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Y a-t-il lieu de distinguer des vérités d'expérience et des vérités de raison ? Les vérités de raison ne sont-elles elles-mêmes que d'anciennes acquisitions de l'expérience? Ou bien faut-il penser qu'elles sont déjà nécessaires à l'homme pour comprendre

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Voilà un sujet on ne peut plus classique, mais posé sous une forme nouvelle et en même temps parfaitement claire. Tout candidat qui connaît l'essentiel du problème de la raison a les éléments nécessaires et suffisants pour le traiter. La difficulté, dans ce cas, est de substituer aux termes et aux cadres dans lesquels la question est traitée dans le cours ou dans le manuel les termes et les cadres utilisés dans renoncé. Ce qui instruit l'homme, c'est l'expérience, c'est-à-dire l'exercice de ses facultés et le contact avec les choses : l'aveugle dont la vue n'a jamais été impressionnée par les rayons lumineux ne sait pas, en définitive, ce que c'est que la lumière et les couleurs. Sans doute, nous apprenons beaucoup de choses en écoutant les autres, en particulier nos aînés et nos maîtres; en lisant des livres et des périodiques; mais ceux auprès desquels nous nous instruisons ne font que nous exposer leurs expériences ou celles qui ont été faites par d'autres. Immédiatement ou médiatement, toute connaissance vient de l'expérience. Il ne faudrait pas croire cependant que l'homme se contente d'expérimenter ou de constater ce qui est : il éprouve de plus une tendance incoercible à chercher le pourquoi de ce qui est, à en découvrir les causes et les raisons. Ainsi, les divers faits d'expérience arrivent à s'enchaîner en une série régulière de causes et d'effets s expliquant les uns les autres : peu à peu la science se constitue. Mais il arrive que le « pourquoi » qui peut encore se poser ne comporte pas de réponse : parfois par ignorance; parfois aussi parce que l'affirmation dont on demande le « pourquoi » ne peut pas être démontrée, étant elle-même le levier et la condition de toute démonstration : ainsi le physicien pose comme principe évident, mais indémontrable — c'est-à-dire ne pouvant pas être justifié par un « parce que » — que les mêmes causes dans les mêmes circonstances produisent les mêmes effets; le géomètre, que deux quantités égales à une troisième sont égales entre elles. Ces propositions, qui s'imposent à l'esprit, mais qu'il est impossible de prouver, constituent les principes de la raison, les vérités de la raison. Elle sont, en effet, le ressort et le levier du raisonnement : le principe de causalité pousse le physicien à chercher dans leurs antécédents l'explication des faits dont il est le témoin; le principe d'identité légitime la conclusion, en assurant le penseur qu'elle est impliquée dans les propositions ou prémisses d'où elle est déduite. Mais cette distinction de deux sortes de vérités — vérités d'expérience et vérités de raison — est-elle fondée ? Ne pourrait-on pas ramener les vérités de raison aux vérités d'expérience ? Faut-il admettre, au contraire, que l'expérience présuppose les ventés de raison et qu'il n'y a d'expérience instructive que grâce à elles ? * * * Avant d'entrer dans l'exposé et la discussion des hypothèses qui se présentent à l'esprit, précisons bien la nature et les caractères essentiels des deux types de vérité en question. Les vérités d'expérience sont l'énoncé d'un fait. Je suis assis et j'écris; des enfants jouent sous ma fenêtre; hier il pleuvait... : voilà des vérités d'expérience, celles qui se rapportent à un fait particulier. Il est plus fréquent, en effet, de réserver le nom de vérité à des propositions générales qui résument un grand nombre de faits : c'est une vérité d'expérience que l'eau éteint le feu, que les fruits sont mûrs en automne, que le manque de sévérité est source d'indiscipline... L'expérience nous apprend comment les choses sont et comment elles agissent : elle ne nous apprend pas pourquoi elles sont ainsi. Sans doute, grâce aux progrès des sciences et à la réflexion personnelle, je puis bien expliquer chimiquement l'extinction du feu par l'eau, le travail de maturation des fruits sous l'influence de la chaleur ou le désordre d'un groupement sans sanctions par la psychologie des foules ou par la psychologie tout court. Mais il y aura toujours, au bout de la série d'explications que je pourrai fournir, un fait qui restera inexpliqué : ce fait, ce sera au moins l'existence du monde, ma propre existence que je constate sans pouvoir l'expliquer par des raisons semblables à celles par lesquelles j'explique une panne ou une impression mélancolique. Par suite, les vérités d'expérience — le mot lui-même le dit — ne peuvent être connues que par une expérience, directe ou indirecte. C'est par une expérience directe que, regardant sous ma fenêtre, j'apprends que des élèves jouent. Mais je puis, tout en restant à ma table, aboutir à la même connaissance : les entendant crier et interprétant leurs cris, j'en conclurai qu'ils sont en train de jouer : dans ce cas, c'est indirectement que l'expérience m'instruit. Au contraire, les vérités de raison sont l'énoncé, non d'un fait, mais d'un principe de droit. Je ne puis pas être en même temps assis et debout; deux choses égales à une même troisième sont égaies entre elles; les mêmes causes produisent les mêmes effets : voilà des vérités de raison. Il est- classique de ramener les vérités de raison à deux : le principe d'identité — « ce qui est est » —, plus employé sous sa forme négative, le principe de contradiction — « la même chose ne peut pas à la fois être et n'être pas » —; ensuite, le principe de raison suffisante — « tout être a sa raison d'être » —, d'où dérive le principe de causalité, ressort fondamental des sciences expérimentales, « tout commencement a une cause », « les mêmes causes dans les mêmes circonstances produisent les mêmes effets ». La raison ne nous apprend pas ce qui est : l'expérience seule peut nous apprendre la réalité des choses. Par la raison, nous connaissons seulement les conditions absolues de l'existence et de la possibilité des choses. Je ne unis pas, indépendamment des données de mes sens, si les élèves sont dans la cour ou à l'étude; mais je sais, sans avoir besoin d'être informé par la vue ou par l'ouïe, que, s'ils sont dans la cour de récréation, ils ne sont pas dans la salle d'étude. De même, je ne sais pas si la pendule que j'ai vue arrêtée hier soir est actuellement en marche; mais je sais, sans l'avoir vue depuis, que, si elle marche, c'est qu'on l'a remise en marche. Ces affirmations s'appuient sur des vérités de raison. Mais d'où sais-je que tout ce qui commence ou change a une cause; que la même chose ne peut pas à la fois être et n'être pas ? C'est le problème de l'origine des vérités de raison ou des principes directeurs de la connaissance qui divise les philosophes.

« Y a-t-il lieu de distinguer des vérités d'expérience et des vérités de raison? Les vérités de raison ne sontelles elles-mêmes que d'anciennes acquisitions de l'expérience? Ou bien faut-il penser qu'elles sont déjà nécessaires à l'homme pour comprendre les enseignements de l'expérience ? Voilà un sujet on ne peut plus classique, mais posé sous une forme nouvelle et en même temps parfaitement claire. Tout candidat qui connaît l'essentiel du problème de la raison a les éléments nécessaires et suffisants pour le traiter.

La difficulté, dans ce cas, est de substituer aux termes et aux cadres dans lesquels la question est traitée dans le cours ou dans le manuel les termes et les cadres utilisés dans renoncé. Ce qui instruit l'homme, c'est l'expérience, c'est-à-dire l'exercice de ses facultés et le contact avec les choses : l'aveugle dont la vue n'a jamais été impressionnée par les rayons lumineux ne sait pas, en définitive, ce que c'est que la lumière et les couleurs.

Sans doute, nous apprenons beaucoup de choses en écoutant les autres, en particulier nos aînés et nos maîtres; en lisant des livres et des périodiques; mais ceux auprès desquels nous nous instruisons ne font que nous exposer leurs expériences ou celles qui ont été faites par d'autres.

Immédiatement ou médiatement, toute connaissance vient de l'expérience. Il ne faudrait pas croire cependant que l'homme se contente d'expérimenter ou de constater ce qui est : il éprouve de plus une tendance incoercible à chercher le pourquoi de ce qui est, à en découvrir les causes et les raisons. Ainsi, les divers faits d'expérience arrivent à s'enchaîner en une série régulière de causes et d'effets s expliquant les uns les autres : peu à peu la science se constitue.

Mais il arrive que le « pourquoi » qui peut encore se poser ne comporte pas de réponse : parfois par ignorance; parfois aussi parce que l'affirmation dont on demande le « pourquoi » ne peut pas être démontrée, étant elle-même le levier et la condition de toute démonstration : ainsi le physicien pose comme principe évident, mais indémontrable — c'est-à-dire ne pouvant pas être justifié par un « parce que » — que les mêmes causes dans les mêmes circonstances produisent les mêmes effets; le géomètre, que deux quantités égales à une troisième sont égales entre elles. Ces propositions, qui s'imposent à l'esprit, mais qu'il est impossible de prouver, constituent les principes de la raison, les vérités de la raison.

Elle sont, en effet, le ressort et le levier du raisonnement : le principe de causalité pousse le physicien à chercher dans leurs antécédents l'explication des faits dont il est le témoin; le principe d'identité légitime la conclusion, en assurant le penseur qu'elle est impliquée dans les propositions ou prémisses d'où elle est déduite. Mais cette distinction de deux sortes de vérités — vérités d'expérience et vérités de raison — est-elle fondée ? Ne pourrait-on pas ramener les vérités de raison aux vérités d'expérience ? Faut-il admettre, au contraire, que l'expérience présuppose les ventés de raison et qu'il n'y a d'expérience instructive que grâce à elles ? * * * Avant d'entrer dans l'exposé et la discussion des hypothèses qui se présentent à l'esprit, précisons bien la nature et les caractères essentiels des deux types de vérité en question. Les vérités d'expérience sont l'énoncé d'un fait.

Je suis assis et j'écris; des enfants jouent sous ma fenêtre; hier il pleuvait...

: voilà des vérités d'expérience, celles qui se rapportent à un fait particulier. Il est plus fréquent, en effet, de réserver le nom de vérité à des propositions générales qui résument un grand nombre de faits : c'est une vérité d'expérience que l'eau éteint le feu, que les fruits sont mûrs en automne, que le manque de sévérité est source d'indiscipline... L'expérience nous apprend comment les choses sont et comment elles agissent : elle ne nous apprend pas pourquoi elles sont ainsi.

Sans doute, grâce aux progrès des sciences et à la réflexion personnelle, je puis bien expliquer chimiquement l'extinction du feu par l'eau, le travail de maturation des fruits sous l'influence de la chaleur ou le désordre d'un groupement sans sanctions par la psychologie des foules ou par la psychologie tout court.

Mais il y aura toujours, au bout de la série d'explications que je pourrai fournir, un fait qui restera inexpliqué : ce fait, ce sera au moins l'existence du monde, ma propre existence que je constate sans pouvoir l'expliquer par des raisons semblables à celles par lesquelles j'explique une panne ou une impression mélancolique. Par suite, les vérités d'expérience — le mot lui-même le dit — ne peuvent être connues que par une expérience, directe ou indirecte.

C'est par une expérience directe que, regardant sous ma fenêtre, j'apprends que des élèves jouent.

Mais je puis, tout en restant à ma table, aboutir à la même connaissance : les entendant crier et interprétant leurs cris, j'en conclurai qu'ils sont en train de jouer : dans ce cas, c'est indirectement que l'expérience m'instruit. Au contraire, les vérités de raison sont l'énoncé, non d'un fait, mais d'un principe de droit.

Je ne puis pas être en même temps assis et debout; deux choses égales à une même troisième sont égaies entre elles; les mêmes causes produisent les mêmes effets : voilà des vérités de raison. Il est- classique de ramener les vérités de raison à deux : le principe d'identité — « ce qui est est » —, plus employé sous sa forme négative, le principe de contradiction — « la même chose ne peut pas à la fois être et n'être pas » —; ensuite, le principe de raison suffisante — « tout être a sa raison d'être » —, d'où dérive le principe de causalité, ressort fondamental des sciences expérimentales, « tout commencement a une cause », « les mêmes causes dans les mêmes circonstances produisent les mêmes effets ». La raison ne nous apprend pas ce qui est : l'expérience seule peut nous apprendre la réalité des choses.

Par la raison, nous connaissons seulement les conditions absolues de l'existence et de la possibilité des choses.

Je ne unis pas, indépendamment des données de mes sens, si les élèves sont dans la cour ou à l'étude; mais je sais, sans avoir besoin d'être informé par la vue ou par l'ouïe, que, s'ils sont dans la cour de récréation, ils ne sont pas dans la salle d'étude.

De même, je ne sais pas si la pendule que j'ai vue arrêtée hier soir est actuellement en marche; mais je sais, sans l'avoir vue depuis, que, si elle marche, c'est qu'on l'a remise en marche.

Ces affirmations s'appuient sur. »

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