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En quel sens peut-on dire que le monde est dans ma conscience ?

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« Traditionnellement, on conçoit la conscience comme ce qui permet de se représenter le monde.

Les objets qui existent autour de nous ne se trouvent donc pas physiquement dans notre conscience, mais sous forme d'images ou de représentations mentales.

Cependant, que signifie l'expression « avoir une image mentale de quelque chose » ? En d'autres termes, en quel sens peut-on dire que le monde est dans ma conscience ? Certes, ne sera pas sous sa forme physique que l'objet sera présent dans ma conscience : si j'ai conscience d'une chaise, je n'ai pas pour autant une chaise dans la tête.

Toutefois, si nous concluons de cela que la conscience produit des images mentales des choses, peut-on la tenir uniquement pour une sorte de classeur où les images viendraient toutes prendre place ? L'image est-elle forcément une sorte de vignette, comme une photographie, des objets ? C'est donc bien le sens d e la présence du monde dans m a conscience qu'il faut interroger.

N'oublions pas non plus de nous interroger, afin de préciser ces rapports, sur le statut de la conscience comme objet parmi les objets, comme objet dans le monde.

En effet, il semble qu'avant que le monde « passe » dans m a conscience, celle-ci soit dans le monde. I – Idéalisme et réalisme : image et représentation Deux théories traditionnelles présentent les rapports entre monde et conscience : le réalisme et l'idéalisme.

Selon la première, les objets (la réalité) existent en dehors de la conscience et sont la cause de nos images mentales : je vois un arbre et celui-ci produit en moi une image mentale d'arbre, qui subsistera même après que l'arbre a disparu.

À l'inverse, selon l'idéalisme, il n'existe que les représentations de la conscience : en effet, si je vois un arbre, comment pourrais-je m'assurer que ma représentation (l'image mentale) est identique à l'objet lui-même, puisque ce qui me permet de percevoir l'objet, c'est justement l'image qui se forme dans ma conscience. Ainsi, selon le réalisme le monde existe en dehors d e la conscience et il ne s'y trouve que représenté : l'image mentale est cette représentation.

Selon l'idéalisme, ce que nous appelons le monde existe dans la conscience, mais il ne s'agit pas d'une existence physique : le monde est alors esprit. Au premier abord, l'idéalisme semble plus dur à accepter que le réalisme.

On est plus susceptible de croire que le monde existe bel et bien, de manière physique et matériel, et qu'il se projette simplement en nous sous la forme d'images.

Cependant, d'un point de vue logique, l'idéalisme est plus cohérent.

En effet, le réalisme consiste à dire que des objets – de la matière – agissent sur l'esprit : les objets sont la cause des représentations mentales.

À l'inverse, l'idéalisme remarque avec justesse que nous ne pouvons pas comparer ces images aux objets, puisque ces objets sont pour nous ces mêmes images. Remarquons que les thèses idéalistes et réalistes connaîtront toutes sortes de raffinements et de nuances.

Toutefois, elles reposent sur un postulat qui leur est commun : le monde se donne sous la forme d'une représentation ou d'une image mentale.

La conscience serait un classeur, contenant les images de tous les objets, que ceux-ci existent physiquement en dehors de nous (réalisme) ou non (idéalisme).

C'est ce présupposé que Bergson tente de remettre en cause. II – Bergson et le monde comme composé d'images Dans Matière et mémoire, Bergson va remettre en cause l'idée selon laquelle le monde existerait sous forme d'images dans la conscience.

Dans cet ouvrage, il nous propose de considérer le monde lui-même comme un composé d'images.

Parler d'images pour les objets du monde implique alors de considérer que les images ne sont pas mentales, mais qu'elles existent en dehors de notre conscience.

Bergson complète son argumentation en montrant que ces images n'ont pas vocation à se reproduire dans la conscience.

Si on parle des objets en tant qu'images, c'est justement pour éviter de dire ensuite que ces images (matérielles) en produisent d'autres (mentales) dans la conscience.

Bergson montre plutôt qu'avoir conscience des images (donc du monde), c'est ne retenir qu'une partie de ces images, celle qui est utile à l'action.

Ainsi, avoir conscience d'une image (d'un objet), ce n'est pas le reproduire mentalement à l'identique, mais ne garder de lui que ce qui nous intéresse.

Le présupposé commun au réalisme et à l'idéalisme revenait en fait à dire que la conscience a pour but de connaître, donc de reproduire les objets à l'identique à l'intérieur de l'esprit.

Bergson dit au contraire que la conscience permet d'agir et ne retient donc que les aspects des objets qui permettent l'action. Mais, dira-t-on, la conscience, même si elle ne retient qu'une partie de l'image (de l'objet), continue de renfermer des images.

Or, selon Bergson ce n'est pas le cas : comme la conscience sert à l'action, la conscience ne retient que des mouvements ; elle ne stocke même pas des images tronquées.

L'idée est donc que les images agissent sur le corps, lequel grâce au système nerveux réagit en conséquence : il s'agit d'un mécanisme sensori-moteur (quelque chose agit sur moi, je le sens, je réagis en conséquence).

De ce point de vue, le monde n'est absolument pas dans m a conscience, puisque « avoir conscience d'un objet » ce n'est plus « le connaître en en formant la représentation », mais c'est « agir sur lui de manière appropriée ». III – Le monde comme horizon : temps et espace Jusque là, nous avons considéré la conscience et son fonctionnement au détriment d'une réflexion sur la notion de « monde ».

Qu'est-ce que cela pourrait nous apprendre ? Notons que jusqu'à présent le monde n'a pas pris le sens courant que le mot possède.

Le monde n'est donc évidemment pas à comprendre en un sens géographique (l'ensemble des pays sur terre) mais bien philosophique.

Ainsi, le monde, c'est l'ensemble des objets que je suis susceptible de rencontrer (cette chaise, cet arbre, telle personne, etc.).

C'est de ce point de vue-là que nous avons posé la question de l'existence du monde dans la conscience.

Cependant, le monde peut encore s'entendre en un autre sens. En effet, alors que les objets peuvent être rencontrés dans le monde (je bute sur telle pierre, je rencontre Paul, etc.), le monde lui-même n'est pas visible.

Le monde est le lieu où se disposent les objets, mais il n'est pas lui-même un objet (d'où le besoin de le distinguer du monde géographique, puisque en ce sens le monde peut s'assimiler à la Terre).

Le monde est donc la condition de possibilité des objets. Il n'est pas objet, mais sans lui, les objets n'auraient nulle part où être.

Le monde peut être dit en ce sens horizon, c'est-à-dire le fond commun à tous les objets. Cependant, à ce niveau, la conscience semble n'être qu'un objet parmi d'autres sur l'horizon qu'est le monde.

Afin de dépasser cela, on peut se référer à Kant qui situe dans la conscience, sous la forme de l'espace et du temps, le monde comme horizon.

En effet, pour Kant, le temps et l'espace n'existent pas en soi, mais sont des structures de la conscience qui permettent aux objets de nous apparaître.

Ce qui se trouve dans la conscience ce n'est donc pas le monde comme ensemble des objets, mais comme horizon, c'est-à-dire comme condition de possibilité d'apparition des objets. Conclusion : Ainsi, nous avons vu que selon la conception traditionnelle de la conscience le monde (les objets) est présent dans ma conscience à titre d'image mentale ou d e représentation.

Cependant, Bergson montre : 1° que la conscience n'est pas une sorte de classeur mental comportant les images de tous les objets, 2° que la conscience sert fondamentalement à agir plus qu'à connaître et 3° que les objets matériels ne pouvaient pas, de toute façon, produire des images mentales.

Ainsi, avec Bergson, le monde n'est pas dans la conscience, mais la conscience dans le monde.

Prolongeant toutefois notre réflexion, nous avons vu ; avec Kant, comment le monde pouvait finalement être réintégré dans la conscience, non pas en tant qu'objet, mais en tant qu'horizon, en sa qualité de condition de possibilité des objets eux-mêmes.. »

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