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Puis-je à la fois affirmer que toutes les valeurs sont équivalentes et vouloir combattre l'injustice ?

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« Introduction À travers l'histoire de ses contacts avec les autres cultures, l'Occident a souvent été incapable de reconnaître qu'elles véhiculaient des valeurs qui, pour être différentes des siennes, n'en possédaient pas moins leur légitimité. Dès lors qu'au contraire, on admet que toutes les valeurs sont équivalentes, se condamne-t-on à l'impossibilité de toute critique, voire de tout combat contre l'injustice? 1.

L'équivalence des valeurs — Historiquement, elle n'a pas été aisément admise: • chez Platon, il existe bien une hiérarchie des Idées (le Bien est l'Idée suprême); • les valeurs occidentales ont durablement semblé supérieures à celles des autres cultures (d'où: colonisation, ethnocide, racisme, etc.); • en Occident même, les valeurs illustrées par les classes privilégiées ont paru préférables à celles que connaissent les classes «basses» (exemple: opposition traditionnelle entre art noble et art populaire, culture savante ou non, bon goût et goût plébéien). — Ce n'est donc qu'à la suite d'une difficile auto-critique, doublée de mauvaise conscience, que l'équivalence a été (officiellement — pas nécessairement dans les faits) reconnue: • critique de l'ethnocentrisme (cf.

Lévi-Strauss — et l'on s'aperçoit au passage qu'il n'est pas propre à l'Occident et que seule la puissance matérielle de ce dernier lui donne une dimension particulièrement agressive); • fin de la suprématie de l'économique ou de l'efficacité matérielle comme valeur indiquant la réussite d'une culture (les Indiens respectent mieux la nature que nous — cf.

les travaux de Robert Jaulin — et rien ne nous autorise à privilégier nos critères de réussite: il n'y a pas de critères universels permettant de hiérarchiser les cultures); • les transformations socio-politiques du XIXe siècle détruisent l'idée de hiérarchie « naturelle» dans une société. — À l'horizon: un relativisme complet.

La devise du «post-modernisme» est alors «Tout se vaut» (Feyerabend). II.

Impuissance du relativisme — Si l'on admet que toutes les valeurs sont équivalentes parce qu'elles sont toutes justifiées par leur enracinement dans une culture, on se condamne à accepter toutes les situations et à une non-intervention généralisée. — Ce principe de non-intervention est à l'oeuvre dans les relations politiques entre États de régimes comparables. Est-il admissible relativement à des États ou des cultures où règne une injustice évidente ? — De façon plus interne à une société occidentale, doit-on ne rien faire pour effacer les inégalités — par exemple dans l'accès à la culture et au goût — sous prétexte que le « mauvais goût » serait aussi justifié que le « bon goût » (simplement déterminé par d'autres conditions socio-économiques.

Voir les travaux de P.

Bourdieu: La Distinction). — On entrevoit que le problème, au-delà des rapports politiques et des relations entre cultures, est en fait un problème d'éthique — impliqué par l'idée même d'injustice et par son contraire. III.

Valeurs culturelles et valeurs de l'humanité — Se donner bonne conscience par une attitude relativiste peut apparaître comme une trahison à l'égard de l'idée même d'humanité, dès lors qu'il s'agit de ne rien faire, par exemple, pour lutter contre le sous-développement en prétextant que la situation économique du Tiers-Monde est en relation avec des valeurs traditionnelles des sociétés concernées (corruption et obéissance passive seraient ainsi les versions «modernes» de la puissance traditionnellement attribuée au «chef»). — C'est de plus tenir en fait pour nulles les valeurs (de fraternité, d'égalité) prônées par l'occident lui-même depuis la Philosophie des Lumières.

Auto-négation qui va de pair avec la critique du triomphalisme excessif qui fut celui de l'occident. — Il apparaît dès lors que l'équivalence générale des valeurs est impossible à soutenir si l'on entend combattre pour que règne davantage de justice entre les hommes, quelle que soit la société dont ils font partie. Si l'on admet en effet que la justice représente une des valeurs dont il faut privilégier la réalisation pour l'ensemble de l'humanité, il est possible que l'exigence de justice se trouve en contradiction avec des valeurs culturelles locales dont le respect traditionnel détermine des injustices (entre dominants et dominés, ploutocrates et peuple, hommes et femmes, seigneurs et esclaves...).

Dès lors un choix doit être fait: on prendra le parti des valeurs qui permettent à l'humanité de se réaliser le plus complètement, c'est-à-dire de la justice, et l'on combattra les pseudo-valeurs locales. Conclusion. »

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