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L'expression « langage mathématique » a-t-elle un sens rigoureux ?

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Ils sont univoques, de pures relations. Ils sont de pures créations logiques et en vue d'un discours logique. ? Ne pourrait-on dire qu'à l'inverse, dans une certaine mesure, les langages communs sont plongés dans un contexte de significations qui passent en elles sans qu'elles les explicitent. Comme le dit Merleau-Ponty dans Signes : dans les langues communes, la signification est en partie présente dans ce qui est énoncé et en partie « absente ». ? A ce propos, il n'est pas inintéressant de remarquer avec Jakobson (Essais de linguistique générale) que le signe sur lequel repose la segmentation des langues communes concentre des intentionnalités multiples : il désigne et décrit les phénomènes, il adresse appels et avertissements à l'interlocuteur, il lui communique des sentiments et des attitudes. ? La langue mathématique a le privilège et le monopole des isomorphies rigoureuses : par exemple les écritures 9 = 3 + 6 et 9 = 3 x 3 sont synonymes en vertu d'une garantie d'isomorphie puisqu'on peut les réduire à une même écriture en appliquant les règles qui font correspondre l'ordre, l'addition et le produit. Mais il n'en est pas de même, par exemple, dans « l'homme est intelligent » et « l'homme parle ». Remarquer à ce sujet les problèmes de la traduction d'une langue commune à une autre. Le problème d'une transmission des significations dans les langues communes amène au problème des isomorphies multiples et équivoques.

« THÈMES DE RÉFLEXION • A « la limite » certains prétendent qu'il n'existerait pas de « langue » mathématique.

Ils acceptent, évidemment, ridée que les mathématiques usent de signes ou de « symboles » qui leur sont propres et même qui peuvent être déchiffrés par n'importe quel mathématicien quelle que soit sa langue maternelle.

Mais ils font remarquer que ces signes ou symboles ne sont — selon eux — que des abrégés, des notations de la langue commune : plus, multiplié par, égal, infini, etc.

La « langue » des mathématiques, ce serait la langue de tout le monde mais écrite au moyen d'une sorte de sténographie... • Réflexion sur l'algèbre : — Pour Vieta (et même pour Descartes), inventeurs de l'algèbre, celle-ci ne représenterait qu'un progrès dans la notation arithmétique.

Regardons-y de plus près. — Nous nous référons aux nombres par l'intermédiaire de vocables ou de figures graphiques que nous appelons « chiffres ».

Par exemple : un, deux, trois...

1, 2, 3...

Évidemment ni le mot ni le chiffre ne sont le nombre.

Ils n'en sont que les représentants.

Chaque fois que, le sachant, nous employons une « chose » à la place d'une autre pour représenter cette dernière, nous faisons de la première un signe, ou mieux un symbole de l'autre...

Dans ce sens, les vocables et les chiffres ont toujours été les symboles des nombres.

Mais il faut noter que chacun des mots un, deux, trois, et chaque chiffre 1, 2, 3 est symbole d'un seul nombre.

Nous avons donc besoin d'autant de symboles qu'il y a de nombres. Quand il y a le même nombre de symboles que de choses « signifiées », on dit que le symbole est un « nom ».

Ainsi 4 est le « nom » individuel d'un nombre individuel. Par contre si l'on dit : soit x un nombre égal au nombre b plus le nombre c, la situation a changé complètement. x, b et c ne sont pas les noms individuels de nombres individuels.

Chacune de ces lettres représente n'importe lequel des nombres. L'algèbre est une arithmétique qui, au lieu de s'occuper des nombres eux-mêmes, s'occupe seulement de ses signes en tant que signes des nombres. — Autrement dit la formule algébrique consiste à définir ou à déterminer la valeur d'une lettre par le fait qu'elle est égale, plus grande ou plus petite que la valeur d'autres lettres.

La lettre isolée n'a aucune valeur, ne signifie rien ; plus précisément : elle signifie la position de pure obligation dans laquelle nous la mettons d'acquérir une valeur déterminée, une signification précise, en entrant avec d'autres lettres dans un système de relations, qui leur confère à elles aussi une valeur déterminée.

Dans l'équation, les nombres se déterminent, c'est-àdire se définissent mutuellement.

En résumé, on peut dire (ce qui n'est pas de mince importance pour le sujet qui nous est proposé) : — que le nombre consiste en de pures relations (l'algèbre le fait voir) ; — que le nombre y est explicitement remplacé par sa définition.

Autrement dit, conséquence de ces deux points, l'algèbre nous oblige à n'interpréter le nombre que selon les termes de sa définition et le libère ainsi, dans chaque cas donné, de sa valeur « infinie », confuse et incontrôlable et en fait une valeur purement logique.

Cette réflexion sur l'algèbre nous révèle (par son caractère exemplaire) que le concept mathématique n'est que relations logiques, concept sans équivoque apte à fonctionner dans les opérations logiques, les opérations de déduction. — Les éléments de « la langue mathématique » sont ainsi définis rigoureusement (et dans l'algèbre en particulier) explicitement.

Ils sont univoques, de pures relations.

Ils sont de pures créations logiques et en vue d'un discours logique. • Ne pourrait-on dire qu'à l'inverse, dans une certaine mesure, les langages communs sont plongés dans un contexte de significations qui passent en elles sans qu'elles les explicitent.

Comme le dit Merleau-Ponty dans Signes : dans les langues communes, la signification est en partie présente dans ce qui est énoncé et en partie « absente ». • A ce propos, il n'est pas inintéressant de remarquer avec Jakobson (Essais de linguistique générale) que le signe sur lequel repose la segmentation des langues communes concentre des intentionnalités multiples : il désigne et décrit les phénomènes, il adresse appels et avertissements à l'interlocuteur, il lui communique des sentiments et des attitudes. • La langue mathématique a le privilège et le monopole des isomorphies rigoureuses : par exemple les écritures 9 = 3 + 6 et 9 = 3 x 3 sont synonymes en vertu d'une garantie d'isomorphie puisqu'on peut les réduire à une même écriture en appliquant les règles qui font correspondre l'ordre, l'addition et le produit. Mais il n'en est pas de même, par exemple, dans « l'homme est intelligent » et « l'homme parle ». Remarquer à ce sujet les problèmes de la traduction d'une langue commune à une autre.

Le problème d'une transmission des significations dans les langues communes amène au problème des isomorphies multiples et équivoques. INDICATIONS DE LECTURE • « Le discours et le symbole » de E.

Ortigus, notamment les p.

62 et 171: Citation : « Le symbolisme mathématique est une convention d'écriture, un symbolisme scriptural.

C'est seulement par un abus de vocabulaire ou par analogie que l'on parle d'un « langage mathématique ».

L'algorithme est en réalité une « caractéristique », il consiste en caractères écrits.

Il ne parle pas, sinon par l'intermédiaire d'une langue qui fournit non seulement l'expression phonétique des caractères, mais aussi la formulation des axiomes permettant de déterminer la valeur de ces caractères.

Il est vrai qu'à la rigueur on pourrait déchiffrer des caractères inconnus, mais cela suppose toujours un savoir acquis, une pensée déjà formée par l'usage de la parole.

Donc, en toutes hypothèses, le symbolisme mathématique est le fruit d'une élaboration secondaire, supposant au préalable l'usage du discours et la possibilité de concevoir des conventions explicites.

Il n'en reste pas moins que l'algorithme mathématique exprimera des lois formelles de symbolisation, des structures syntaxiques, indépendantes de tel ou tel moyen d'expression particulier.

» • « Pensée formelle et sciences de l'homme » de G.G.

Granger, notamment p.

43 et 50.. »

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