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François Mauriac nous livre cette réflexion, à propos du roman : « Nous devons donner raison à ceux qui prétendent que le roman est le premier des arts. Il l'est, en effet, par son objet qui est l'homme. Mais nous ne pouvons donner tort à ceux qui en par

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Dans son ouvrage intitulé Le romancier et ses personnages, le célèbre romancier contemporain François Mauriac s'est livré à des réflexions sur « cet art si vanté et si banni » qu'est le roman, « et dont on pourrait dire, s'il atteignait son noble but, qu'il est incontestablement ce qu'il y a de plus divin au monde». «Le noble but» est pour François Mauriac la peinture des mille détails d'une vie humaine dans toute leur complexité, et celle de la « symphonie humaine » dans tout son grouillement, son foisonnement. Mais cet écrivain aboutit à l'idée que l'art du romancier est un échec, car «dans l'individu il isole et immobilise une passion et dans le groupe il isole et immobilise un individu ». C'est pourquoi il conclut : « Nous devons donner raison à ceux qui prétendent que le roman est le premier des arts. Il l'est, en effet, par son objet qui est l'homme. Mais nous ne pouvons donner tort à ceux qui en parlent avec dédain, puisque, dans presque tous les cas, il détruit son objet (en décomposant l'homme, dit-il également) en falsifiant la vie. » Certes, il est vrai que le romancier ne peut atteindre le réalisme absolu, et que tout roman comporte une part de vérité et une part d'imagination. Mais n'est-ce pas justement grâce à l'invention que l'écrivain parvient à ce que Marcel Proust appelle « la stylisation du réel, qui caractérise l'œuvre d'art » ?

« Sujet : François Mauriac nous livre cette réflexion, à propos du roman : « Nous devons donner raison à ceux qui prétendent que le roman est le premier des arts.

Il l'est, en effet, par son objet qui est l'homme.

Mais nous ne pouvons donner tort à ceux qui en parlent avec dédain, puisque, dans presque tous les cas, il détruit son objet en falsifiant la vie.

» Si tout roman comporte en effet une part de vérité et une part d'imagination, quel est l'aspect qui vous touche le plus ? Peut-on condamner absolument le second ? Dans son ouvrage intitulé Le romancier et ses personnages, le célèbre romancier contemporain François Mauriac s'est livré à des réflexions sur « cet art si vanté et si banni » qu'est le roman, « et dont on pourrait dire, s'il atteignait son noble but, qu'il est incontestablement ce qu'il y a de plus divin au monde».

«Le noble but» est pour François Mauriac la peinture des mille détails d'une vie humaine dans toute leur complexité, et celle de la « symphonie humaine » dans tout son grouillement, son foisonnement.

Mais cet écrivain aboutit à l'idée que l'art du romancier est un échec, car «dans l'individu il isole et immobilise une passion et dans le groupe il isole et immobilise un individu ».

C'est pourquoi il conclut : « Nous devons donner raison à ceux qui prétendent que le roman est le premier des arts.

Il l'est, en effet, par son objet qui est l'homme.

Mais nous ne pouvons donner tort à ceux qui en parlent avec dédain, puisque, dans presque tous les cas, il détruit son objet (en décomposant l'homme, dit-il également) en falsifiant la vie.

» Certes, il est vrai que le romancier ne peut atteindre le réalisme absolu, et que tout roman comporte une part de vérité et une part d'imagination.

Mais n'est-ce pas justement grâce à l'invention que l'écrivain parvient à ce que Marcel Proust appelle « la stylisation du réel, qui caractérise l'œuvre d'art » ? Certes, de tout temps et périodiquement, les écoles littéraires ont tenté d'approcher cet être mystérieux qu'est l'homme, et d'en donner une représentation fidèle et exacte, « selon nature ».

Du Roman de Renart à Villon, Rabelais, Furetière, La Bruyère, Marivaux, en passant par « les réalistes » du XIXe siècle, Balzac, Flaubert et Guy de Maupassant, jusqu'à notre époque même avec Gide et Proust, nombreux ont été les écrivains qui se sont assigné cette tâche, souvent très ingrate.

Le plus célèbre d'entre eux, Balzac, voulait « faire concurrence à l'état civil », en entreprenant la description et la classification « des espèces sociales », tâche d'autant plus ardue que, dans notre règne humain, les facteurs de différenciation sont multiples et complexes.

Sans doute par réaction au romantisme, qui déformait la réalité pour des raisons esthétiques ou sentimentales, il se proposait d'étudier l'homme d'après son comportement, dans son milieu, à la lumière des théories sociales ou physiologiques.

Je suis moi-même séduite par la tentative de cet « historien des mœurs » qui a contribué pour une très grande part à nous donner une plus ample connaissance de son époque.

Flaubert montrera également une véritable hantise du réalisme, en nous imposant la présence de toutes les réalités matérielles, en particulier celle de l'empoisonnement de Madame Bovary, pour lequel il avait lu, dit-on, plus de mille cinq cents livres de médecine.

Si Balzac avait été le premier à instaurer le roman où l'on mange et où l'on boit, Flaubert était le premier à fournir un tel travail pour chacune de ses œuvres.

A la même époque, Stendhal déclarait que « le roman est un miroir que l'on promène au bord d'un chemin ».

Il tenait même tant à cette idée qu'il en a fait l'épigraphe de son chef-d'œuvre, Le Rouge et le Noir.

Il a compensé la simplification du dessin de ses personnages par une multitude de détails qui donnent l'impression du vécu, qui les arrachent du roman pour les installer dans la vie réelle.

Ils ne semblent soumis à aucun déterminisme, si ce n'est celui de leur moi profond : ainsi Fabrice del Dongo transporté par sa passion pour Clélia Conti, dans La Chartreuse de Parme, ainsi Mathilde dévorée par les tourments dus à son éducation et à sa conception du devoir, dans Le Rouge et le Noir.

Les attitudes, les réactions des personnages, qui sont conformes à leur caractère, nous font dire : « Ah ! cela est vrai, cela ne peut être inventé ! » pour reprendre l'expression de Diderot, lorsqu'il parlait avec fierté du Neveu de Rameau.

C'est donc « en s'incarnant dans les personnages et non en les attirant à soi » que Stendhal a atteint le réalisme.

Quant à Guy de Maupassant, il y est parvenu sur les conseils de son parrain Gustave Flaubert, « en regardant toutes les réalités matérielles d'un œil neuf et objectif ».

Loin d'épurer le réel, de le décanter, il le rend grouillant, il nous en rend une vision plus probante que la réalité même.

Car il a soin d'omettre toutes les coïncidences, tous les détails inattendus qui surviennent dans la vie, et ceci volontairement, comme en témoignent ses lettres à Gustave Flaubert. Les naturalistes pousseront encore le réalisme à son paroxysme, ne voulant reproduire que « la vérité, rien que la vérité, toute la vérité», en créant le roman expérimental.

Des romans comme Germinal ou L'Assommoir d'Emile Zola me passionnent, car ils sont véritablement un moyen de connaissance de l'Homme.

Germinal, par exemple, nous permet de prendre conscience de la lutte ouvrière à la fin du xix' siècle, par la peinture de la vie de tout un coron. Ce n'est même plus une peinture qu'il nous fait, car à la lecture de ses œuvres nous nous sentons vivre au milieu même des personnages, nous sentons l'odeur de la brioche chez les propriétaires de l'usine, nous participons aux émeutes des ouvriers, nous travaillons à la mine.

Ballottés entre l'espoir d'un sort plus juste et la crainte, nous sommes pris nous-mêmes dans la vie du roman.

Ce qui donne l'ambiance de vérité à l'œuvre de Zola est aussi le fait que nous avons l'impression que les personnages vivent également leur propre vie.

A la fin d'un roman, ils continuent à respirer, et nous les retrouvons dans un autre roman de la série des Rougon-Macquart.

Ainsi Zola reprend l'idée de Balzac, qui, avec sa Comédie humaine, voulait créer véritablement un univers, vraiment «miroir» de notre société. Nous pourrions également citer les frères Goncourt qui ont désiré, dans chaque roman qu'ils ont écrit, représenter. »

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