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Rien ne semble plus faux que la maxime socratique : « Connais-toi toi-même. » C'est absurde, on ne se connaît pas soi-même, parce que le fond de soi-même n'est rien, c'est le néant. Le vrai moyen de se connaître serait plutôt : « Oublie-toi. Oublie-toi p

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Comme l'indique l'adjectif « littéraire » de la consigne formulée par cette dernière phrase et comme le confirme le fait que le second des trois sujets. proposés à celte session est explicitement philosophique, le sujet dont nous venons de donner le texte relève de la littérature. Pour le traiter du point de vue qui intéresse le philosophe nous supprimerons cet adjectif et répondrons à la consigne suivante : appréciez la valeur de ces réflexions ou de cette attitude. INTRODUCTION. - Le célèbre précepte que SOCRATE lut au fronton du temple de Delphes passe communément pour l'expression d'une exigence essentielle de la spéculation philosophique et de la vie morale : avant de hasarder l'explication dernière de toutes choses à laquelle prétend la philosophie, il convient que le philosophe commence par s'expliquer lui-même et donc qu'il ait de lui-même une connaissance approfondie; cette connaissance n'est pas moins indispensable pour définir l'idéal à réaliser que pour déterminer les moyens à mettre en oeuvre afin de s'en approcher. Aussi le « Connais-toi toi-même » socratique passe-t-il pour une des plus sages directives qu'on puisse donner à l'homme. Dès lors il est surprenant qu'un CLAUDEL, homme de lettres sans doute, mais plus soucieux de pensée, de valeur morale et de vérité religieuse que de beau style, ait pu rejeter l'opinion communément reçue dans le monde des penseurs et l'ait rejetée en ces termes catégoriques jusqu'à la violence : « Rien ne semble plus faux... » Que faut-il penser de cette condamnation péremptoire ?

« Rien ne semble plus faux que la maxime socratique : « Connais-toi toi-même.

» C'est absurde, on ne se connaît pas soi-même, parce que le fond de soi-même n'est rien, c'est le néant.

Le vrai moyen de se connaître serait plutôt : « Oublie-toi.

Oublie-toi pour être absorbé dans le spectacle qui s'offre à toi.

» (P. CLAUDEL, N.R.F., juin 1953.).

Appréciez la valeur littéraire de ces deux attitudes en face de l'homme et du monde. Comme l'indique l'adjectif « littéraire » de la consigne formulée par cette dernière phrase et comme le confirme le fait que le second des trois sujets.

proposés à celte session est explicitement philosophique, le sujet dont nous venons de donner le texte relève de la littérature.

Pour le traiter du point de vue qui intéresse le philosophe nous supprimerons cet adjectif et répondrons à la consigne suivante : appréciez la valeur de ces réflexions ou de cette attitude. INTRODUCTION.

- Le célèbre précepte que SOCRATE lut au fronton du temple de Delphes passe communément pour l'expression d'une exigence essentielle de la spéculation philosophique et de la vie morale : avant de hasarder l'explication dernière de toutes choses à laquelle prétend la philosophie, il convient que le philosophe commence par s'expliquer lui-même et donc qu'il ait de lui-même une connaissance approfondie; cette connaissance n'est pas moins indispensable pour définir l'idéal à réaliser que pour déterminer les moyens à mettre en oeuvre afin de s'en approcher.

Aussi le « Connais-toi toi-même » socratique passe-t-il pour une des plus sages directives qu'on puisse donner à l'homme. Dès lors il est surprenant qu'un CLAUDEL, homme de lettres sans doute, mais plus soucieux de pensée, de valeur morale et de vérité religieuse que de beau style, ait pu rejeter l'opinion communément reçue dans le monde des penseurs et l'ait rejetée en ces termes catégoriques jusqu'à la violence : « Rien ne semble plus faux...

» Que faut-il penser de cette condamnation péremptoire ? I.

— DANGERS OU CE QUE SUGGERENT DE VRAI - LES REFLEXIONS DE CLAUDEL. Il faut bien l'accorder à CLAUDEL, quelque désirable qu'il puisse être de se connaître soi-même, la recherche systématique de cette connaissance n'est pas sans danger. A.

— Narcissisme. Tout d 'abord, le souci de réaliser le mot d'ordre « Connais-toi toi-même » nous amène tout naturellement à concentrer notre intérêt sur soi : attitude malsaine qui a provoqué cette réflexion de GIDE : « Connais-toi toi-même ».

Maxime aussi pernicieuse que laide.

Quiconque s'observe arrête son développement.

La chenille qui chercherait à se bien connaître ne deviendrait jamais papillon.

» (Nouvelles nourritures, p.

113.) « Paradoxale boutade », ainsi que le reconnut plus tard son auteur (Journal, 30 oct.

1935), mais qui renferme, ajoute-t-il, « une part importante de vérité » : à se replier constamment sur soi-même sous prétexte de se bien connaître, on risque comme le NARCISSE de la fable, non seulement da tomber dans une vaine complaisance à l'égard de ce qu'on observe, mais encore de s'en tenir à cette observation, négligeant de rien faire pour devenir meilleur et à plus forte raison n'ayant aucun souci des autres.

Comme le dit LAVELLE (L'erreur de Narcisse, p.

12), « la conscience que NARCISSE cherche à avoir de lui-même lui ôte la volonté de vivre, c'est-à-dire d'agir ». B.

— Illusions. Bien plus, la préoccupation exclusive d'aboutir à une authentique connaissance de soi fait qu'on se trompe sur soimême. Nous avons tous des idées préconçues, et celles qui nous concernent sont plus difficiles à éliminer que toute autre : quand il se porte sur nous, notre regard altère, et le plus souvent embellit, tout ce qu'il voit. D'ailleurs, pouvons-nous prétendre nous observer nous-mêmes ? En fait, la conscience ne nous donne jamais qu'une image de la réalité que nous sommes, et cette image est autre chose que notre vrai moi. Nul ne peut se reconnaître tout à fait dans l'effigie que le miroir de la réflexion lui renvoie de lui-même.

C'est soi et ce n'est pas soi.

Quelle que soit la précaution avec laquelle Narcisse se dédouble, il s'affronte à lui-même et fait apparaître devant lui une image inverse et complémentaire.

Il est ce dialogue permanent du moi et de son image qui constitue les alternatives mêmes de la conscience que nous avons de la vie.

Et il n'obtient jamais avec elle cette exacte coïncidence qui les abolirait toutes les deux. Ainsi nous nous voyons comme un autre qui n'est point un autre pourtant, bien qu'il ne nous donne de nous-même qu'une apparence que ni la main ne saisit, ni le miroir ne retient, et une fausse apparence qui trahit toujours le modèle.

(L.

LAVELLE, L'erreur de Narcisse, p.

14.) Enfin, il serait chimérique de prétendre, par la simple observation de soi, aboutir, non seulement à la conception d'un idéal de conduite, mais encore à une véritable idée de ce qu'on est.

En effet, nous ne pensons pas sans notions générales, sans normes empruntées à une large expérience des choses et des hommes.

L'idéal, ainsi que l'a bien fait valoir SCHELER, se manifeste d'abord sinon toujours sous forme de modèles : ce qui suppose l'observation d'autrui. C.

— Conclusion. A celui qui, pour se connaître, prétendrait se contenter de l'observation de soi-même, nous pourrions être tentés de dire avec CLAUDEL : « Oublie-toi.

» Tu parviendras à une plus juste connaissance de toi-même en regardant autour de toi qu'en braquant ton attention sur ce qui se passe dans ta conscience.. »

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