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L'usage de la rasion consiste-t-il seulement à discerner le vrai et le faux ?

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« INTRODUCTION. On ent end so uvent dire que t out irait mieux s i les hommes écoutaient la voix de la raison. Que faut -il comp rendre par là ? V eut-on d ire qu'il c onviendrait de faire usage de notre raison pour régler nos actions ? Mais on peut s'interroger s ur le sens d'un tel précepte ; la raison nous permet de distinguer le vrai et le faux, mais peut-elle faire autre chose ? Peut-elle nous permettre de distinguer aussi le bien et le mal ? 1.

DE LA CONNAISSANCE À L'ACTION. A .

La raison théorique La raison est la faculté de combiner logiquement des concepts et des propositions.

La raison nous permet donc de dire si de telles combinaisons, ou jugements, sont cohérentes ou incohérentes, c'est-à-dire si ces jugements sont formellement vrais ou faux.

D'autre part, en confrontant ces jugements à l'expérience, la raison nous permet de dire s'ils correspondent à des faits, c'est-à-dire s'ils sont réellement vrais ou faux. B.

La raison pratique a Les jugements de la raison peuvent par conséquent porter sur tout ce qui est pensable, conceptualisable : aussi bien sur les phénomènes de la nature que sur les actions humaines.

De plus, dès lors qu'elle nous permet de comprendre, la raison nous permet aussi d'agir efficacement : si j'ai une idée vraie des lois qui régissent tels phénomènes, je peux agir efficacement parce qu'en fonction de ces lois, en n'allant pas contre elles, mais en m'y conformant pour assurer le succès de mon action.

Ainsi, quand je veux atteindre une fin, la raison me dit si les moyens que je me propose pour atteindre cette fin sont ou non efficaces.

A la raison théorique s'ajouterait donc une raison pratique. Mais, à y bien regarder, nous restons en réalité toujours dans la sphère du vrai et du faux : la raison se borne à m'indiquer si les jugements que je forme à propos de mon action sont corrects ou non ; elle ne porte jamais, comme on va le voir, un jugement sur l'action en soi, contrairement à une croyance commune (partagée par nombre de philosophes) qui, par un glissement insensible, fait de la raison, faculté de « bien juger », une faculté de discerner le bien et le mal. 2.

LA RAISON NE DIT RIEN SUR LE BIEN ET LE MAL. C omme Hume l'a souligné avec force, c'est e n effet par manque 52 de rigueur que l'on qualifie une action de raisonnable ou de dérais onnable : une action est ou n'est pas, elle ne peut être vraie ou fausse : seul peut l'être un jugement à propos de cette action. « La raison sert à découvrir la vérité ou l'erreur.

La vérité et l'erreur consistent dans l'accord et le désaccord soit avec les relations réelles des idées, soit avec l'existence réelle et les faits réels.

Donc tout ce qui n'est pas susceptible de cet accord et de ce désaccord, ne peut être ni vrai ni faux et ne peut jamais être un objet de notre raison.

Or, évidemment, nos passions, nos volitions et nos actions ne sont pas susceptibles d'un tel accord et d'un tel désaccord; car elles sont des faits originaux et des réalités originales, complètes en elles-mêmes, qui n'impliquent aucune référence à d'autres passions, volitions et actions.

Il est donc impossible de les déclarer vraies ou fausses, contraires ou conformes à la raison.

» Hume, Traité de la nature humaine, A ubier, II, p.

573. Prenons un exemple J'assassine mon professeur de philosophie pour m'éviter une mauvaise note. Sur cette action considérée en elle-même que peut nous dire la raison ? Rien. En revanche : Sur la proposition « j'assassine mon professeur de philosophie, etc.

», la raison pourra nous dire si cette affirmation est vraie ou fausse, c'est-à-dire si elle correspond à un fait réel ou non ; 2 B Sur la liaison des idées incluses dans cette proposition la rai-son peut nous dire si leur implication est correcte ou incorrecte (si j'assassine mon professeur avant qu'il ne corrige les copies, il ne pourra pas me mettre une mauvaise note : raisonnement correct). Dans ces c onditions, p our la raison, l'as sass inat de mon profes seur est une action rais onna ble en regard du but que je me s uis fix é (pas de mauvaise note).

Une action n'est raisonnable que par rapport à un but : ce même assassinat devient déraisonnable si mon but est de vivre sans trop d'ennuis, l'ennui que constitue ma mauvaise note n'étant rien par rapport aux ennuis que risque de m'attirer mon crime.

Mais ces buts relèvent toujours de ma volonté, de mes désirs, jamais de ma raison, et celle-ci ne saurait se prononcer sur eux en tant que buts, puisqu'elle ne peut les juger que par rapport à quelque chose qui n'est pas eux, que comme moyens pour d'autres fins qu'eux-mêmes. « Si une passion [ou une action] ne se fonde pas sur une fausse supposition et si elle ne choisit pas des moyens impropres pour atteindre la fin, l'entendement ne peut ni la justifier, ni la condamner.

Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt.

Il n'est pas contraire à la raison que je choisisse de me ruiner complètement pour prévenir le moindre malaise d'un Indien ou d'une personne complètement inconnue de moi.

Il est aussi peu contraire à la raison de préférer à mon plus grand bien propre un bien reconnu moindre et d'aimer plus ardemment celui-ci que celui-là.

» Hume, op.

cit., p.

525-526. 3.

LA RAISON EST ÉTRANGÈRE À LA MORALE : DÉMONSTRATION. Hume prouve que la rais on est fondamentalement étra ngère à la morale en faisant observer : Que no tre sens moral es t un princ ipe actif, qu'il détermine des fins qui provoquent ou empêc hent nos act ions tandis que la rais on est une faculté passive qui ne peut déterminer en nous une volition, un désir, mais simplement se mettre à leur service. « Aussi longtemps qu'on accordera que la raison est sans influence sur nos passions et sur nos actions, il sera vain de prétendre que la morale se découvre seulement par une déduction rationnelle.

Un principe actif ne peut jamais se fonder sur un principe inactif : si la raison est, en elle-même, inactive, elle doit le rester sous toutes ses formes et apparences, qu'elle s'exerce sur des sujets naturels ou sur des sujets moraux, qu'elle considère les pouvoirs des corps extérieurs ou les actions des être raisonnables » (Hume, op.

cit., p.

572). Que po ur pouvoir fonder la morale, il faudrait que la raison trouve les v aleurs morales dans des relations ou dans les faits : « Si la pensée et l'entendement étaient, à eux seuls, capables de fixer les limites du bien et du mal, les caractères de vertu et de vice devraient se trouver dans certaines relations des objets ou bien ils devraient être des points de fait que découvriraient notre raisonnement » (ibid., p.

578). Or la morale ne consiste ni en relations ni en points de fait : le vice et la vertu sont subjectifs, non objectifs. CONCLUSION La rais on consiste en effet seuleme nt à discerner le vrai et le faux.

Seule la morale peut dist inguer le bien et le mal, et la rais on ne peut se c onfondre avec la morale : « Puisque la raison ne peut jamais prévenir, ni produire immédiatement une action en la contredisant ou en l'approuvant, elle ne peut être la source du bien moral et du mal moral qui, trouve-t-on, ont cette influence.

Des actions peuvent être louables ou blâmables, mais elles ne peuvent être raisonnables ou déraisonnables : louable ou blâmable ne sont donc pas identique à raisonnable et déraisonnable» (Hume, op.

cit., p.573).. »

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