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Le langage est-il un instrument de domination ?

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« Définition des termes du sujet: INSTRUMENT: * Objet fabriqué servant à un travail, à une opération : Instrument aratoire.

Instrument de mesure, de travail. * Personne ou chose par l'intermédiaire de laquelle est obtenu un résultat quelconque.

Objet permettant de réaliser une opération, appareil, outil. LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.

2) Tout système de signes, tout système signifiant, toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).

Le langage désigne aussi la totalité des langues humaines. introduction Dans les sociétés traditionnelles (celles de l'Antiquité ou celles que l'on dit « primitives ») le langage est saisi comme une puissance démiurgique et magique, qui relève du sacré.

Ainsi selon la Bible est-ce en parlant que Dieu créa le monde (« Dieu dit : "Que la lumière soit" et la lumière fut...

Dieu dit : "Qu'il y ait un firmament"...

», etc.).

De même, dans les rites de la magie et de la théurgie, dans toutes les cultures, les formules d'objurgation, d'obsécration, d'exécration, etc., jouent un rôle fondamental : le magicien parfait, comme Hermès Trismégiste dans la tradition hellénistique, est celui qui connaît le pouvoir secret des mots et sait les prononcer avec l'intonation correcte.

Le nomen est omen : le nom est un signe du divin.

De telles conceptions mythiques et religieuses du langage indiquent que l'homme conçoit spontanément le langage comme un pouvoir, et nous invitent à réfléchir sur ce pouvoir.

Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de noter à ce propos que la philosophie, si l'on considère que Socrate en est le père, naquit avant tout d'une réflexion sur le langage et sur son détournement par les sophistes.

Dans quelle mesure, donc, le langage est-il un moyen de maîtrise et de domination ? développement Première partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de la nature Si l'homme se révèle capable de s'opposer à la nature et de la transformer, de s'en rendre, selon la formule de Descartes, « maître et possesseur » (cf.

Discours de la méthode, VIe partie), n'est-ce pas au langage qu'il le doit ? • Le langage, condition de la pensée. a) Ce qui caractérise le langage humain, c'est sa dimension symbolique (cf.

sujet n° 58, 3e partie, a, 2).

Parce que son langage est symbolique, l'homme ne se limite pas, comme l'animal, à signaler de manière stéréotypée quelque chose à ses congénères, mais il peut leur parler et se parler de n'importe quelle chose.

Par le langage l'homme peut représenter à autrui et se représenter n'importe quels objet ou situation dans le monde.

En d'autres termes, grâce à cet appareil symbolique que constitue le langage, l'homme peut rompre avec l'adaptation immédiate au monde actuel définie par les signaux sensoriels et se retirer du monde, le mettre à distance pour le penser. b) Ainsi, comme l'observe Benveniste : « La forme linguistique est non seulement la condition de transmissibilité, mais d'abord la condition de réalisation de la pensée » (Problèmes de linguistique générale, p.

64).

Penser c'est « manier les signes de la langue » qui est « une structure informée de signification » (id., p.

74).

C'est pourquoi les catégories de pensées sont dictées par la langue (Benveniste montre que les catégories aristotéliciennes sont des catégories linguistiques propres au grec), tout comme les concepts par lesquels on approche le réel (par exemple le concept de temps diffère selon les cultures en fonction des temps verbaux.

Cf., sur le temps en Islam l'étude de L. Massignon, Parole donnée, chap.

V, coll.

10-18). Toute pensée est donc langage (cf.

Hegel, Philosophie de F esprit : « C'est dans le mot que nous pensons.

Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons de pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité.

(...) C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont intimement unis.

Par conséquent vouloir penser sans les mots est une tentative insensée »).

Dans ces conditions, il apparaît que le langage est bien un moyen de maîtrise et de domination de la nature, puisque celles-ci seraient impossibles sans la pensée. • Le langage, organisation du monde Dès lors que le langage est la condition de la pensée, ne jouera-t-il pas un rôle fondamental dans la constitution même de ce réel que la pensée prend pour objet? Comme le fait observer Cassirer, « le langage n'entre pas dans un monde de perceptions objectives achevées, pour adjoindre seulement à des objets individuels donnés et clairement délimités les uns par rapport aux autres des noms qui seraient des signes purement extérieurs et arbitraires, mais il est lui-même un médiateur dans la formation des objets » (Essais sur le langage).

La dénomination apparaît comme un facteur de discrimination perceptive et « l'unité du nom sert de cristallisation pour la multiplicité des représentations » (id.).

Ainsi, écrit R.

Ruyer, « par un paradoxe purement apparent, le monde de la conscience symbolisante devient plus objectif que le monde de la pure perception.

"Les premiers mots dont l'enfant fait un usage conscient peuvent être comparés au bâton à l'aide duquel un aveugle tâte son chemin" (Cassirer). L'instrument interne fait exister d'une manière vraiment objective l'objet qu'il touche.

Toute l'expérience, qui n'était qu'un tissu de signaux expressifs, est transformée progressivement en un monde réel d'objets-concepts » (L'Animal, l'homme, la fonction symbolique, p.

100).

Le monde que l'homme perçoit est donc celui de la langue qu'il parle, et l'on peut dire en un sens que l'on habite sa propre langue.

On conçoit également que dans ces conditions des hommes parlant des langues différentes évoluent dans des univers dissemblables, puisque « à chaque langue correspond une organisation particulière des données de l'expérience » (A.

Martinet), chaque langue étant « un système qui opère une sélection au travers et aux dépens de la réalité objective » (Trier).. »

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