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Quel est le rôle des passions dans la nature humaine ? L'homme doit-il chercher à les détruire entièrement ou seulement à les modérer et à les diriger ? Quelles sont les deux écoles philosophiques de l'antiquité qui ont soutenu l'une et l'autre de ces do

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Il y a longtemps que les moralistes, les poètes et les romanciers ont décrit le rôle des passions et représenté ces mouvements impétueux et violents de notre coeur tantôt comme des orages terribles, tantôt comme des torrents furieux, tantôt comme des flammes dévorantes. Les philosophes, de leur côté, ont de tout temps constaté l'influence profonde des passions sur la vie humaine. - C'est d'elles, en effet, que dépend le bonheur ou le malheur de chacun de nous : car, ou bien elles atteignent l'objet de leur convoitise, et alors elles nous font goûter les charmes de la jouissance; ou bien leurs élans et leurs ardeurs trouvent des résistances et des obstacles insurmontables, et alors la douleur arrive, profonde, amère, d'autant plus poignante que la passion est plus vive : la mesure de l'amour est la mesure de la souffrance.

« Quel est le rôle des passions dans la nature humaine ? L'homme doit-il chercher à les détruire entièrement ou seulement à les modérer et à les diriger ? Quelles sont les deux écoles philosophiques do l'antiquité qui ont soutenu l'une et l'autre de ces doctrines ? Il y a longtemps que les moralistes, les poètes et les romanciers ont décrit le rôle des passions et représenté ces mouvements impétueux et violents de notre coeur tantôt comme des orages terribles, tantôt comme des torrents furieux, tantôt comme des flammes dévorantes. Les philosophes, de leur côté, ont de tout temps constaté l'influence profonde des passions sur la vie humaine.

— C'est d'elles, en effet, que dépend le bonheur ou le malheur de chacun de nous : car, ou bien elles atteignent l'objet de leur convoitise, et alors elles nous font goûter les charmes de la jouissance; ou bien leurs élans et leurs ardeurs trouvent des résistances et des obstacles insurmontables, et alors la douleur arrive, profonde, amère, d'autant plus poignante que la passion est plus vive : la mesure de l'amour est la mesure de la souffrance.

— Les passions ne font pas seulement le bonheur et le malheur de la vie : elles en constituent encore la gloire ou la honte.

Si c'est la passion du vrai, la passion du beau, la passion du bien qui enflamment le coeur de l'homme, il accomplit sans peine et sans effort les plus beaux actes de dévouement, de sacrifice et de vertu; il consacre généreusement sa vie à la science, aux beaux-arts, ou bien il sait mourir comme Léonidas aux Thermopyles et le chevalier d'Assas sous les baïonnettes ennemies.

Si ce sont, au contraire, des passions comme l'envie, la haine, la vengeance, la cupidité, l'ambition, la soif de la volupté, qui se rendent maîtresses de son âme, il subit tristement le plus dur des esclavages, et de défaillance en défaillance, de chute en chute, il tombe dans la fange du vice ou même l'opprobre du crime. Quel est donc notre devoir vis-à-vis des passions? Faut-il les déraciner, les détruire, les anéantir ou seulement les modérer et les diriger? La première de ces deux doctrines a été soutenue dans l'antiquité par l'école stoïcienne et la seconde par l'école péripatéticienne. Zénon et les philosophes du Portique ne voyaient dans les passions que des mouvements contraires à la nature et à la raison, que des troubles et des séditions de l'âme, que des maladies incurables et mortelles; aussi pensaient-ils qu'il n'y a pas lieu de songer à contenir et a diriger les passions et qu'il est impossible d'assigner une mesure à ce qui, de sa nature, échappe à toute règle : autant vaudrait se précipiter du haut du rocher de Leucade avec la prétention de s'arrêter à son gré.

D'après les Stoïciens, le sage luit donc rester ',D'amer au désir, comme à la crainte, à la joie, à la tristesse, lutter sans trêve et sans relâche contre les mouvements du cœur et arriver à cette constance inaltérable, a tut te fière impassibilité dont parle le poète : Justum ac tenacem proposili virum Si fractus illabatur orbis, Impavidum ferlent ruinae... Aristote et les Péripatéticiens entendaient par passions tous les mouvements naturels de notre coeur, sentiments, inclinations et affections, et enseignaient que les passions, n'étant ni bonnes ni mauvaises par elles-mêmes, le deviennent par l'usage qu'on en fait et que par conséquent il faut non pas les détruire, mais seulement les modérer, les discipliner, leur imposer un frein et nue direction : à cette condition, elles peuvent concourir et cem (lurent, en effet, à l'accomplissement du bien.

Ainsi la colère soutient le courage du guerrier et inspire à l'orateur ses it› lirait\ mouvements d'éloquence; ainsi encore la honte vient en aide au devoir et nous fait accomplir, pour éviter le déshonneur, ce que n'eût jamais obtenu de nous le simple attachement à la vertu; ainsi enfin l'émulation enfante des prodiges et les lauriers de Miltiade qui empêchaient Thémistocle de dormir valurent à la Grèce la victoire de Salamine. Que penser de ces deux opinions ? Celle des Stoïciens a le tort d'être exagérée; vouloir proscrire absolument toutes les passions, c'est mutiler en quelque sorte la nature humaine et immoler, pour ainsi dire, le coeur à la raison.

Aussi le bon sens souscrit-il à ce que dit la Fontaine : Celui-ci retranche de l'âme Désirs et passions, le bon et le mauvais, Jusqu'aux plus innocents souhaits. Contre de telles gens, quant à moi, je réclame : Ils ôtent à nos coeurs le principal ressort , Et font cesser de vivre avant que l'on soit mort. La doctrine des Péripatéticiens semble plus près de la vérité et Bossuet dit avec eux et comme eux dans son Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même: « Le principal devoir de la vertu doit être de réprimer les passions, c'est-à-dire de les réduire aux termes de la raison.

» Parmi les passions, en effet, les unes sont bonnes comme l'amour de la patrie, l'amour du vrai, l'amour du bien, l'amour de Dieu, qui, contenus et développés sous l'empire de la raison, peuvent accomplir des prodiges; les autres, au contraire, sont mauvaises comme l'égoïsme, l'avarice, la jalousie, la gourmandise, la soif de la volupté et tous ces sentiments qui viennent de ce que Pascal appelle le vilain fond de l'homme.

Il faut donc combattre, extirper, s'il est possible, ces dernières passions et favoriser les premières qui sont comme autant de ressorts énergiques sons l'impulsion desquels nous nous sentions portés vers toutes les grandes et belles choses : « La passion dans l'homme, dit le père Lacordaire, est le glaive de l'amour, et celui qui voudrait le lui ravir à cause des maux dont il est l'instrument, serait semblable à l'infortuné qui voudrait briser la lyre d'Homère par ce qu'Homère a chanté les faux dieux.

Ah ! ne brisez pas la lyre : prenez-la des mains du poète aveugle et chantez avec elle le nom, les bienfaits et la gloire du Dieu visible.

Chantez, la terre vous écoute et le ciel vous répond, car la lyre d'Homère est aussi la lyre de David, et la passion qui tue l'homme a sauvé l'homme au calvaire.». »

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