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Esthétique et jugement de goût

Publié le 12/03/2022

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parvenu en quelque sorte au sommet de la perfection » (Parallèle des Anciens et des Modernes, 1692). Philosophiquement, il s'agit beaucoup plus d'opposer un rationalisme cartésien à une tradition restée à bien des égards scolastique. « L'esprit géométrique vaut bien l'esprit commentateur » : cette formule est de Houdar de la Motte, le plus notable Moderne avec Fontenelle au début du xvnr siècle. Or, Fontenelle croit qu'un monde sans surnaturel, un monde scientifiquement vrai, un monde « désenchanté » dirions-nous, n'en est pas moins un monde poétique : « L'on pourrait légitimement croire qu'un ouvrage de poésie qui aurait moins d'images que de pensées n'en serait pas moins digne de louanges» (Réflexions sur la poétique). D'ailleurs, dit encore Fontenelle, « on lit les Anciens par une espèce de devoir, on ne lit les Modernes que pour le plaisir. » Houdar fait scandale en publiant une Illiade modernisée, en prose et sans savoir le grec. Les Modernes négligent la versification (la prose n'est-elle pas plus « naturelle » ?), recherchent de la nouveauté dans le style et le vocabulaire (Marivaux). Les partisans des .Anciens brocarderont leur néologie, leur reprocheront d'avoir abandonné le « grand goût » classique pour celui du joli et même du précieux, non sans quelque raison d'ailleurs. Les méandres libertins de la Régence triomphent de la rigueur austère du jansénisme. Ce sont les pastorales, les bergeries du poète Florian ou du peintre Boucher, la fadeur d'une nature apprêtée à laquelle même un Montesquieu succombe, et qui ne sera sauvée que par le génie d'un Watteau ou d'un Chardin. L'esprit des Lumières, en tout domaine, a souvent associé raison et plaisir, intelligence aiguë (!' « esprit») et sensibilité (le « sentiment») dans la littérature, les arts décoratifs et tout simplement l'art de vivre. La recherche de la nouveauté est-elle en elle-même un progrès? L'abbé Desfontaines obtient un grand succès, en 1726, avec son Dictionnaire néolegi,que à l'usage des beaux esprits du siècle. Il ne récuse pas tout progrès, mais contre les Modernes (les « Géomètres »), qui croient pouvoir transposer le rationalisme dans la poésie et la peinture, il a le sens de la spécificité des arts : « Les progrès d'un siècle dans un genre sont presque toujours la source de la conception du goût dans les autres genres. C'est ainsi que la métaphysique et la géométrie, deux sciences respectables et dans lesquelles nous surpassons de bien loin l'Antiquité, ont déjà altéré et perdront absolument notre poésie et notre éloquence. » Il n'est pas sans importance que le terme même d’esthétique

« Esthétique et jugement de goût S'il y a un domaine où l'idée de progrès a toujours été contes­ table, c'est celui des beaux-arts.

La querelle des Anciens et des Modernes, qui prend tant d'importance dans notre histoire litté­ raire, n'opposait pas une tradition figée et devenue stérile à une pensée avide de progrès qui serait celle des Lumières.

Les choses ne sont pas si simples : si le Montesquieu des Lettres persanes appa­ raît comme un Moderne, Voltaire est un Ancien avec une tragé­ die comme Brutus (1730), ou Le Temple du goût (1733).

Claude Perrault (1628-1703) avait donné une première ampleur à la querelle dès 1687, avec son poème Le Siècle de Louis le Grand qui, avant Voltaire, soutenait que le xvn:- siècle était aussi éclairé que l'Antiquité l'avait été, et mettait l'accent sur le développement des sciences et des arts.

Pourtant Perrault n'envisage pas un pro­ grès continu et indéfini, mais seulement que « notre siècle est. »

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