Peut-on séparer la conscience du monde ?
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Introduction
De manière spontanée, la conscience nous donne un monde, nous permet l'accès à celui-ci, nous manifestant
comme pris dans ce monde de manière naturelle, immédiate.
Et pourtant, la nature psychologique même de la
conscience indique bien une différence de nature possible avec le monde, que traduisent nos possibilités
d'introspection, de réflexion, qui appréhendent le monde sans pour autant s'y impliquer de façon matérielle.
Dès lors,
comment articuler ce sentiment d'appartenance au monde que fournit la conscience à cette nature qui apparaît
comme différente de la matérialité du monde ? Serait-ce que la séparation est le mode même de relation que la
conscience installe entre le sujet et son monde ?
I La conscience comme provenant du monde, et y faisant retour : Freud et Husserl
-Freud : La conscience est un instrument de régulation de l'énergie libre du psychisme inconscient, laquelle est
alimentée par les excitations nerveuses du corps, elles-mêmes provoquées par les rencontres avec le monde
extérieur (L'Interprétation des rêves).
Dès lors, la conscience ne peut être séparé du monde environnant : elle est
ce procédé de liaison et de formation de l'énergie psychique directement connectée au monde qui nous entoure.
-Husserl : même dans sa production phénoménale, psychologique, la conscience ne se résume pas à sa différence
de nature avec le monde matériel.
En effet, comme le montre Husserl dans les Méditations cartésiennes, la
conscience permet un accès, une ouverture au monde extérieur en tant qu'extérieur.
Dès lors, la nature
essentiellement relationnelle de la conscience implique nécessairement une association au monde extérieur.
II Abstraction possible de la conscience par rapport au monde : Husserl encore et les Stoïciens
-Husserl : cependant, la relation qu'instaure la conscience au monde doit être elle-même interrogée.
Ainsi, elle
instaure une hiérarchie entre la nature de la conscience et celle du monde : la nature de la conscience est
nécessaire, celle du monde est contingente.
Ce qui signifie que même sans l'existence du monde, la structure de la
conscience resterait inchangée.
Le fondement de la conscience est donc indépendant du monde environnant.
-les Stoïciens : cette possibilité d'abstraction de la conscience, opposant son mode d'être à celui du monde, les
Stoïciens, Cicéron par exemple, la mettent à profit pour penser une liberté inconditionnée de la conscience par
rapport au cours des évènements.
La conscience possède une indépendance irréductible face au destin : elle ne
peut le changer bien sûr, le cours des choses et le cours de la conscience étant de natures différentes.
Mais elle
peut choisir son attitude face à lui : s'y opposer, y consentir, l'ignorer...
Le pouvoir d'abstraction de la conscience
fonde donc la liberté morale de l'homme.
III La séparation comme activité de la conscience, vers une communauté avec le monde : Bergson et
Nietzsche
-Bergson : la conscience est une activité psychologique de sélection et de déformation de la nature du monde.
La
conscience pense le monde de façon rigidifiée et spatiale, instaurant ainsi une pseudo-distance entre elle-même et
ce monde, permettant ainsi une illusion de séparation entre les deux (La pensée et le mouvant).
Mais pour Bergson,
la conscience n'a pour fonction que de réactualiser la dynamique psychique inconsciente, laquelle est directement
en prise avec le monde : la conscience ne prétend se séparer du monde que pour finalement mieux s'y inscrire.
-Nietzsche critique l'abstraction de la conscience, qui serait dotée d'une neutralité d'appréhension du monde, lui
offrant la possibilité de se détacher de celui-ci.
Pour Nietzsche, la conscience n'est qu'une forme de volonté de
puissance, qui a la particularité de nier cette dimension de volonté (La Généalogie de la morale).
Or, pour lui, le
monde dans sa globalité est expression de volonté de puissance : la conscience relève donc du même type de
réalité.
La conscience ne représente par conséquent qu'une partie spécifique de la réalité du monde, qui peut
redoubler celle-ci par le biais de la réflexion, mais sans pouvoir prétendre s'en abstraire.
Conclusion
-La conscience ne peut s'abstraire du monde : son origine (biologique et existentielle) et sa fin n'ont de sens que
par l'inscription de l'homme dans son monde.
-Cependant, le mode d'inscription de la conscience dans le monde est spécifique, car il est critique, et prétend
installer une distance entre ce monde et cette conscience.
-Il est donc nécessaire à la conscience de tendre vers la séparation avec le monde : mais ce mouvement ne peut
jamais être accompli, la conscience ne faisant que relancer la communauté originelle et inconsciente entre l'homme
et le monde, et faisant elle-même partie de la réalité de ce monde..
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