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Est-il vrai que rien ne mérite le sacrifice d'une vie humaine ?

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« Lorsque quelque chose mérite le sacrifice d'une autre, nous entendons par là qu'elle a d'après nous plus de valeur, qu'elle est préférable, et que pour cette raison il vaut mieux la conserver quand bien même il nous en coûte ce que nous lui préférons. Par vie, orienté en cela par le terme antécédent « sacrifice », nous entendrons le phénomène biologique, et non le contenu existentiel d'un individu qui s'inscrit dans le temps. Il faut bien voir que la formulation du sujet est inséparable d'un présupposé : dans la mesure où nous sommes invités à nous demander s'il est vrai que rien ne mérite le sacrifice de notre vie, cela implique qu'il y a de fortes probabilités pour que tel soit le cas.

Sans cela, on ne nous demanderait pas de vérifier cette idée. Nous nous demanderons donc si la vie est une valeur absolue (par absolue, nous entendons qu'elle doit être préférée à tout ce qui n'est pas elle) ou au contraire une valeur subordonnée à d'autres valeurs circonstanciellement concurrentes. I. L'instinct de conservation nous indique que rien ne mérite le sacrifice de notre vie a.

Le conatus Spinoziste comme preuve du caractère absolu de la valeur de la vie Nous commencerons par dire que, conformément au présupposé du sujet, il est vrai que rien ne mérite le sacrifice de notre vie.

En effet, il existe en nous-mêmes un instinct puissant qui nous pousse à la conservation de notre propre existence, et qui nous murmure que rien ne doit être préféré à celle-ci : c'est ce que Spinoza appelle le conatus. Par ce mot, il désigne la force de persistance dans l'être de l'individu, l'instinct secret qui l'incite à se conserver luimême.

La voix même de la nature répond pour nous à la question : il est vrai que rien ne mérite le sacrifice de la vie. LE « CONATUS » OU EFFORT DE L'ÊTRE. Rien ne va au néant.

Le nihilisme est absurde : « Nulle chose ne peut être détruite, sinon par une cause extérieure » (Éthique, III, P.

4). L'essence d'une chose est une manifestation limitée de l'essence de la Cause de soi, qui est puissance infinie : « Tant que nous considérons seulement la chose elle-même, et non les causes extérieures, nous ne pouvons rien trouver en elle qui puisse la détruire » (ibid.). De là découle la proposition 6, justement célèbre: « De par son être, chaque chose s'efforce de persévérer dans son être » L'être est désir d'être. « Cet effort, rapporté à l'esprit seul, s'appelle volonté ; mais quand il se rapporte à la fois à l'esprit et au corps, il s'appelle tendance (appetitus) ; la tendance n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme ; de cette essence découlent nécessairement les actes qui servent à sa conservation; et ainsi l'homme est déterminé à les faire.

De plus, entre la tendance et le désir (cupiditas) il n'y a nulle différence, sinon que le désir se rapporte généralement aux hommes dans la mesure où ils sont conscients de leurs tendances et c'est pourquoi on peut donner la définition suivante : Le désir est la tendance accompagnée de la conscience de cette même tendance. Ainsi il est établi que nous faisons effort en vue de quelque chose, la voulons, tendons vers elle, la désirons, non pas parce que nous jugeons qu'elle est bonne : au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous faisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.

» (Éthique, III, P.

9, Sc.).

Ainsi le désir, reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à la nature, exprime directement l'essence de l'être fini, ou puissance finie. b.

La valorisation sadienne de l'égoïsme Dans le même ordre d'idée, nous pouvons dire que rien ne mérite le sacrifice de notre vie, non parce que la vie en général est une valeur absolue, mais parce que notre vie personnelle en est une.

En effet, Sade montre bien qu'il est possible de se livrer à une valorisation absolue de l'égoïsme, par laquelle l'individu préfère sa propre vie, et jusqu'à son bien être, à la survie de l'humanité entière.

Une telle thèse se justifie ainsi : rien n'existe pour moi en dehors de la sensation, or les autres ne me touchent en rien, donc les autres ne me sont rien. II. Des valeurs concurrençant le caractère absolu de la valeur de la vie a.

La valeur supérieure de la vie d'autrui par rapport à la mienne : brève analyse de la mythologie de l'héroïsme Cependant, contre ces deux thèses (celle de Spinoza et celle de Leibniz) qui aboutissent toutes deux à la même conclusion, nous dirons qu'il est néanmoins certain que certaines choses peuvent mériter le sacrifice de notre vie. En effet, la littérature et le cinéma abondent d'exemples ou un individu sacrifie sa propre vie à celle d'autrui, ou à celle de plusieurs autres individus.

Un tel comportement est socialement valorisé, puisque ces formes d'expression dont nous venons de parler héroïsent ces actions.

Dans une perspective nietzschéenne, nous pouvons dire que, si ces comportements sont idéalisés, loués, c'est parce que la société nous éduque dans le sens du sacrifice qui la sert : les faibles influent moralement pour que les forts se sacrifient.

Cependant, nous pouvons justifier un comportement de ce genre par un simple calcul : il nous apparaît que le sacrifice d'une vie est préférable à la perte de beaucoup d'autres.

Principalement quand il s'agit d'enfants, puisque, comme dit Céline dans le Voyage au bout de la nuit « avec eux c'est pas pareil, on sait jamais ce qu'ils vont devenir ».. »

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