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Est-il vrai que rien ne mérite le sacrifice d'une vie humaine ?

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« Lorsque quelque chose mérite le sacrifice d'une autre, nous entendons par là qu'elle a d'après nous plus de valeur, qu'elle est préférable, et que pour cette raison il vaut mieux la conserver quand bien même il nous en coûte ce que nous lui préférons. Par vie, orienté en cela par le terme antécédent « sacrifice », nous entendrons le phénomène biologique, et non le contenu existentiel d'un individu qui s'inscrit dans le temps. Il faut bien voir que la formulation du sujet est inséparable d'un présupposé : dans la mesure où nous sommes invités à nous demander s'il est vrai que rien ne mérite le sacrifice de notre vie, cela implique qu'il y a de fortes probabilités pour que tel soit le cas.

Sans cela, on ne nous demanderait pas de vérifier cette idée. Nous nous demanderons donc si la vie est une valeur absolue (par absolue, nous entendons qu'elle doit être préférée à tout ce qui n'est pas elle) ou au contraire une valeur subordonnée à d'autres valeurs circonstanciellement concurrentes. I. L'instinct de conservation nous indique que rien ne mérite le sacrifice de notre vie a.

Le conatus Spinoziste comme preuve du caractère absolu de la valeur de la vie Nous commencerons par dire que, conformément au présupposé du sujet, il est vrai que rien ne mérite le sacrifice de notre vie.

En effet, il existe en nous-mêmes un instinct puissant qui nous pousse à la conservation de notre propre existence, et qui nous murmure que rien ne doit être préféré à celle-ci : c'est ce que Spinoza appelle le conatus.

Par ce mot, il désigne la force de persistance dans l'être de l'individu, l'instinct secret qui l'incite à se conserver lui-même.

La voix même de la nature répond pour nous à la question : il est vrai que rien ne mérite le sacrifice de la vie. b.

La valorisation sadienne de l'égoïsme Dans le même ordre d'idée, nous pouvons dire que rien ne mérite le sacrifice de notre vie, non parce que la vie en général est une valeur absolue, mais parce que notre vie personnelle en est une.

En effet, Sade montre bien qu'il est possible de se livrer à une valorisation absolue de l'égoïsme, par laquelle l'individu préfère sa propre vie, et jusqu'à son bien être, à la survie de l'humanité entière.

Une telle thèse se justifie ainsi : rien n'existe pour moi en dehors de la sensation, or les autres ne me touchent en rien, donc les autres ne me sont rien. II. Des valeurs concurrençant le caractère absolu de la valeur de la vie a.

La valeur supérieure de la vie d'autrui par rapport à la mienne : brève analyse de la mythologie de l'héroïsme Cependant, contre ces deux thèses (celle de Spinoza et celle de Leibniz) qui aboutissent toutes deux à la même conclusion, nous dirons qu'il est néanmoins certain que certaines choses peuvent mériter le sacrifice de notre vie.

En effet, la littérature et le cinéma abondent d'exemples ou un individu sacrifie s a propre vie à celle d'autrui, ou à celle de plusieurs autres individus.

Un tel comportement est socialement valorisé, puisque ces formes d'expression dont nous venons d e parler héroïsent ces actions.

Dans une perspective nietzschéenne, nous pouvons dire que, si ces comportements sont idéalisés, loués, c'est parce que la société nous éduque dans le sens du sacrifice qui la sert : les faibles influent moralement pour que les forts se sacrifient.

Cependant, nous pouvons justifier un comportement de ce genre par un simple calcul : il nous apparaît que le sacrifice d'une vie est préférable à la perte de beaucoup d'autres. Principalement quand il s'agit d'enfants, puisque, comme dit Céline dans le Voyage au bout de la nuit « avec eux c'est pas pareil, on sait jamais ce qu'ils vont devenir ». b.

Des valeurs morales préférables à ma vie Dans le m ê m e ordre d'idées, nous dirons qu'il apparaît souvent que certaines valeurs, certaines idées sont préférables à notre vie : l'histoire est remplie de sacrifices d'individus au nom de la foi, au nom d'une cause politique, au nom d'un simple mot (liberté, égalité et beaucoup d'autres encore).

Voltaire ironise dans les Lettres Philosophiques sur les sacrifices consentis par des illuminés à des sectes plus ou moins grotesques.

Sans critiquer ce comportement, nous dirons néanmoins pour le moment qu'il est faux que rien ne mérite le sacrifice d e notre vie : bien au contraire, les h o m m e s n'ont cessé de déprécier leur vie au point d e la sacrifier à des causes toujours plus nombreuses. III. Les dangers d'une valorisation hâtive du sacrifice de la vie a.

Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente (Georges Brassens) Néanmoins, nous dirons pour finir que le sacrifice de la vie à des idées ne saurait être aveuglément loué.

Comme le dit Brassens dans une chanson : « Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente ».

En effet, il se peut que nous sacrifiions notre vie à des idées qui ne seront plus les nôtres demain, à des erreurs complètes, ou à des choix que l'histoire ne retiendra pas pour les bons.

Il semble donc que certaines idées, certaines valeurs méritent le sacrifice de notre vie, à la différence de beaucoup d'autres.

Comment les reconnaître ? b.

L'histoire justifie-elle a posteriori le sacrifice de la vie ? Pour répondre à cette question, nous commencerons par dire qu'il se peut que seule l'histoire justifie le sacrifice de la vie pour certaines idées.

Aucune d'entre elles ne mériterait un tel sacrifice, mais toutes seraient susceptibles de le mériter si la marche de l'histoire en venait à le dire.

En effet, sacrifier sa vie pour la Révolution française (la révolution avait ses martyrs enfants et adultes, comme Viala et Marat) parait rétrospectivement un meilleur choix que de la sacrifier pour la cause de la monarchie.

Cependant, contre une telle thèse, nous dirons cependant qu'il est possible de déterminer au présent quelles idées méritent le sacrifice de la vie.

Pensons à la Seconde Guerre mondiale : sacrifier sa vie au service de la résistance n'est pas seulement un choix justifiable rétrospectivement, mais bien une cause qui méritait le sacrifice de la vie.

Nous dirons donc que certaines causes méritent le sacrifice de la vie : celles qu'un sens moral de la justice et du devoir nous permettent de reconnaître au sein même des tourments de l'histoire. Conclusion : A première vue, rien ne mérite le sacrifice de notre vie : celle-ci est une valeur absolue car la voix de la nature et celle de notre égoïsme naturel nous invitent à la considérer comme telle.

Cependant, nous savons tous que la société idéalise le sacrifice de notre vie au nom de la vie des autres et de certaines causes morales.

Contre cette valorisation indistincte du sacrifice de la vie, nous dirons que certaines causes méritent le sacrifice de celle-ci : celle que nous avons reconnues, par l'exercice de notre sens moral, de l'équité et du devoir, comme préférables à la permanence de notre être.. »

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