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Toute connaissance passe-t-elle par des représentations ?

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« Afin d'entamer notre réflexion, commençons par distinguer notre sujet du suivant : « La connaissance passe-t-elle par des représentations ? » En effet, il ne s'agit pas uniquement de s'interroger sur les rapports entre connaissance et représentation, mais également d'arriver à mettre l'accent sur les divers types de connaissance et leur rapport à la représentation.

« Toute connaissance » ne sera donc pas compris comme « tout contenu de connaissance » – ce qui semble déjà renvoyer à la représentation – mais comme « tout mode de connaissance ». Ainsi, demandons-nous : quel processus de connaissance mobilise une ou des représentations ? De quelle faculté dépendent alors les représentations ? De quels types sont les représentations en question et en quoi contribuent-elles à la connaissance ? I – Descartes : connaissance et représentation Dans les Règles pour la direction de l'esprit (règle 12), Descartes explique que les quatre facultés de connaître (les sens, l'imagination, la mémoire et l'entendement) sont, d'une manière générale, des facultés liées à la représentation ; autrement dit, elles permettent de se représenter leur objet. Cependant, le sens même du terme « représenter » conduit à spécifier le type de représentation en question.

En un premier sens, représenter signifie pour Descartes « présenter de nouveau l'objet », non pas tel qu'il est en soi, mais tel qu'il est saisi par les sens, l'imagination, la mémoire ou l'entendement.

La représentation appartient alors aux quatre facultés.

Mais, en un second sens, la représentation évoque l'image formée à partir des objets ; à ce moment-là, la représentation est une propriété exclusive de l'imagination.

Afin d'éclairer ce point, prenons un exemple tiré des Méditations métaphysiques : Considérons un morceau de cire fraîchement tiré de la ruche ; nos sens nous en livrent une représentation : celui-ci est solide, dur, froid, parfumé de l'odeur des fleurs, etc.

Mais, approchons-le du feu, il fond et devient méconnaissable : il est désormais chaud, liquide, mou, etc.

J'imagine alors que la cire peut prendre diverses figures dans l'espace et dans le temps : je me représente alors, en imagination, divers états de la cire.

Toutefois, qu'est-ce qui me fait connaître réellement la cire ? Non pas les sens, qui m'en livrent un seul aspect à un moment donné.

Non pas l'imagination, qui me permet seulement de parcourir les divers états possibles de la cire.

C'est l'entendement, qui me représente la cire indépendamment de son état actuel (donné par les sens) ou de ses états possibles (données par l'imagination). II – La connaissance « passe » par des représentations Quels progrès avons-nous réalisé grâce à cet exemple ? Premièrement, nous avons constaté que seule l'imagination procède par représentation (au sens d'image), puisqu'elle permet de se figurer les divers états de la cire.

Deuxièmement, même si au sens large la représentation s'applique aux sens, à l'imagination et à l'entendement, seul l'entendement fournit une représentation ayant trait à la connaissance de la nature de l'objet. En somme, l'entendement use de représentations (qui ne sont pas des images, mais des présentations des objets à sa manière : on pourrait dire des idées) et nous fait connaître ce qu'il représente.

Mais quel lien établir alors entre les diverses facultés ? Estce que les seules représentations de l'entendement aboutissent à une authentique connaissance ? En fait, pour Descartes, si se représenter les objets est une activité commune aux sens, à l'imagination et à l'entendement, de la même manière que l'authentique représentation (grâce aux images) n'est propre qu'à l'imagination, la véritable connaissance ne relève que du domaine de l'entendement comme point culminant de toutes les facultés. Précisément, c'est la notion de « passage » qui va nous permettre de rendre compte de l'intrication entre représentation et connaissance.

En effet, dire que la connaissance passe par des représentations peut aussi signifier que la connaissance transite d'un type de représentations à un autre.

Or, pour Descartes, l'imagination, qui crée les images des corps sentis, peut venir au secours des sens ; de même, l'entendement, pour raisonner, peut se servir d'images ou bien, au contraire, l'imagination faire appel à l'entendement : imaginer, dit Descartes, « c'est faire usage, non pas de l'entendement pur, mais de l'entendement aidé des images dépeintes en la fantaisie ». III – L'unité spirituelle de la connaissance Ainsi, nous comprenons le lien qui s'établit entre les diverses facultés : elles se soutiennent mutuellement et concourent à une connaissance qui est imputable plutôt à l'esprit, qu'à telle ou telle faculté.

Descartes dit justement : « En somme, il faut se servir de tous les secours que peuvent fournir l'entendement, l'imagination, les sens et la mémoire […] ; tout cela de manière à ne négliger aucune fraction des ressources humaines.

» Cependant, cela implique quelques spécifications.

En effet, en matière de métaphysique, Descartes laisse le soin au seul entendement de concevoir, par exemple, ce qu'est l'âme, c'est-à-dire une substance pensante.

Or, il s'agit bien de délimiter le mauvais usage des représentations de l'imagination, c'est-à-dire de comprendre quand est-ce qu'elle deviennent nuisibles à la connaissance.

En revanche, dans la connaissance physico-mathématique des corps, les représentations imaginatives sont bienvenu. De fait, tout ce qui touche aux choses intellectuelles sont réservées au seul entendement, tandis que la connaissance des corps fait bien de s'appuyer sur les ressources des sens et de l'imagination.

Cela nous permet alors de distinguer entre divers types de représentations et leurs concours différent à la connaissance, différence qui s'unifie sur le fond d'une circulation (d'un passage) des représentations au sein de l'esprit connaissant lui-même. Conclusion : Ainsi donc, toute connaissance passe bien par des représentations.

Or, il n'est plus désormais possible d'entendre cette formule en un sens naïf.

En effet, la connaissance apparaît désormais comme un processus global, qui implique l'unité des facultés au sein de l'esprit humain : les sens, l'imagination et l'entendement constituent cet édifice.

De ce fait, le passage en question signifie aussi bien que la connaissance se sert de représentations (elle passe par des représentations) qu'elle résulte d'une circulation d'un type de représentations à un autre.

D'où le pluriel utilisé dans le sujet : « Toute connaissance passe-t-elle par des représentations ? » et non « Toute connaissance passe-t-elle par la représentation ? » ou « Toute connaissance est-elle représentative ? » À partir de là, nous aboutissons à notre troisième élément d'analyse : les représentations ne sont pas toutes du même ordre et ne coïncident pas nécessairement avec l'image.

Si l'on peut dire que toute connaissance passe par des représentations, c'est donc en un sens précis.. »

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