Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?

« 1 - Le monde appréhendé par le récit rationnel La raison retourne en quelque sorte la vision naturelle des choses.

Elle analyse l'envers du décor et elle rend compte de la structure des choses.

La connaissance de ce discours rationnel forge ainsi les normes du vivre et de l'agir. Mais cette transformation qui s'opère en l'homme, qui élabore une critique et qui modifie le vécu, ne peut pas s'établir simplement.

Que nous prenions le cas du chercheur apprenant à devenir de plus en plus, et de mieux en mieux, un savant, ou que nous observions le philosophe radicalisant sa pensée, nous voyons que la persuasion est nécessaire au début même de la démarche. Bacon, Descartes ou Marx dès qu'ils expliquent cette conversion de l'homme, cette métamorphose active, font appel à un idéal, et en général nous repérons deux propositions susceptibles de persuader l'individu.

Soit il veut, par souci de vérité et de sens, comprendre la réalité et il entreprend donc un combat contre l'erreur et toutes ses illusions.

Il doit donc se persuader de l'intérêt de cette démarche rétroactive.

Soit il ambitionne une action ou une responsabilité, et, dans ces conditions, il se convainc de la nécessité d'une exigence.

S'il veut transformer le monde, il se doit d'y croire et d'en apporter sinon les preuves du moins les justifications. Il ne peut s'agir de vouer un culte à la science ou au progrès.

Il s'agit de se passionner pour la connaissance. 2 - Une ascèse pour se convaincre Le savant doit d'abord réaliser le climat et les conditions dans lesquelles les phénomènes se produisent.

Le sens critique ne peut vaincre et surmonter les illusions premières et les représentations fallacieuses de l'imaginaire que si l'esprit se persuade de la valeur même de cette démarche. L'homme connaît le donné immédiat, il sait que c'est le lieu privilégié de l'irrationnel et que là notre subjectivité peut nous abuser.

Il s'agit, désormais, de fixer la vérité et le sens de la science.

Cela seul peut nous persuader de l'importance de ce discours rationnel, le plaisir de l'intelligence, et la découverte des concepts montrent que la raison n'est pas qu'une simple évidence, mais qu'elle exige au contraire une ascèse, un apprentissage. Toutes les sciences se constituent d'abord, comme un discours rationnel, c'est-à-dire qu'elles remplacent une partie de la réalité par un langage de plus en plus assuré.

Mais, très vite, le langage se transformera en certitude où la passion du savoir sera satisfaite.. »