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Dans quelle mesure le langage est-il un moyen de maîtrise et de domination ?

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Nous avons jusqu'ici parlé de « langage » ; mais il convient de distinguer dans le langage, comme le fit Saussure, la langue de la parole : la langue est le code linguistique, la parole l'utilisation, la mise en oeuvre individuelle de ce code. La parole réalise en quelque sorte la langue. Quand je parle, je profère une parole, un discours, et je m'exprime dans une langue particulière. Cette distinction ne nous était guère utile tant que nous analysions les rapports entre le langage et la pensée, c'est-à-dire tant que nous nous placions à un niveau d'abstraction où parole et langue tendent à se confondre. Cette distinction, en revanche, nous aidera à mieux cerner en quoi le langage est un instrument de maîtrise et de domination des hommes.  

Première partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de la nature • Le langage, condition de la pensée. • Le langage, organisation du monde • Le langage, condition de l'action et fonction vitale • Le langage comme obstacle épistémologique et limite à la connaissance scientifique

Deuxième partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de l'homme • L'acte de la parole • La rhétorique, ouvrière de persuasion. • Langue et domination.

 

« • N'y aurait-il pas lieu de distinguer avec soin ce qui peut relever de la maîtrise et ce qui peut relever de la domination. • Remarquer qu'il ne s'agit pas de savoir si le langage est un moyen de maîtrise et de domination, mais dans quelle mesure on peut le dire. • Dans la mesure (à préciser) où le langage intervient dans la mise en œuvre de la pensée abstraite et que celle-ci est un moyen de maîtrise et de domination de la nature, dans quelle mesure peut-on dire que le langage est un moyen de maîtrise et de domination? • Le langage comme moyen de domination « sur les autres »? Cf.

le problème de la « norme ». La norme est le mode d'existence de la domination d'une pratique linguistique sur les autres. La norme ne reflèterait-elle pas, y compris par le changement, la pratique linguistique dominante elle-même expression, médiation et reflet complexe de la domination idéologique d'une classe sur les autres? Langue de classe (Cf.

Marx). Langue du peuple tout entier (Cf.

Staline). Dans chaque nation existe-t-il des pratiques linguistiques différenciées en relation étroite avec les rapports de classes dans une formation socio-économique donnée? • Le langage est-il, dans la cure psychanalytique, moyen de maîtrise? de domination? sur qui ? sur quoi ? en quoi ? introduction Dans les sociétés traditionnelles (celles de l'Antiquité ou celles que l'on dit « primitives ») le langage est saisi comme une puissance démiurgique et magique, qui relève du sacré.

Ainsi selon la Bible est-ce en parlant que Dieu créa le monde (« Dieu dit : "Que la lumière soit" et la lumière fut...

Dieu dit : "Qu'il y ait un firmament"...

», etc.).

De même, dans les rites de la magie et de la théurgie, dans toutes les cultures, les formules d'objurgation, d'obsécration, d'exécration, etc., jouent un rôle fondamental : le magicien parfait, comme Hermès Trismégiste dans la tradition hellénistique, est celui qui connaît le pouvoir secret des mots et sait les prononcer avec l'intonation correcte.

Le nomen est omen : le nom est un signe du divin.

De telles conceptions mythiques et religieuses du langage indiquent que l'homme conçoit spontanément le langage comme un pouvoir, et nous invitent à réfléchir sur ce pouvoir.

Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de noter à ce propos que la philosophie, si l'on considère que Socrate en est le père, naquit avant tout d'une réflexion sur le langage et sur son détournement par les sophistes.

Dans quelle mesure, donc, le langage est-il un moyen de maîtrise et de domination ? développement Première partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de la nature Si l'homme se révèle capable de s'opposer à la nature et de la transformer, de s'en rendre, selon la formule de Descartes, « maître et possesseur » (cf.

Discours de la méthode, VIe partie), n'est-ce pas au langage qu'il le doit ? • Le langage, condition de la pensée. a) Ce qui caractérise le langage humain, c'est sa dimension symbolique (cf.

sujet n° 58, 3e partie, a, 2).

Parce que son langage est symbolique, l'homme ne se limite pas, comme l'animal, à signaler de manière stéréotypée quelque chose à ses congénères, mais il peut leur parler et se parler de n'importe quelle chose.

Par le langage l'homme peut représenter à autrui et se représenter n'importe quels objet ou situation dans le monde.

En d'autres termes, grâce à cet appareil symbolique que constitue le langage, l'homme peut rompre avec l'adaptation immédiate au monde actuel définie par les signaux sensoriels et se retirer du monde, le mettre à distance pour le penser. b) Ainsi, comme l'observe Benveniste : « La forme linguistique est non seulement la condition de transmissibilité, mais d'abord la condition de réalisation de la pensée » {Problèmes de linguistique générale, p.

64).

Penser c'est « manier les signes de la langue » qui est « une structure informée de signification » (id., p.

74).

C'est pourquoi les catégories de pensées sont dictées par la langue (Benveniste montre que les catégories aristotéliciennes sont des catégories linguistiques propres au grec), tout comme les concepts par lesquels on approche le réel (par exemple le concept de temps diffère selon les cultures en fonction des temps verbaux.

Cf., sur le temps en Islam l'étude de L. Massignon, Parole donnée, chap.

V, coll.

10-18). Toute pensée est donc langage (cf.

Hegel, Philosophie de F esprit : « C'est dans le mot que nous pensons.

Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons de pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité.

(...) C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont intimement unis.

Par conséquent vouloir penser sans les mots est une tentative insensée »).

Dans ces conditions, il apparaît que le langage est bien un moyen de maîtrise et de domination de la nature, puisque celles-ci seraient impossibles sans la pensée. • Le langage, organisation du monde Dès lors que le langage est la condition de la pensée, ne jouera-t-il pas un rôle fondamental dans la constitution même de ce réel que la pensée prend pour objet? Comme le fait observer Cassirer, « le langage n'entre pas dans un monde de perceptions objectives achevées, pour adjoindre seulement à des objets individuels donnés et clairement délimités les uns par rapport aux autres des noms qui seraient des signes purement extérieurs et arbitraires, mais il est lui-même un médiateur dans la formation des objets » (Essais sur le langage).

La dénomination apparaît comme un facteur de discrimination perceptive et « l'unité du nom sert de cristallisation pour la multiplicité des représentations » (id.).

Ainsi, écrit R.

Ruyer, « par un paradoxe purement apparent, le monde de la conscience. »

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