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La beauté s'explique-t-elle ?

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« VOCABULAIRE: COMPRENDRE / EXPLIQUER : Comprendre, c'est connaître un phénomène de l'intérieur, par son sens, en déchiffrant sa singularité.

Dans les sciences, expliquer c'est ramener la diversité des phénomènes à des causes (leurs conditions de production) et à des lois permettant d'en faire des cas particuliers. BEAU - BEAUTÉ (adj.

et n.

m.) 1.

— Norme permettant le jugement esthétique ; cf.

valeur.

2.

— Sens concret : objet du jugement esthétique ; ce qui provoque une émotion esthétique par l'harmonie des formes, l'équilibre des proportions.

3.

— (Par ext.) Ce qui suscite une idée de noblesse, de supériorité morale (un beau geste).

4.

— Pour KANT, le jugement de goût ne détermine pas son objet en le pensant sous un concept universel, puisqu'il porte toujours sur un cas particulier ; c'est un jugement réfléchissant dont l'universalité réside dans l'accord des sujets ; c'est pourquoi le beau est défini comme « ce qui plaît universellement sans concept » ; « la beauté est la forme de la finalité d'un objet en tant qu'elle est perçue en lui sans représentation d'une fin.

» On peut toujours discuter de la beauté et le goût en matière d'art peut toujours se cultiver par l'exercice de la discussion et de la critique.

On peut ainsi acquérir des renseignements sur la nature sociale et historique d'une oeuvre, ou encore sur les matériaux et les techniques employés par l'artiste, mais les concepts sont impuissants à nous dire pourquoi telle oeuvre est belle ou non, ni à quoi il faut s'attacher pour en saisir la beauté.

Dira-t-on, par exemple, que le David de Michel-Ange est beau parce que les proportions du corps humain sont respectées ? N'estce pas confondre la beauté et la perfection ? Dira-t-on que tel nu de Renoir est beau parce que la femme représentée a la peau couleur de pêche ? N'est-ce pas confondre le beau et l'agréable ? La représentation et la chose représentée ? Toute explication de l'oeuvre d'art ne peut que laisser la beauté de côté.

Le musicologue qui s'intéresse à la composition de la V' symphonie de Gustav Mahler peut très bien la rapprocher d'autres symphonies, la situer historiquement dans l'évolution du genre, il n'en demeure pas moins que, dans un tel traitement scientifique de la musique, il n'est pas question de la beauté.

Comme le souligne Kant, « quand on juge des objets simplement par concepts, toute représentation de la beauté se perd ». Nous sentons la beauté sans pouvoir l'expliquer, encore moins la définir par concept, parce qu'un concept a toujours une signification générale, alors que la beauté est toujours celle d'une chose sensible, particulière, la beauté de cette rose qui est dans mon jardin, par exemple.

Chose encore plus particulière lorsqu'il s'agit d'une oeuvre d'art, car la première caractéristique de toute oeuvre géniale, c'est l'originalité.

D'ailleurs, plus je suis enthousiaste, plus je suis porté à dire : « C'est beau! », « C'est beau! » - et pour toute justification j'ajouterais : « Regarde, comme c'est beau! » Je n'éprouve pas le besoin d'argumenter, d'expliquer pourquoi cette oeuvre ou cette chose est belle, je ne tolère même pas qu'autrui puisse ne pas la trouver belle.

D'où la formulation de Kant : « Le beau est ce qui plaît universellement sans concept ». La beauté est une catégorie qui, pourrait-on dire, permet à la philosophie de sortir d'elle-même, de se confronter à l'art et à la nature.

Deux écueils semblent guetter la philosophie lorsque la beauté est l'enjeu d'une réflexion : d'une part une tentation dogmatique, qui consiste à cerner la beauté de manière trop rigide, et d'autre part une tentation relativiste, qui conduit en fait à se débarrasser du problème en jugeant impossible une détermination objective de la beauté.

Nous verrons que s'il est effectivement difficile voir impossible de déterminer positivement la beauté, cela n'interdit pas d'essayer de la comprendre, ce qui n'est pas la même chose que de chercher à l'expliquer. I-La beauté : proportions et harmonies. D'après l'approche grecque de la beauté, celle-ci se laisse cerner, objectiver et expliquer par le biais de considérations mathématiques.

A cet égard, la conception antique de la beauté est tributaire du paradigme de l'architecture.

La beauté est ainsi un certain résultat, quantifiable, prévisible, totalement soumis au pouvoir de la connaissance.

La beauté est fonction de la proportionnalité, de l'harmonie dont la figure étudiée témoigne.

Il y a des canons de beauté que l'on peut aisément paramétrer, la beauté n'est donc pas mystérieuse. Une telle conception s'inscrit dans une cosmologie, c'est-à-dire un rapport, devenu anachronique, à la nature.

Les grecs, comme on le voit par exemple dans la médecine hippocratique, s'appréhendent eux-mêmes comme des parties du cosmos, ils ne sont pas tant opposés à la nature, qu'ils n'y participent (ce qui n'est pas vrai par exemple pour toute la tradition des gnostiques grecs, qui se sentent perdus dans le monde et donc étrangers à lui).

La beauté n'a pas qu'une valeur esthétique, elle est une perfection cosmique.

Chez Platon, l'idée de beauté est poreuse, elle implique souvent les notions de pureté, de justesse, de bon.

Bref, elle a un sens métaphysique et non pas seulement empirique. Toutefois, l'approche sensualiste de la beauté, bien plus proche de la notre, est déjà présente chez les sophistes.

Dans Hippias majeur, le beau est défini par les sophistes comme ce qui plaît aux sens, à l'ouïe et à la vue ; il est donc rapproché de l'agréable.

Cette conception sensualiste a le mérite de détacher la question de la beauté d'une problématique métaphysique.

Elle invite à se saisir du problème de la beauté, comme énigme de part en part empirique. II-La beauté ne s'explique pas.. »

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