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Est ce la religion qui nous fait croire au bonheur ?

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Il ne s'agit pas d'un impératif hypothétique: dans le cas de ce dernier, je fais quelque chose pour autre chose, c'est un « il faut ». Ainsi vais-je faire mes courses parce qu'il faut manger. Faire mes courses, c'est un bien pour autre chose. Au contraire, le bien pour Kant est catégorique et absolu (ab solo, qui se suffit à soi-même). Je ne peux pas ne pas le faire. Et si je le fais, je le fais pour lui et pour lui seul: par exemple, je n'utiliserais pas un ami à des fins qui sont les miennes. Or, cet impératif catégorique doit être ainsi réalisé sans qu'il en aille de notre propre intérêt. Si ceci semble bien évidemment dure, du moins pouvons nous tendre vers cet idéal régulateur. Aussi, pour Kant la religion apparaît comme quelque chose d'intéressant mais non obligatoire. Elle nous laisse espérer que peut être, notre respect du devoir, ce respect absolu et sans concession, sera suivi de quelques effets sensibles et jouissances.

« La religion, du latin religare qui signifie relier, est justement de l'ordre de ce qui relie deux entités entre elles: le créateur, parfait, nécessaire, et ses créatures, imparfaites et contingentes.

L'attitude du croyant consiste à penser que l'ensemble de ce qui se situe ici bas ne prend son sens entièrement qu'à partir d'un être transcendant, il part du principe que l'immanence ne suffit pas pour lui livrer l'entièreté du sens du réel: une part lui échappe, invisible, à laquelle il n'a de cesse de se rattacher dans son activité de fidèle.

La rupture de ce lien entraînerait une perte irrémédiable où le croyant resombrerait dans un monde fait de souffrance, de difficultés et d'injustices, sans espoir de connaître un jour autre chose.

La religion en ce sens, officie dans le sens d'une promesse, celle d'un bonheur certain pour celui qui se comporte en conséquence: elle nous sauve de cette déchéance et dérive progressive de notre monde, un monde de peine.

Dans l'étrange et sombre forêt du réel, elle nous propose une lumière pérenne, elle nous fait proprement croire en un mieux, en une joie éternelle, un bonheur céleste.

Mais comment savoir ce qui vient en premier? Est-ce notre envie de bonheur qui nous pousse à croire en une religion qui nous propose par-delà les affres et les mouvements brutaux du réel, une île de quiétude promise à qui sait l'atteindre? Ou est-ce la religion qui fait naître en nous ce secret espoir? Croire au bonheur, n'est-ce pas déjà supposer que la denrée est rare par ici, voire que rien ne nous prouve son existence et que nous n'avons comme recours que la croyance, soit le fait de tabler sur quelque chose d'improbable hic et nunc? I.

Pourquoi « croire » au bonheur? Nous allons partir du fait que la croyance religieuse est composée de deux facettes indissociable: l'une empirique, et l'autre transcendante.

A un premier niveau, nous parlons de croyance au sens d'habitude: nous croyons quelque chose parce que nous sommes habitués à le voir se dérouler de telle manière.

Par exemple, rien ne m'assure que le soleil se lèvera demain avec une probabilité de p(1).

Ce n'est pas sûr absolument, pourtant, je crois bien qu'il se lèvera demain parce que, d'un point de vue psychologique, je suis habitué à le voir chaque matin.

Dans son Enquête sur l'entendement humain, Hume rappelle que c'est la répétition de l'occurence, de l'apparition d'un événement qui nous pousse à croire, par habitude (custom) qu'il reviendra comme tel.

Nous sommes habitués à associer en notre esprit de par l'expérience qui se répète, l'idée de jour avec celle de soleil qui se lève.

De telle manière que, leur contiguïté nous semble nécessaire, même si rien ne la fonde absolument, et qu'à l'apparition de l'un nous nous attendons à voir l'autre. Il s'agit ici de la facette empirique de la croyance religieuse: habitué à voir l'injustice, les actions terribles dont l'homme est capable et qui sont les conséquences de sa nature d'être déchu, les conséquences du péché adamique qui se répercute sur l'ensemble de l'humanité comme si c'était elle toute entière qui avait péché à travers ce mauvais geste originel.

Pascal, dans les Pensées, nous dit que l'homme est minable, et que sa petite joie véritable ne peut venir que du fait qu'il se sait comme tel.

Habitué à un certain état de fait, le croyant parce qu'il croit en la perte et l'obscurité du réel, ne croit précisément plus au réel. Et ceci l'amène précisément et de manière dynamique à la deuxième facette de la croyance religieuse: l'espérance.

Cette dernière est avant tout espoir d'être sauvé d'ici-bas, d'être libéré de ce cycle infernal de destruction et de tristesse.

La vie est souffrance, elle est donc en un sens coupable de telle sorte qu'elle mérite d'être jugé à partir d'autre chose qu'elle même, une issue favorable pour celui qui s'est donné la peine d'être charitable, un retour pour celui qui a tant donné (car sinon, cela semble trop dure de donné sans jamais savoir si la roue peut tourner).

Croire au bonheur en ce sens, c'est bien déjà, comme nous l'avons vue, ne pas croire qu'il puisse être ici, et ainsi croire qu'il est ailleurs, bien au-delà des horizons humains, promis à ceux qui le méritent. II.

Nietzsche: malheur et dette. »

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