que le qualificatif de « moral » affecte profondément le substantif « vérité » et qu'une vérité morale diffère notablement d'une vérité physique.

Avant de déterminer ces différences, nous préciserons la notion de vérité morale qui n'est pas aussi claire que celle de vérité physique. I.

— LA NOTION DE VÉRITÉ MORALE Le mot de «vérité » ne peut guère prêter à amphibologie : la vérité est le caractère d'une affirmation vraie; cette affirmation elle-même constitue une vérité. a) Il n'en est pas de même de l'adjectif « moral n qui est pris dans deux ou trois acceptions.

différentes. Tout d'abord, est dit moral ce qui appartient à l'ordre de ta moralité.

Dans cette acception, cet adjectif s'oppose d'ordinaire à « immoral » et désigne les conduites jugées bonnes ou conformes à la règle des, moeurs.

Mais chez les philosophes il s'oppose aussi à « amoral » et désigne les actions présentant, du point de vue de la moralité, une valeur quelconque, négative aussi bien que positive, c'est-à-dire les actions reconnues comme mauvaises aussi bien que les bonnes. Ensuite, par opposition à « physique », qui se rapporte au monde matériel, « moral » est synonyme de « psychologique » : c'est ainsi qu'on oppose la « douleur physique » provoquée par une blessure ou un abcès à la « douleur morale » que cause un manque d'égards auquel on estime avoir droit. Enfin, les connaissances se rapportant aux réalités « morales » — dans les deux acceptions déjà signalées de cet adjectif — ne comportant pas la m ê m e précision et la m ê m e rigueur que les connaissances relatives au m o n d e matériel « moral » prend aussi le sens d e « approché » : un élève brillant peut avoir la certitude morale de réussir, à son examen; celui qui réunit 95 % des suffrages a l'unanimité morale; un travail est moralement terminé quand il ne reste plus qu'à y apporter quelques retouches ou quelques compléments sans importance. b) C e s explications données, nous pouvons déterminer ce qu'il faut entendre par cette « vérité morale » qu'on oppose à la « vérité physique ».

Dans ce terme, l'adjectif « morale » ne peut pas être pris au troisième des sens que nous venons de passer en revue.

Parfois, sans doute, il arrive qu'on dise d'une proposition qu'elle est « moralement vraie ».

Mais cette façon d e parler n'est pas parfaitement correcte et le qualificatif « vraie » y est pris pour un autre mot qui serait seul propre, ordinairement pour « certaine ».

Il y a les degrés dans la certitude, sinon dans la certitude objective du moins dans la certitude subjective.

Il n'y en a pas dans la vérité : la vérité est ou n'est pas.

Les connaissances approchées, quand elles ont été' soumises à un contrôle méthodique, sont vraies à ce degré d'approximation : on ne peut pas dire qu'elles soient approximativement ou moralement vraies.

Une très grande probabilité équivaut à une certitude morale, mais non à une vérité morale : la probabilité, par exemple, qu'a le joueur qui a pris 99 % des billets d'une loterie de gagner le gros lot, est certaine et vraie absolument..

Dans le cas actuel la troisième acception de l'adjectif « moral » est éliminée. La seconde n'est pas complètement inacceptable : de même qu'on oppose « le physique » et « le moral », on pourrait opposer la vérité de ces deux domaines.

Mais tel n'est pas l'usage : c'est plutôt à la vérité psychologique qu'on oppose la vérité physique. Il ne nous reste donc qu'à voir dans la vérité morale celle qui concerne les affirmations de la morale : le s e n s d e l a vie, la réalité de l'obligation et tout le système des obligations qui constituent le code moral.

C'est la vérité de ces affirmations que nous avons à comparer avec la vérité de celles que nous portons sur le monde physique. II.

-- VÉRITÉ MORALE ET VÉRITÉ PHYSIQUE Remarquons-le d'abord en commençant, malgré l'article indéfini « Une » (une vérité morale, une vérité physique), la comparaison porte, non sur les vérités morales et sur les vérités physiques, c'est-à-dire sur les propositions tenues pour vraies dans ces deux domaines, mais sur la vérité de ces deux catégories de propositions.

Il est bien évident que la proposition : « ne mens pas », diffère profondément de la formule y = gt2 : l'une est à l'impératif, l'autre à l'indicatif; l'une donne une directive générale et assez vague, l'autre est d'une précision rigoureuse, etc.

Mais la vérité de l'une diffère-t-elle de la vérité de l'autre ? Là est la question. Pour nous, ou subjectivement, la différence est très importante : les propositions morales ne nous affectent pas comme les propositions physiques et nous n'y adhérons pas de la même manière. Dans le domaine physique, la vérité s'impose et ne dépend nullement de moi.

Je puis bien, en paroles, nier le principe d'Archimède ou affirmer en plein soleil qu'il fait nuit, mais il m'est impossible d'admettre la vérité de telles assertions.

Dans ce sens, la vérité physique est supérieure à la vérité morale. En effet, la morale est de l'ordre de la croyance plutôt que de l'ordre du savoir.

On ne la connaît pas comme on connaît la géographie d'un continent ou le mécanisme d'une horloge et les conceptions qu'elle expose ne s'imposent pas comme les données du monde physique. De là une notable diversité : s'il n'y a qu'une morale totalement vraie et s'il est facile de trouver un fonds commun à toutes les morales, il n'en reste pas moins que les conceptions de la vie sont assez diverses.

C'est qu'elles dépendent des dispositions personnelles de chacun : pour faire sien l'idéal moral qu'on nous propose, il faut être disponible et accueillant, bien plus, le désirer et le vouloir; le moraliste luimême édifie son système avec tout.

ce qu'il est et pas seulement avec son esprit.

De l'à, dans un autre sens, La supériorité de la vérité morale sur la vérité physique : dans l'adhésion que nous lui donnons, il y a plus que dans celle que nous ne pouvons refuser à la vérité physique.

Celle-ci appartient à tout le inonde; celle-là est vraiment nôtre, bien que nous la jugions universellement valable. En soi ou objectivement, en effet, la vérité est une, et par suite on peut parler de venté morale comme de vérité physique.

Souvent, sans doute.

certains voient la vérité dans une proposition et d'autres dans la proposition contradictoire; niais pour les uns comme pour les autres il n'y a qu'une vérité, la leur, et c'est pour cela qu'ils considèrent comme erronées les opinions qui contredisent leurs convictions personnelles.

Le philosophe n'admet pas davantage que, dans le d o m a i n e moral aussi bien q u e dans le domaine physique, d e u x propositions contradictoires puissent être vraies en même temps.

Par suite, de ce point de vue, et si nous faisons abstraction du sujet comme de l'objet, il n'y a pas de distinction entre une vérité morale et une vérité physique. CONCLUSION.

— Reprenant les termes mêmes de la question à laquelle nous avions à répondre et faisant la synthèse des remarques proposées dans notre seconde partie, nous dirons qu'on peut parler d'une vérité morale comme d'une vérité physique, mais non pas dans le même sens ni au même titre.

Pas dans le même sens, car tandis que la vérité physique a pour objet le réel, la vérité morale a pour objet ce qui doit être, l'idéal, les valeurs, le beau et le bien : d'un côté, « vrai a signifie « qui est a; de l'autre, « qui doit être « ou a qui est désirable ».

Pas au même titre, car de la vérité physique l'homme fait des expériences constantes et irrécusables; au contraire, s'il éprouve assez souvent le sentiment d'une vérité morale, il lui est bien difficile, s'il a l'esprit critique, de s'assurer qu'il a touché la vérité absolue; celle-ci n'est qu'une limite dont nous pouvons nous rapprocher sans cesse, mais que nous n'atteindrons jamais sur terre. Appliqué au monde physique et au monde moral, le terme de « vérité » n'est pas univoque mais seulement analogue.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles