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Réclamer justice, est-ce défendre seulement ses intérêts ou vouloir faire respecter le droit ?

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Lorsqu'un individu se dit victime d'une injustice, celui-ci affirme l'idée d'un droit. En effet, parler d'injustice signifie toujours déjà la référence à son contraire. Tout droit se définit en effet comme pouvoir, moralement reconnu, d'exiger quelque chose. Dans ce cadre, ce quelque chose sera conforme soit à une règle précise, soit à un principe de légitimité. Dès lors, réclamer justice, est-ce réclamer la réparation du préjudice personnel, ou est-ce faire appel à un principe de régie collective ? La question ici posée soulève la problématique de la nature du droit. En effet, celui-ci est-il la simple accumulation des intérêts particuliers, ou alors est-ce un principe moral qui, en les dépassant, les régules ? Réclamer justice, en outre, est-ce alors en appeler à la vengeance personnelle ou au droit pénal ? Ce dont il est question ici et qui sera utilement analysé dans un premier moment, c'est de savoir quelle est la véritable nature morale du droit. La philosophie morale doit nous aider à répondre à cette question. Plus, c'est la question de la réparation qui, dans un deuxième moment, est posée. De quelle nature doit être cette justice ?

« Introduction Lorsqu'un individu s e dit victime d'une injustice, celui-ci affirme l'idée d'un droit.

En effet, parler d'injustice signifie toujours déjà la référence à son contraire.

Tout droit se définit en effet comme pouvoir, moralement reconnu, d'exiger quelque chose.

Dans ce cadre, ce quelque chose sera conforme soit à une règle précise, soit à un principe de légitimité.

Dès lors, réclamer justice, est-ce réclamer la réparation du préjudice personnel, ou est-ce faire appel à un principe de régie collective ? La question ici posée soulève la problématique de la nature du droit.

En effet, celui-ci est-il la simple accumulation des intérêts particuliers, ou alors est-ce un principe moral qui, en les dépassant, les régules ? Réclamer justice, en outre, est-ce alors en appeler à la vengeance personnelle ou au droit pénal ? C e dont il est question ici et qui sera utilement analysé dans un premier moment, c'est de savoir quelle est la véritable nature morale du droit.

La philosophie morale doit nous aider à répondre à cette question. Plus, c'est la question de la réparation qui, dans un deuxième moment, est posée.

De quelle nature doit être cette justice ? I) Une approche antinomique du droit A border l'idée d'un droit sous le double angle de l'intérêt particulier, puis d'une morale universelle et collectivement légitimée, c'est en effet faire preuve de manichéisme.

Bien que diamétralement opposés en apparence, ces deux thèses sont pourtant également défendues en philosophie. D'un côté, nous avons les exemples de C alliclès (l'opposant de Socrates dans le discours du Gorgias d e P laton) et Nietzsche (cf.

La Généalogie de la morale, dissertation 2)), qui défendent tous deux un droit de nature : le « droit du plus fort ».

C e droit naturel dont parles C alliclès, est en même temps loi de la nature.

Le plus faible subira donc fatalement ce que ceux qui défendent le « droit positif » (droit des institutions, lois, tout le système juridique établi par les hommes) appellent « injustice », qui n'est autre, selon C alliclès, que la justice naturelle du plus fort : « L'homme qui se trouve dans la situation de subir l'injustice n'est pas un homme, c'est un esclave, pour qui mourir est mieux que vivre même, ou aux êtres qui lui sont chers, quand on lui fait un tort injuste et qu'on l'outrage.

Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles ofnt les lois, qu'ils attribuent aux louanges, qu'ils répartissent des blâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

» (cf.

P laton, Gorgias, 483 b-c) C alliclès, comme Nietzsche, opèrent un renversement.

C elui qui crie à l'injustice n'est que le faible qui réclame un droit qui est, dans l'ordre naturel, inique ! Le droit positif est donc le contraire du droit naturel, il est le seul vrai droit.

Seul l'homme fort connaît l'essence naturelle du droit véritable et ne réclame jamais rien.

C 'est justement l'inverse de l'intérêt personnel que de se situer dans ce droit naturel. C ependant un tel droit ne fait que confirmer la violence naturelle et empêche toute possibilité de fonder une civilisation paisible.

C 'est en ce sens que les philosophes du droit positif (Rousseau, Hobbes), ont affirmé la nécessité d'une justice, d'un droit institutionnel et social.

C'est parce que ce droit prescrit l'autorisé et proscrit l'interdit qu'il délimite pour tous ceux qui se trouvent dans cet espace de droit, la liberté.

C 'était le sens du propos de Rousseau dans Du contrat social.

Dans cette illustre œuvre, rousseau critique fortement cette conception du « droit du plus fort », qui ne fait que montrer ses impuissances à gouverner sagement les hommes et qui débouche inexorablement sur des inégalités sociales.

Son chapitre III du livre I est d'ailleurs consacré à montrer l'inanité d'un tel droit.

Le contrat libre, l'accord tacite sont également refusés par l'auteur car potentiellement générateurs, également, d'abus.

Un homme pourrait consentir à devenir l'esclave d'un autre.

L'idée centrale de l'oeuvre de Rousseau, c'est de promulguer un « contrat social », dans lequel la liberté humaine, inaliénable, serait préservée et d'où les injustices sociales et inégalités, seraient bannies.

V oici ce qu'il propose : « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant.

» C haque homme, en se soumettant par ce contrat, ne se soumettrait qu'à la loi commune et, devenant citoyen à part entière, retrouverait cette liberté donnée dans le cadre de cet espace juridique.

Les injustices seraient sanctionnées non pas directement par vengeance, mais par les autorités présentes et au nom de la loi commune. II) Le problème de la sanction Reconnaissons une chose : notre espace social est certes construit autour de cette acceptation du droit positif, aux dépends de la loi du T alion et du droit du plus fort.

C ependant cette idéal du droit ne survit pas une seconde lorsqu'il s'immerge dans l'espace social concret.

C ombien relève-ton d'injustices, de fraudes, de violences chaque jour dans nos sociétés ? Réclamer justice, c'est certes réclamer l'action pratique de la réparation du droit lésé.

M ais c'est également avouer l'impuissance du droit à se faire respecter entièrement et absolument par tous.

Dès lors, la réclamation de la justice, après contrevenue au droit, oblige la victime à passer du droit écrit au droit actif, le droit « pénal ».

Ici se pose la question de la réparation, de la sanction.

M ais sanctionner un agresseur pour ses actes délictueux, n'est-ce pas, après tout, le sanctionner d'abord et avant tout par rapport à ses victimes ? S'il n'est certes pas question d'intérêt personnel, il est néanmoins question de personnalisation de la sanction.

M ais la loi est claire : sanctionner le coupable de tels actes, c'est encore et toujours au nom de l'intérêt commun.

Dans ce cas, le criminel, jugé coupable de ses actes, sera placé en détention.

Celle-ci se fait au nom de la sécurité publique puisque celui-ci représente une menace pour ses concitoyens. Mais la détention, ce fut le propos de Michel Foucault (cf.

Surveiller et punir ), est-elle véritablement représentative de l'essence morale du droit ? A près analyse des conditions d'incarcération et des manipulations diverses des régimes politiques, Foucault remarque que celles-ci peuvent être considérées comme injustes.

Foucault dénonce, sous des méthodes coercitives de plus en plus sournoises, notre « société de surveillance », qui peu à peu vide les esprits de leur capacité à se sentir libres.

L'ensemble des procédures mises en place progressivement dans nos sociétés ne visent qu'à mieux surveiller, maîtriser, discipliner les individus qui la composent.

Est-ce là la mise en pratique des idéaux juridiques formulés par Rousseau ? C ette pénalité moderne n'est-elle pas de plus en plus palpable, avec nos écoles, hôpitaux, casernes, qui ressemblent à s'y méprendre à des centres de détention ? Foucault reconnaît un idéal moderne de la pénalité : un interrogatoire sans fin et sans limite des individus qui se prolongerait sans doute dans une ambiance de soupçon généralisé. Conclusion La philosophie, sur la question de la justice, du droit, révèle une ambiguïté fort réaliste entre notre volonté sécuritaire commune d'une instance juridique omnipotente et omniprésente, et notre désir secret de vengeance personnelle face à celui qui a bafoué nos intérêts singuliers.

La morale ellemême titube entre ceux qui prônent un droit et une justice de principes (A ristote, Rousseau, Hegel) et ceux qui reconnaissent le « bois courbe » dont l'homme est fait (Hobbes, Kant, M achiavel) et qu'il s'agira de réprimer le plus durement possible. Mais la justice, de son sens philosophique à sa pratique, entraîne également, dans son application pénale, des questionnements et des critiques infinies.

La solution parfaite n'existe certes pas encore.

Peut-être que celle-ci réside dans la capacité humaine à devenir véritablement sage... C ollectivement mais aussi et surtout individuellement.

C ar ce sont ceux, minoritaires, qui bafouent le droit, qui nous obligent à toujours repenser le droit.. »

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