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Le doute nécessaire à la recherche scientifique est-il le même que celui qu'on éprouve dans l'inquiétude ?

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« Le doute nécessaire à la recherche scientifique est-il le même que celui qu'on éprouve dans l'inquiétude ? INTRODUCTION.

MONTAIGNE parle du a mol oreiller du doute.

Si cette appréciation est assez juste de son attitude qui était à peu près celle d'un dilettante avant la lettre, elle ne vaut pas de toute sorte de doute, en particulier du doute nécessaire à la recherche scientifique et du doute éprouvé dans l'inquiétude : loin de s'y complaire, on cherche à en sortir. Il y a cependant, entre ces deux formes de doute, des différences capitales que nous allons préciser. I.

— LE DOUTE NÉCESSAIRE A LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE. A.

Il importe d'abord de déterminer quel est ce doute.

Dans son travail scientifique aussi bien que dans sa vie personnelle, le savant est sujet au doute comme le reste des hommes : il se demande s'il a bien vu, si ses mesures sont exactes...

De ce doute spontané on ne peut pas dire qu'il est nécessaire à la recherche scientifique : au contraire, à un certain degré, il constituerait pour elle un obstacle.

Seul est nécessaire un doute réfléchi, méthodique ou systématique qui, au lieu de résulter d'une défiance naturelle, réagit contre la tendance à affirmer afin de garantir ses affirmations de toute erreur. B.

Par là même nous avons, implicitement ou explicitement, indiqué les caractères propres à cette sorte de doute, caractères que nous ne retrouverons pas dans le doute de L'inquiétude. Le plus frappant est sans doute qu'au lieu d'être subi, il est voulu.

Étant voulu, il n'affecte pas profondément celui qui l'adopte et même, en un certain sens, il est irréel ou conventionnel; ce n'est qu'un moment d'une technique particulière, et cette technique fournit le moyen d'en sortir. S'il est voulu, c'est qu'il est utile ou même nécessaire, non pas évidemment comme la fin à atteindre, mais comme un moyen d'éviter l'erreur.

Aussi, le chercheur ne s'installe-t-il pas dans le doute : ce n'est pour lui qu'un état provisoire.

Au lieu de douter de tout, comme le sceptique, il.

croit à la science et à la valeur de l'esprit humain; seules sont mises en doute les hypothèses qui n'ont pas subit un contrôle suffisant des faits. II.

— LE DOUTE QU'ON ÉPROUVÉ DANS L'INQUIÉTUDE. A.

Nous savons tous par exemple ce que c'est qu'être inquiet.

L'esprit de l'inquiet ne trouve pas de repos, obsédé qu'il est par la crainte de dangers invisibles ou d'un avenir impénétrable, le malheur possible lui paraissant probable sinon certain, et, au contraire, estimant douteux l'événement favorable auquel il serait normal de s'attendre. B.

Le contraste de cette attitude avec le doute méthodique du savant fait bien ressortir ses caractères. Au lieu d'être voulu, il est subi : en un sens, l'inquiet doute malgré lui.

En un sens seulement, car c'est lui-même qui est enclin à douter, et d'ordinaire par une prédisposition qui s'enracine au plus profond de l'être.

Aussi, ce doute étant plus affectif qu'intellectuel — il l'éprouve avant de le penser, et c'est parce qu'il l'éprouve qu'ensuite il le pense — l'inquiet le sent-il comme un poids qu'il est incapable de soulever. Un tel doute, c'est trop évident, est inutile : il n'aide en rien à faire la clarté; le plus souvent d'ailleurs il porte sur des faits incontrôlables, spécialement des faits à venir.

Il est même nuisible : d'abord du point de vue de l'équilibre affectif qu'il détruit; ensuite du point de vue intellectuel, car il trouble la vue du réel et peut s'étendre aux choses les plus évidentes. CONCLUSION.

- Le doute éprouvé dans l'inquiétude est donc très différent du doute nécessaire dans la recherche scientifique.

Il consiste dans une appréhension, en grande partie irrationnelle, d'une éventualité qui serait cause de souffrance. Au contraire, ce qu'appréhende le savant, ce n'est pas quelque souffrance, mais la seule erreur; et même, à vrai dire, il n'en a pas une appréhension véritable, car il la considère d'un esprit froid; en tout cas son attitude est si pleinement rationnelle que, comme l'a montré Claude BERNARD, il procède syllogistiquement.

Le même mot désigne donc des attitudes d'esprit qui n'ont pas grand-chose de commun.. »

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