Le jugement et la croyance ?
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- Le jugement se présente comme une affirmation; il suppose la croyance, c'est-à-dire l'assentiment de l'esprit à la proposition énoncée. Quel est le fondement de la croyance?
- Nous croyons, disait saint Thomas, à cause de l'évidence des signes : « Nous croyons quand nous voyons qu'il faut croire ». De même, pour Spinoza, la croyance est déterminée par la clarté intrinsèque de l'idée : telle est la théorie intellectualiste de la croyance; la croyance résulte de l'évidence, le doute de la contradiction et de la confusion des idées. Dès qu'une idée vraie occupe mon esprit, je ne peux pas m'empêcher de croire; car l'idée n'est pas une « peinture muette », elle s'affirme d'elle-même. En somme, pour Spinoza, l'ordre psychologique de la croyance serait le reflet de la nature de l'idée : ou bien l'idée est obscure, confuse, et je demeure incertain, ou bien l'idée est claire, vraie, et je suis certain. L'ordre psychologique de la certitude ne fait qu'un avec l'ordre logique de l'évidence qui se confond lui-même avec l'ordre de l'être, l'ordre ontologique.
«
I.
Le jugement se présente comme une affirmation; il suppose la croyance, c'est-à-dire l'assentiment de l'esprit à la
proposition énoncée.
Quel est le fondement de la croyance?
II.
Nous croyons, disait saint Thomas, à cause de l'évidence des signes : « Nous croyons quand nous voyons qu'il
faut croire ».
De même, pour Spinoza, la croyance est déterminée par la clarté intrinsèque de l'idée : telle est la
théorie intellectualiste de la croyance; la croyance résulte de l'évidence, le doute de la contradiction et de la
confusion des idées.
Dès qu'une idée vraie occupe mon esprit, je ne peux pas m'empêcher de croire; car l'idée n'est
pas une « peinture muette », elle s'affirme d'elle-même.
En somme, pour Spinoza, l'ordre psychologique de la
croyance serait le reflet de la nature de l'idée : ou bien l'idée est obscure, confuse, et je demeure incertain, ou bien
l'idée est claire, vraie, et je suis certain.
L'ordre psychologique de la certitude ne fait qu'un avec l'ordre logique de
l'évidence qui se confond lui-même avec l'ordre de l'être, l'ordre ontologique.
III.
A cet intellectualisme ingénu, on peut opposer un fait d'expérience : le fait psychologique de l'erreur.
Il y a bien
des gens qui se croient certains et qui pourtant ne possèdent pas d'idée vraie.
La conclusion s'impose : ce n'est pas
seulement ni même essentiellement l'intelligence qui nous fait croire, c'est autre chose, et cette autre chose serait
la volonté.
Tel est du moins le point de vue volontariste.
C'est, par opposition à l'intellectualisme de Spinoza, le
point de vue de Descartes.
Selon Descartes, le principe de l'assentiment réside dans la volonté.
C'est autre chose,
nous dit-il, « de voir un homme qui court et d'assurer qu'on le voit ».
L'entendement propose ses représentations, ses idées, mais c'est la volonté
qui dispose, qui affirme ou qui nie.
Ainsi Descartes explique-t-il l'erreur ;
l'erreur est une affirmation « précipitée », trop rapide de la volonté qui décide
d'accorder son assentiment à une idée qui n'est ni claire, ni distincte.
IV.
A première vue, la thèse volontariste paraît contestable.
Je n'ai pas
l'impression de pouvoir croire ce que je veux, de disposer librement de mon
assentiment.
Se contraindre à croire par un coup de force de la volonté,
n'est-ce pas avouer qu'en réalité on doute? On a pu dire en ce sens que «
toute volonté de croire est une raison de douter ».
Et de même puis-je
refuser par un acte volontaire de croire à l'évidence? Une fois établi le «je
pense donc je suis », Descartes lui-même pourrait-il douter par volonté de
cette évidence décisive?
V.
Mais Descartes nous fait observer que la volonté ne détermine la croyance
qu'indirectement, par l'intermédiaire de l'attention; en somme, s'il est vrai
qu'on ne croit que ce qu'on voit, il faut ajouter qu'on ne voit que ce qu'on
regarde et préciser alors qu'on regarde ce qu'on veut.
Ainsi nos désirs, nos
passions tournent notre attention vers telles ou telles considérations qui leur
sont favorables, et les détournent des arguments qui leur sont contraires.
On
ne s'étonnera pas dès lors que nos croyances les plus chères ne soient pas
toujours les plus faciles à démontrer, les plus évidentes.
Beaucoup d'hommes ont donné leur vie pour des croyances
religieuses, politiques, philosophiques, qui ne sont pas démontrables à la manière d'un théorème.
Aucun homme n'est
mort pour un théorème, pour une loi physique susceptible d'être prouvée (Galilée abjure, il est l'homme qui refuse de
mourir pour l'Astronomie).
VI.
En réalité l'intellectualisme et le volontarisme ont raison tous les deux dans deux plans différents.
Les
volontaristes nous donnent une psychologie de l'erreur, souvent fine et pénétrante, tandis que les intellectualistes
nous proposent une morale de la croyance et nous disent à quelles conditions une connaissance est vraie.
Certes la
volonté, c'est-à-dire les tendances, les passions, l'être humain actif et charnel, joue un grand rôle dans la
psychologie de la croyance.
Mais cela n'explique de nos croyances que ce qu'elles contiennent de faux.
Il faut
reconnaître cette mécanique subtile des tendances et des passions mais pour en purifier nos croyances et non pour
les asseoir sur un tel fondement.
Car la vérité ne saurait se définir à partir de la personne vivante tout entière,
instincts et passions compris.
La recherche de la vérité suppose une ascèse, un effort pour me délivrer de
l'imagination, des besoins et des passions, pour rompre avec cet ordre du corps que les romantiques nomment ordre
du cœur ou ordre du vouloir.
La croyance vraie c'est la croyance fondée en raison et qui par là échappe aux
motivations purement psychologiques.
Russell disait qu'on ne peut faire la psychologie que des croyances fausses,
les croyances vraies concernant seulement la logique.
VII.
Toutefois la volonté peut jouer un rôle parfaitement légitime dans une certaine catégorie de croyances.
Il est
par exemple des certitudes morales qui trouvent un fondement valable dans l'action, dans une expérience où tout
l'être s'engage.
Accordons à Rauh que les croyances morales ne se prouvent pas mais s'éprouvent dans « la rue, la
vie, la bataille au jour le jour ».
« C'est à travers une façon de vivre que l'on opte pour une manière de penser »
(Abbé Joly).
De même il faut distinguer entre croire en et croire que.
« Croire que » (par exemple, croire qu'il fera
beau demain, croire que telle théorie physique est fausse) relève de la juridiction de la raison qui a pleinement droit
et devoir de régler la croyance.
Mais il n'en est pas de même de « croire en ».
« Croire en » (par exemple, croire en
la fidélité d'un ami) exige un acte de foi puisque le comportement d'une personne émane pour une part de la liberté
et que les relations entre personnes ne se situent pas sur le même plan que la connaissance des choses.
Mon acte
de foi pourra même contribuer à sauvegarder la fidélité de mon ami (si je lui fais confiance, il ne voudra pas me
décevoir)..
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