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Fonder le droit sur la force ou faire respecter le droit par la force, cela revient-il au même ?

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« Introduction « La justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique » écrit Pascal (§9 des Pensées). Ainsi, le droit ne peut se contenter de formuler des règles à suivre : il doit, le cas échéant, imposer la loi par la contrainte.

Mais si l'Etat impose le respect du droit par l'usage de la force, s'ensuit-il qu'il fonde le droit par la force ? Il faut ici distinguer la force, en tant qu'usage contrôlé et raisonné de la violence, du soi-disant « droit du plus fort », où le droit serait fondé par la force, c'est-à-dire dicté par le plus fort.

Mais n'y a-t-il pas contradiction à fonder le droit sur la force, dans la mesure où le concept de fondation implique une certaine légitimité, le droit n'ayant dès lors plus besoin de la force pour se faire respecter ? Première partie - Le droit désigne d'abord l'ensemble des règles qu'une communauté établit pour organiser les relations de ses membres.

S'il doit viser au juste, le droit ne peut se passer de la contrainte, sans laquelle celui qui agirait de manière juste se verrait obligé de céder face au plus fort agissant en hors-la-loi.

Le droit pénal est donc consubstantiel à la justice.

Reprenant la théorie de Rousseau, selon laquelle « quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu'on le forcera à être libre » (Du contrat social, I, 7), Kant écrit ainsi : « Le droit est lié à l'habilité à contraindre », car lorsqu'un acte libre va à l'encontre de la liberté exercée d'après des lois universelles (maximes de l'impératif catégorique) – et qu'il est donc injuste – « la contrainte qui va à l'encontre de cet obstacle, en tant qu'obstacle à l'obstacle à la liberté, s'accorde avec la liberté d'après des lois universelles, c'est-à-dire qu'elle est juste » (Métaphysique des mœurs, I, « Introduction à la doctrine du droit », §D). - Ainsi, le droit rectifie, le droit corrige si bien que le plus souvent il semble opprimer ceux qu'il contraint ou qu'il punit.

Platon montre ainsi dans Les Lois que le châtiment est nécessaire à l'exercice de la justice, non pas comme vengeance, mais comme exemple possédant une valeur thérapeutique (on parlerait aujourd'hui de « réinsertion du criminel »).

Néanmoins, la personne châtiée n'accepte que rarement de gaieté de cœur ce châtiment, préférant un plaisir immédiat à un bien plus durable (vivre en accord avec le bien). Deuxième partie De la nécessité d'imposer le respect du droit par l'usage de la force, faut-il en conclure qu'on fonde alors le droit sur la force ? - Certes, l'Etat détient « le monopole de la violence légitime » (M.

Weber, « Le métier et la vocation d'homme politique » in Le savant et la politique) mais, malgré son aspect ostensiblement légitime, cette violence peut être ressentie et analysée – nonobstant ses usages injustes et/ou illégaux – comme injuste et donc illégitime.

Marx a ainsi critiqué l'Etat en affirmant qu'il était au service de la classe dominante (la bourgeoisie), la police et l'armée fonctionnant ainsi comme les « chiens de garde » de la bourgeoisie. - Néanmoins, même cette critique marxiste ne prétend pas qu'en contraignant au respect de la légalité (droit positif, dont la formulation serait déterminée par les intérêts de la bourgeoisie) le droit lui-même soit fondé sur la force. L'idée de fondation implique en effet celle de justice et de légitimité (le droit naturel – ou les lois non écrites d'Antigone – fonde ainsi le droit positif).

Si Marx critique le caractère injuste de la loi dans les régimes dits « bourgeois », ce droit imparfait n'est pas fondé sur le « droit du plus fort », mais sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

On ne saurait en effet fonder la légitimité du droit sur la force, comme le montre Rousseau (Du contrat social, III, « Du droit du plus fort »).

Si tel était le cas, quiconque aurait la force de désobéir en aurait le droit, et alors il n'y aurait pas de droit, car « qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse ? ».

C'est là le sens de l'analyse marxienne : les appareils répressifs d'Etat (armée, etc.) ne peuvent se maintenir qu'en trouvant leur légitimité hors du domaine de la violence, c'est-à-dire dans l'idéologie (cf.

L'idéologie allemande).

C'est dire que si l'Etat est le garant du droit positif (du respect de la loi), ce droit ne peut être (légitimement) fondé que par quelque chose qui est extérieur à la force et à lui-même. Conclusion Si donc le droit sans la force est impuissant, et que l'Etat soit obligé, pour faire respecter l'ordre légal, d'employer la force, cela ne signifie en aucun cas que le droit soit fondé sur la force.

Le nécessaire recours à la force par le droit peut s'expliquer de deux façons : la contradiction entre les « droits du citoyen » et les « devoirs du sujet » telle qu'exposée par Rousseau (chacun espérant que la loi ne s'applique qu'aux autres et pas à soi-même), mais aussi le caractère potentiellement injuste du droit de telle ou telle société (critique marxiste de la société bourgeoise du XIXe siècle).

Mais Rousseau comme Marx s'accordent à dire qu'un droit qui ne reposerait que sur la force ne mériterait pas le nom de droit : seule l'idée de justice, en effet, peut fonder le droit.

Lorsque (et si) l'ensemble des citoyens reconnaissent le caractère juste du droit auquel ils sont assujettis, alors le droit n'aurait plus, en théorie, besoin de la force pour se faire respecter, tous y obéissant volontairement.. »

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