La connaissance scientifique est-elle le reflet de la réalité ?
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Introduction
« Pour approcher le spirituel en art, on fera usage aussi peu que possible de la réalité, parce que la réalité est
opposée au spirituel » affirme Piet Mondrian.
Si cette opposition est recevable, ne faut-il pas pousser plus loin les
propos de l'artiste et convenir que du côté de la réalité se situe la science, qui s'oppose elle aussi au spirituel ? La
connaissance scientifique est-elle le reflet de la réalité ?
Il s'agira pour nous, afin de répondre à cette question, d'examiner le choix de la connaissance scientifique comme
possible reflet de la réalité par rapport à d'autres formes de connaissances ou pratiques humaines afin de montrer
que « la » réalité n'existe pas mais que nous constituons les choses, ce qui permet l'émergence de plusieurs réalités.
Pour ce faire, nous montrerons tout d'abord que la diversité des perceptions semble condamner l'existence d'une
réalité unique, ce qui nous conduira à examiner la possibilité de l'existence d'essences, fondements stables de la
réalité pour enfin établir que malgré tout ces essences nous restent inaccessibles et qu'il faut donc nous contenter
de la diversité du monde phénoménal, et partant des réalités.
1.
« La » réalité existe-t-elle ?
Le sujet semble présupposer qu'il existe une seule réalité.
Pourtant, Bergson, dans Matière et Mémoire, par exemple,
nous montre qu'il est possible d'appréhender des choses aussi courantes que le temps de plusieurs manières.
En
effet, le temps peut être envisagé à la fois comme durée, c'est à dire comme écoulement mais aussi, dans une
perspective scientifique, comme une succession d'instants.
Bergson montre que ces deux perspectives coexistent et que chacune correspond à une manière de percevoir le
temps qui sont aussi légitimes l'une que l'autre.
Par conséquent, le temps ne semble pas posséder de réalité unique
mais plusieurs réalités.
De même, la réalité de l'artiste est différente de celle de celle du scientifique mais est-elle
moins légitime pour autant ?
Par conséquent, on arrive à une diversité des réalités perçues, qui forment ainsi soit un ensemble de reflets, c'est à
dire plusieurs images, de « la » réalité soit plusieurs réalités qui coexistent.
Il nous faut donc soit trouver une réalité
unique (et voir pourquoi la science la refléterait), soit voir que cette réalité n'existe pas et définir la possibilité de la
existence de plusieurs réalités.
2.
Pourtant, n'existe-t-il pas une réalité en soi sous la réalité perçue ?
Jusqu'ici le problème semble venir de la multiplicité des perceptions possibles et de leur fluctuation.
En effet, le
monde perçu est instable et fluctuant (Aristote explique que nous vivons dans le monde sub-lunaire, qui est sujet à
la génération et à la corruption), ce qui ne permet pas de structurer « une » réalité mais pousse à envisager
plusieurs réalités successives.
L'exemple de la réalité vue pas l'art, et notamment par la photographie, est de ce
point de vue éloquent puisque l'art, au moins pictural, ne présente que des « vues » sur la monde sans pouvoir
toutefois en percevoir la réalité.
De plus, l'art peut présenter des illusions, des imaginations qui n'existent pas et qui
ne sont donc pas réelles.
Au contraire, la connaissance scientifique semble présenter un monde immobile, ou du moins réglé.
En effet, la
science, dans une visée de normalisation, c'est à dire d'instauration de lois, néglige les détails et le particulier pour
présenter un monde déterminé.
De plus, étant donné qu'elle vise à la systématicité et à la complétude, la science
semble pouvoir échapper à l'écueil auquel se heurte l'art par exemple.
Par conséquent, la science ne parviendraitelle pas à dépasser la diversité du perçu en instituant la norme et ne parviendrait-elle pas atteindre « la » réalité en
produisant la vérité, c'est à dire une image de la réalité qui en constituerait le reflet exact ?
Dans la République, Platon montre que le monde perçu n'est qu'une illusion.
En effet, il est soumis à un devenir
permanent et ne permet pas de saisir la vérité qui est, elle, éternelle et immuable.
Dès lors, la réalité n'est pas
constituée de ce que nous percevons mais des essences qui sont immuables et qui sont les fondements de la vérité.
Etant donné que les essences, ou Idées sont uniques, la réalité l'est aussi.
Si on accepte que la science seule
cherche cette vérité (et parvient à l'atteindre), mais aussi que la réalité est le corollaire de la vérité, alors il semble
évident que la connaissances scientifique est le « reflet » de la réalité en ce qu'elle en présente une vision
cohérente et complète.
3.
Enfin, la définition de la connaissance n'interdit-elle pas d'accéder à cette réalité « en soi » ?
Pourtant, il reste une question que nous n'avons pas abordé, celle de l'unicité de la « connaissance scientifique ».
En effet, si la biologie, la physique et les mathématiques sont toutes les trois des « sciences », il semble évident
qu'elles ne conçoivent pas les objets de la même manière.
Ainsi le corps sera-t-il envisagé de manières différentes
s'il étudié sous la perspective de la biologie ou sous celle de la physique.
Certes on pourrait arguer d'une possible (et
parfois effective) articulation des sciences mais il semble difficile de soutenir qu'il n'existe qu'une seule science et
donc une seule connaissance scientifique eu égard à la différences des objets des sciences et des méthodes de ces
dernières.
Quelle conséquence en tirer quant à la réalité, est-ce à dire qu'elle possède plusieurs facettes que
chaque science saisit ou que la diversité des sciences reproduit celle de la réalité ?.
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