Aide en Philo

L'art sauve-t-il la réalité de l'insignifiance ?

Extrait du document

« Le sujet qui nous occupe est un très beau sujet concernant l'art, qui nous invite à nous interroger sur la valeur de celui-ci et, particulièrement, sur sa fonction salvatrice : l'art sauve-t-il la réalité de l'insignifiance ? De ce point de vue, nous devons donner à notre réflexion l'ampleur que suscite le sujet : en effet, le problème de l'insignifiance de la réalité, c'est-à-dire celui du sens de l'existence humaine ainsi que le problème du salut (le Sauveur étant, pour la tradition judéo-chrétienne, le Christ lui-même), nous obligent à ne pas penser l'art uniquement comme la production d'œuvres, mais comme la création de valeurs par l'homme.

Voyons précisément ce qu'il en est. I – Réalité et signification a) Le premier concept auquel nous nous trouvons confronté dans la lecture de notre sujet est celui d' « insignifiance ».

En première approche, on peut comprendre par-là l'absence de sens, le manque d'importance ou l'inanité d'une chose ; ainsi, selon notre libellé, la réalité n'aurait pas de signification.

C'est contre cette idée que se dresse tout entier le christianisme ; en effet, selon la doctrine chrétienne, la réalité possède une signification fondamentale, puisque la vie terrestre nous prépare à la vie éternelle. Précisément, la réalité telle que nous la vivons possède une signification, car elle est un signe, c'est-à-dire l'indication d'un au-delà : comprenons par-là ce qui est au-delà d'elle, derrière elle et l'au-delà comme promesse d'une vie de bonheur éternel.

Ainsi, pour les chrétiens, la souffrance sur terre est nécessaire pour qui veut vivre heureux après la mort, la souffrance étant le signe (comme un panneau indicateur) d'une béatitude à venir : telle est sa signification. Nous pouvons ajouter quelques mots sur le rôle du Christ, le Sauveur, mort sur la Croix pour racheter les péchés de l'humanité ; grâce à lui, les hommes peuvent trouver grâce devant Dieu.

Par l'entremise du Christ, la réalité, la vie elle-même n'est plus un fardeau que l'on supporte en vain, c'est-à-dire insignifiant et insensé, mais elle correspond à ce que l'homme doit endurer pour vivre éternellement après la mort : le pauvre deviendra riche, l'humble sera glorieux, le malheureux se réjouira. b) La philosophie de l'art commence avec Platon par une condamnation.

Il faut renvoyer les poètes hors des murs de la Cité.

Socrate rejette les discours écrits pour privilégier la parole, et la peinture n'est tenue que pour une imitation dégradée et inférieure d'une réalité par ailleurs déjà imitée des Idées.

Par ailleurs, poésie, peinture et musique ne sont pas sensées exprimer la beauté.

Si l'art est condamnable, c'est qu'il est fondé sur la mimêsis, l'imitation.

Les choses sont, et elles sont ce qu'elles sont par l'Idée qu'elles incarnent, qu'elles matérialisent.

L'Idée est l'essence ou l'être vrai de chaque chose.

L'artisan fabrique des ustensiles en vue d'une Idée, il imite le modèle idéal pour en faire une chose.

Pour tout produire de la sorte, il suffirait de promener un miroir tout autour de nous pour restituer l'image exacte des choses.

La "production" artistique se dit poiein : rendre présent.

Le tableau est un miroir, il ne produit pas les choses dans leur être mais dans leur apparence.

L'artisan quant à lui ne produit pas non plus l'être véritable qui est l'Idée, mais un analogon.

Il y a donc trois degrés à considérer : l'Idée, vraie, naturelle, unique, immuable, parfaite et identique à soi ; les choses ou les objets fabriqués par l'artisan, demiourgos qui incarne l'Idée en de multiples exemplaires ; la peinture des choses qui les reproduit dans leur apparence.

L'artiste est donc plus éloigné de la vérité que l'artisan.

L'art est une imitation du réel, non pas en ce qu'il est, mais en ce qu'il apparaît.

Il n'est capable de produire que des simulacres ou des idoles.

POUR PLATON, L'ART EST INSIGNIFIANT. IL NOUS PLONGE ET NOUS RIVE AUX PAROIS DE LA CAVERNE, cad de l'erreur et de l'illusion. "Cet artisan dont je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il produit encore tout ce qui pousse de la terre [...], tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a sous la terre, dans l'Hadès.

Voilà un sophiste tout à fait merveilleux l [...] Si tu veux prendre un miroir et le présenter de tous côtés ; tu feras vite le soleil et les astres du ciel, la terre, toimême, et tous les êtres vivants, et les meubles, et les plantes, et tout ce dont nous parlions à l'instant. Oui mais ce seront des apparences et non des réalités [...] Mais tu me diras, je pense que ce que fait [le peintre, plus que tous les artisans] n'a point de réalité, n'est-ce pas ? et pourtant, d'une certaine manière, le peintre lui aussi fait un lit.

Ou bien non ? Si, répondit-il, du moins un lit apparent. Et le menuisier ? N'as-tu pas dit tout à l'heure qu'il ne faisait point la Forme (eidos), ou, d'après nous, ce qui est le lit, mais un lit particulier ? Je l'ai dit en effet. Or donc, s'il ne fait point ce qui est, il ne fait point l'objet réel, mais un objet qui ressemble à ce dernier, sans en avoir la réalité [...] Maintenant, considère ce point : lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet : est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît, tel qu'il paraît ? Estelle l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence. L'imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les objets, c'est, semble-t-il, parce qu'elle ne touche qu'à une petite partie de chacun, laquelle n'est d'ailleurs qu'un simulacre (eidôlon )... Lorsque quelqu'un vient nous annoncer qu'il a trouvé un homme instruit de tous les métiers, qui connaît tout ce que chacun connaît dans sa partie [...], il faut lui répondre qu'il est un naïf, et qu'apparemment il a rencontré un charlatan et un imitateur.

" PLATON. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles