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Faut-il vouloir imposer la vérité ?

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« Introduction Il semble possible d'affirmer sans trop se tromper que la vérité a toujours été pour l'homme une obsession, quand celui-ci s'adonnait à la recherche du savoir, de l'intelligibilité des choses du monde de la nature et de l'esprit.

Il fallait ainsi se détourner des simples appréhensions subjectives, si l'on voulait parvenir à une objectivité.

Mais ce désir de vérité est souvent apparu comme la marque d'une volonté de mettre en avant des conceptions plus arbitraires que légitimes dans la fondation (ou la déclaration) du savoir.

La croyance a dès lors retrouvée sa justification, devant la diversité de ses modalités d'apparaître.

Peut-on trouver alors un juste milieu capable de trancher entre l'unilatéralité des conceptions subjectives et arbitraires, et la volonté irréfléchie de vouloir imposer une vérité qui s'avérerait plus hostile que bénéfique ? I.

Un besoin de se défaire de l'opinion a.

A vec l'épistémologue Gaston Bachelard, la science doit s'élaborer contre l'opinion : « l'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître » (La formation de l'esprit scientifique).

A insi on ne peut rien fonder sur l'opinion, sur des croyances, qui sont par conséquent les premiers obstacles à surmonter pour la constitution d'une science vraie.

Dès lors imposer la vérité revient à se défaire de tout ce qui entrave le progrès de la raison dans les théories scientifiques. b.

La vérité peut être comprise autrement, à travers l'évidence, mode originaire d'appréhension d'un objet par la conscience.

A insi pour Husserl, l'évidence est l'autodonation indubitable de l'objet d'une visée intentionnelle pour une conscience originairement saisissante (c'est en quelque sorte la vérité du fait brut tel qu'il apparaît à la conscience). A insi, pour apercevoir l'évidence, il est nécessaire de modifier notre attitude naturelle à l'égard du monde, au moyen de ce que Husserl appelle la « réduction phénoménologique ».

Dans l'attitude naturelle nous portons constamment des jugements sur l'être des objets en soi (croyance en l'être).

L'attitude phénoménologique, en revanche, s'abstient de tout jugement sur l'être et le non-être des objets, ce qui rend possible l'observation sans préjugés de la conscience pure, de ce qui est donné comme phénomènes.

Ce procédé renvoie à l'époché (suspension du jugement) du scepticisme antique. On comprend par là que la vérité ne se construit pas d'abord par la conscience ; de fait, elle est bien plutôt une autodonation, une appréhension immédiate dont l'évidence sert de critère de vérité. II.

Vérité illusoire et promotion des croyances a.

Le pragmatisme de William James a une orientation subjectiviste.

Les croyances, qui sont au fondement de toute connaissance ou action, ne sont soumises à aucun critère général de vérité, mais sont l'expression des intérêts pratiques du sujet.

On mesure leur authenticité en se demandant si elles sont vivantes pour l'individu, c'est-à-dire si elle sont véritablement déterminantes, incontournables et significatives pour sa vie.

Le critère de la vérité est une confirmation dans la pratique qui prend en compte le profit obtenu, c'est-à-dire le fait que l'individu ait noué un commerce satisfaisant avec la réalité.

A insi, par exemple, l'hypothèse de Dieu est également vraie, si elle est satisfaisante pour l'accomplissement de la vie individuelle.

Etant donné que les hommes ont des intérêts et des conditions de vie différents, plusieurs « vérités » coexistent l'une à côté de l'autre.

Et comme les conditions de vie et les croyances évoluent, il faut aussi considérer la vérité de façon dynamique (cf.

Le pragmatisme). b.

La vérité est elle-même une croyance.

Elle est une « multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées […].

Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont […] » (Nietzsche, Le livre du philosophe).

Nietzsche fait la critique de ceux qui prétendent détenir une vérité unique.

La religion comme la science sont pour lui des exemples types de ceux qui veulent se rassurer par une vérité figée.

Le monde est pour Nietzsche rempli de sens, il n'est pas univoque.

A insi existent une infinité de perspectives, et non une seule.

La seule vérité est qu'il n'y a pas une vérité, mais une multiplicité de croyances et de désirs. b.

Montaigne s'emploie aussi à une critique de tout dogmatisme en réhabilitant la croyance.

C royances et coutumes permettent de juger.

Le jugement avec Montaigne ne contredit pas le doute puisqu'il est toujours arrêt et mouvement.

Il y a une communication constante entre la pensée et la vie.

O n pense la vie en vivant.

Il met en valeur la contingence des croyances.

Le jugement permet d'intercaler entre moi et mes croyances tout un tas d'autres coutumes me permettant d'apprécier le caractère relatif de ma croyance.

Le but n'est pas de donner plus de poids à ma croyance.

Le doute doit aider à cultiver en soimême la diversité des croyances.

Il faut avoir une « âme à plusieurs étages ».

On doit croire avec la conscience de la relativité des croyances (III, 3). III.

Le rêve de l'unité de la vérité, ou l'illusion de la raison a.

Point de vue et raison sont deux manières pour l'homme, soit de s'échapper du monde réel, soit de mettre en avant s e s intérêts.

Ainsi la « décadence » est pour Nietzsche exprimée dans la morale (chrétienne ou utilitariste) et dans la religion.

Les philosophes utilisent la raison pour trouver à tous prix un sens à la vie, une vérité.

Nietzsche montre que compte tenu de la diversité des choses réelles, il est « maladif » de vouloir poser une réalité ou une vérité unique.

La religion aussi est une invention d'un « arrière monde » par l'homme.

Elle permet simplement d'affaiblir l'homme, de lui offrir une consolation (Paradis) totalement incertaine, mais aussi d'accroître le pouvoir de certains (comme les prêtres) qui assujettissent la masse, le peuple docile prêt à tout sacrifier pour ses croyances.

La science n'est elle-même qu'une foi déguisée, et concourt aussi au ramollissement des hommes (cf.

Le gai savoir, la Généalogie de la morale).

La vie n'est constituée que de points de vue (perspectivisme) ; elle ne peut répondre à un besoin unique que serait la raison. L'universalité rassure, et Nietzsche va même jusqu'à faire de l'idée de vérité une invention née de ce besoin de sécurité, de l'accumulation d' « illusions dont on a oublié qu'elles le sont » (Le livre du philosophe). b.

P eut-on conclure, comme le philosophe contemporain Paul Ricœur, que la « passion de l'unité » de la vérité est paradoxalement source de mensonges dangereux ? D'une certaine manière, oui.

Le double exemple des passions religieuse et politique l'illustre bien.

En effet, toute entreprise visant à imposer une vérité au nom de sa présumée absolue supériorité ne recule devant aucun moyen – aucun mensonge, et le « faux pas du total au totalitaire » est facilement franchi (Ricœur, « V érité et mensonge » in Histoire et vérité) : « L'esprit du mensonge contamine la recherche de la vérité par le cœur, c'est-à-dire par son exigence unitaire ».

Le remède n'est sans doute pas la revendication opposée d'un « à chacun sa vérité » : la vérité est relative aux possibilités et exigences de la raison (cf.

Kant, Critique de la raison pure), dans certains cas peut-être à des croyances ; mais celles-ci perdraient leur qualité de croyances si on prétendait pouvoir en démontrer la vérité.

Dans bien peu de cas seulement, la vérité n'est relative qu'aux goûts et couleurs dont on ne discute pas. Conclusion La vérité est une idée haute qui doit tenir lieu d'une bonté intrinsèque à celui qui la désire véritablement.

Bonté qui signifie ici qu'il y a la nécessité d'être honnête envers la vie dans sa diversité, et donc qu'il y a une impossibilité à prôner une position une et seule.

L'un doit être pensé autrement que contre la multiplicité inhérente à toute chose.

La vérité, si elle doit s'imposer, ne doit pas pour autant s'arrêter ; ce qui implique qu'imposer la vérité, de manière positive, c'est clamer la volonté du sens, de sa continuation, des formes diverses qu'il peut prendre.

C ontre l'esprit idiot ou borné, la vérité est un désir capable de mener l'homme à de hautes idées dignes d'être repensées, telles celles des grands philosophes, dont le travail ne consiste en rien de moins que de nouer et dénouer, caractériser et décaractériser, lier et délier, dire et dédire etc., ce que la réalité lui apporte.. »

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