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Les principes de la science sont-ils de simples conventions ?

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« Ce que nous devons d'emblée remarquer à la lecture de notre sujet, c'est la radicalité de son questionnement.

Or, cette radicalité s'exprime en deux temps : premièrement, ce que nous interrogeons, ce sont les principes de la science ; autrement dit, il s'agit de remonter aux fondements, aux racines, des théories scientifiques et non pas de se contenter de leurs prévisions ou déductions.

Deuxièmement, par l'appel qui est fait au conventionnalisme, c'est la portée elle-même du discours scientifique qui est remise en question, sa valeur; d'où la radicalité de la question.

En effet, soutenir que les principes de la science sont des conventions, c'est remettre en chantier l'idée d'une science comme description objective du réel et, partant, courir le risque d'une relativisation des théories qui, par leur caractère conventionnel, ne vaudraient guère plus que d'autres types de discours, notamment idéologiques.

Cependant, notre sujet ne dit pas « Les principes de la science sont-ils des conventions ? », mais « Sont-ils simplement des conventions ? » Par-là se trouve indiquée la possibilité d'intégrer l'élément conventionnaliste à la science, sans pour autant le tenir pour prédominant, non pas parce que la convention serait purement arbitraire (ce qu'en fait elle n'est pas), mais simplement parce qu'elle induit d'elle-même d'autres éléments, tels que le réalisme.

Par exemple, si je pose par convention des règles de calcul logique, les déductions que j'opère à partir d'elles ne sont plus soumises à un libre choix.

Ainsi, réfléchir sur la place qu'occupe la convention dans l'élaboration des principes de la science revient à s'interroger sur la nature du discours scientifique, son mode de fonctionnement, son rapport au réel, non dans le but de le relativiser, mais afin de saisir au plus près sa spécificité. I– Kant et le réalisme Comme le note Henri Poincaré dans l'introduction à son ouvrage La Science et l'Hypothèse, « pour un observateur superficiel, la vérité scientifique est hors des atteintes du doute ; la logique de la science est infaillible ».

Cette thèse trouve un écho dans la posture théorique que l'on appelle « réalisme naïf » et qui consiste à tenir les théories scientifiques pour des représentations adéquates du réel.

En effet, on tient une théorie pour vraie dans la mesure où elle décrit le monde, sa vérité résidant dans la correspondance entre ce qu'elle dit ou énonce sur le réel et ce qui est réellement.

Dès lors, les sciences en leurs principes ne s'élaborent pas de manière libre, par convention ou décret humain mais elles suivent le tracé du réel.

Or, une telle conception présente d'emblée d'énormes difficultés, en sorte que personne ne soutient véritablement un tel réalisme. En effet, dire que le discours scientifique s'en tient à une description fidèle du réel, c'est soutenir que, d'une certaine manière, il serait possible de comparer le contenu du discours scientifique avec la réalité et cela en dehors de tout discours scientifique.

Einstein, dans une lettre à Schrödinger, exprime bien cette difficulté : « La physique décrit la « réalité ».

Or, nous ne savons pas ce qu'est la « réalité », nous ne la connaissons qu'à travers la description qu'en donne la physique ! » Par là, nous retrouvons le problème qu'avait soulevé Kant à propos de notre faculté de connaissance et qui se demandait comment la correspondance entre nos représentations et le monde pouvait être assurée.

Or, l'innovation de Kant consiste à ne plus poser la question de l'objectivité en termes d'extériorité, mais en termes d'universalité.

En somme, on ne se demande plus naïvement comment une représentation peut être adéquate à son objet, à un objet en soi qui lui est extérieur, mais on cherche à déterminer ce que notre entendement peut tenir pour objectif.

D'où la fameuse question kantienne qui ouvre la Critique de la raison pure : « Comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? », à savoir comment l'esprit s'y prend-il pour synthétiser, c'est-à-dire organiser sa connaissance selon des lois universelles, avant toute expérience du monde (a priori), puisqu'elles doivent si appliquer? L'issue que propose le kantisme consiste donc à s'appuyer sur les catégories de l'entendement – au nombre de douze – dont la fonction est la mise en ordre de l'intuition sensible.

Par exemple, si je perçois un bateau à deux moments distincts en deux points d'un fleuve, seules les catégories peuvent me permettre de déterminer laquelle de deux positions est la première.

La solution permet donc d'éviter l'écueil du réalisme, tout en sauvant les principes de la connaissance et, partant, les lois fondamentales de la science, de l'arbitraire de la convention.. »

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