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« La fable pour La Fontaine n'a été le plus souvent qu'un prétexte au récit, au conte, à la rêverie; la moralité s'y ajuste à la fin comme elle peut,», écrit le critique Sainte-Beuve (Lundis, VII). A la lumière des fables que vous avez étudiées, vous dir

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Par cette affirmation, Sainte-Beuve prend le contre-pied de la définition tradi­tionnelle de la fable qui veut, depuis Ésope, que le récit soit exclusivement orienté vers la morale. La Fontaine ne serait-il donc pas le fabuliste que l'on se plaît à reconnaître? En réalité, si la prédominance du récit l'emporte ici et là, ses fables demeurent didac­tiques. Mais La Fontaine en portant toute son attention au récit a modifié profondé­ment le genre de la fable.

« Par cette affirmation, Sainte-Beuve prend le contre-pied de la définition traditionnelle de la fable qui veut, depuis Ésope, que le récit soit exclusivement orienté vers la morale.

La Fontaine ne serait-il donc pas le fabuliste que l'on se plaît à reconnaître? En réalité, si la prédominance du récit l'emporte ici et là, ses fables demeurent didactiques.

Mais La Fontaine en portant toute son attention au récit a modifié profondément le genre de la fable. 1 .

L a p r é d o m i n a n c e du r é c i t Sous l'appellation de fables, La Fontaine regroupe des textes fort dissemblables.

Certains obéissent, à n'en pas douter, plus aux lois du récit ou du conte que de la fable. De s ré cits p lus q ue de s fab les Le plaisir de raconter l'emporte souvent sur les exigences didactiques de la fable.

La multiplication des «circonstances de personnes » et des «circonstances de choses» qui, selon l'Avertissement placé en tête du second recueil, constitue l'originalité des Livres VII à XII, conduit à une amplification certaine du récit. Les Deux Aventuriers et le Talisman (X, 13), L'Homme qui court après la Fortune (VII, 11), L 'Ingratitude et l'Injustice des hommes envers la Fortune (VII, 13), Le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils du Roi (X, 15) accumulent les rebondissements romanesques pour produire tantôt un effet de surprise tantôt un crescendo dramatique. De plus, la présence grandissante et, parfois exclusive, des humains rompt avec l'allégorisme animalier, en principe inhérent au genre, pour faire une plus large place à l'anecdote satirique, aux dépens de la moralité. D e s c o n t e s a ut h e n t i q ue s En réalité, certaines fables n'ont de fable que le nom, et sont plus souvent des contes.

Le Mal Marié (VII, 2) ne comporte aucune «moralité ».

L'histoire de ce mari fatigué de sa femme «Querelleuse, avare, et jalouse» n'a pas d'autre justification que le plaisir que l'on éprouve à la lire.

Les Femmes et le Secret (VIII, 6), Le Rieur et les Poissons (VIII, 8), Le Mari, la Femme et le Voleur (IX, 15), L'Enfouisseur et son Compère (X, 4), Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes (XI, 8) témoignent de la même façon de la gaieté d'écrire.

Elles sont plus destinées à divertir qu'à enseigner. Que dire enfin des trois textes d'inspiration mythologique que renferme le Livre XII? Philémon et Baucis (XII, 25), Belphégor (XII, 27) et Les Filles de Minée (XII, 28) sont en effet des contes. II.

Des fables didactiques On ne saurait pour autant généraliser l'affirmation de Sainte-Beuve : la plupart des fables restent conformes à la tradition et affichent clairement leurs intentions didactiques. Des fables conformes à la tradition Selon la tradition ésopique, la fable se compose de deux parties inégales : le « corps », qui est le récit ; et «l'âme» qui est la moralité.

Bon nombre de fables contenues dans les Livres Vll à XII répondent à cette définition.

Le Coche et la Mouche (VII, 8), Les Deux Coqs (VII, 12), Le Chat, la Belette et le Petit Lapin (VII, 15), Les Obsèques de la Lionne (VIII, 14) obéissent à une intention didactique évidente.

Le récit n'a de sens qu'en fonction de la morale qui, loin de «s'ajuster comme elle peut», en découle logiquement. Des intentions didactiques affichées La Fontaine insiste d'ailleurs à plusieurs reprises sur la valeur éducative de son oeuvre.

La dédicace au duc de Bourgogne, placée en tête du Livre XII, fait des animaux « les précepteurs des Hommes» et de la fable, un genre littéraire dont on peut tirer profit.

Le Vieux Chat et la Jeune Souris (XII, 5) est également composé à l'intention du duc de Bourgogne. En outre, c'est pour former le jeune duc du Maine que La Fontaine lui dédicace une fable (XI, 2).

Comment enfin négliger que l'ultime fable écrite par le poète s'achève sur un appel à se connaître soi-même, adressé à la postérité : «Cette leçon sera la fin de ces Ouvrages : Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir !» (Le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire, XII, 29, v.

66-67) ? III.

De la fable à la poésie Par la poésie, La Fontaine opère en réalité une synthèse originale : le récit, même lorsqu'il acquiert son autonomie littéraire, demeure au service de la morale.

Ce faisant, c'est le genre de la fable que le poète recrée. Le récit au service de la morale Opposer le récit à la morale, privilégier l'un au détriment de l'autre, comme semble le faire Sainte-Beuve, n'est possible qu'à la condition de fausser la lecture des Fables.

Pour La Fontaine, le charme du récit relève de l'exigence didactique: Sous l'habillage de la fiction, les vérités deviennent plus faciles à dire et à entendre ! Le récit demeure l'ornement de la morale : plus il séduit, plus le lecteur la mémorise. La récréation de la fable En accordant une extrême importance au récit, contrairement à la tradition ésopique, La Fontaine érige la fable en poésie. Par son art de camper des personnages, de varier son style, d'user d'un vocabulaire plein de richesse, par le mélange de l'humour*, de l'ironie, du burlesque et parfois du pathétique et du tragique, ses fables deviennent de petits chefs-d'oeuvre en miniature.

C'est parce qu'il a su soigner ses récits, sans négliger la moralité, qu'il a fait de la fable un genre littéraire à part entière, ce qu'elle n'était pas avant lui.

Il l'a ainsi renouvelée au point de la recréer.. »

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