Aide en Philo

La beauté s'explique-t-elle ?

Extrait du document

« Le goût peut se cultiver. On peut toujours discuter de la beauté et le goût en matière d'art peut toujours se cultiver par l'exercice de la discussion et de la critique.

Mais les concepts sont impuissants à nous dire pourquoi telle oeuvre est belle ou non, ni à quoi il faut s'attacher pour en saisir la beauté.

Dira-t-on, par exemple, que le "David" de Michel-Ange est beau parce que les proportions du corps humain sont respectées ? N'est-ce pas confondre la beauté et la perfection ? Dira-t-on aussi que tel nu de Renoir est beau parce que la femme représentée a la peau couleur de pêche ? N'estce pas confondre le beau et l'agréable ? la représentation et la chose représentée ? Face à une oeuvre d'art, ce qui nous arrive tient à la fois à l'objet et à nous-mêmes, sujets.

Lorsque nous disons qu'elle est belle, il nous semble la qualifier, alors que nous exprimons un sentiment qui nous est propre, subjectif. Comment faire la part de l'objectif et du subjectif ? Est-ce parce qu'une oeuvre est belle que nous la jugeons telle ? Sa beauté serait alors à rapporter à l'objet seul. Nous pouvons être frappés par la beauté d'un chef-d'oeuvre, comme si elle s'imposait d'elle-même, telle une évidence à laquelle chacun devrait se rendre.

Mais nous sommes étonnés de constater que d'autres n'y sont pas sensibles.

Cela veut-il dire que l'oeuvre est belle parce que nous la jugeons telle ? Dans ce cas, on comprendrait l'opinion courante qui dit que les goûts et les couleurs ne se discutent pas...

Pourtant, cette position n'est pas satisfaisante.

En effet, le relativisme qu'elle semble justifier est superficiel.

Il isole chacun, alors que l'art est un domaine où justement les hommes peuvent partager le plus.

Le rapport entre les aspects objectif et subjectif du jugement de goût est plus complexe et plus riche. Un chef-d'oeuvre provoque en nous un sentiment esthétique.

La palette des sentiments humains exprimés et ressentis tient à la puissance évocatrice de l'oeuvre, plus ou moins géniale, et à la sensibilité du sujet, sa réceptivité.

En ce sens, la culture joue un rôle essentiel.

La spontanéité évoquée pour légitimer telle prise de position face à une oeuvre d'art n'est au fond que le fruit d'une éducation et d'un travail de l'esprit.

Si l'on ne sait rien de l'esprit indien, de la civilisation indienne, comment peut-on être sensible à ce que son art contient d'essentiel ? Certes, on peut être attiré, ou non, par sa forme, mais l'ouverture de l'esprit sur la culture indienne ne peut que renforcer, enrichir et affiner le sentiment esthétique.

Cela ne veut pas dire que l'on aimera nécessairement cet art. Du moins sera-t-on plus réceptif à ce qu'il nous montre.

On pénètre mieux son sens.

Il y a donc une éducation de la sensibilité : l'oreille, le regard, etc., se forment et évoluent au cours de l'existence.

De plus, le goût a une histoire collective : il varie aussi selon les époques, les classes sociales, etc.

L'histoire de l'art nous en montre l'évolution, les mouvements.

Pourtant, nous sommes encore sensibles à des oeuvres du passé.

Cela indique bien que la relativité, ici encore, est plus complexe qu'il n'y paraît. Toute explication de l'oeuvre d'art laisse la beauté de côté. Le musicologue qui s'intéresse à la composition de la Vième symphonie de Beethoven peut très bien la rapprocher d'autres symphonies, la situer historiquement dans l'évolution du genre, il n'en demeure pas moins que, dans un tel traitement scientifique de la musique, il n'est pas question de beauté.

Nous sentons la beauté sans pouvoir l'expliquer, encore moins la définir par concept, parce qu'un concept a toujours une signification générale, alors que la beauté est toujours celle d'un chose particulière et sensible.

Chose encore plus particulière lorsqu'il s'agit d'une oeuvre d'art, car la première caractéristique de toute oeuvre géniale c'est l'originalité.

D'ailleurs, dans une expérience esthétique authentique, plus je suis enthousiaste, plus je suis porté à dire: "c'est beau" et en guise de justification j'ajouterais: "regarde comme c'est beau !".

Je n'éprouve pas le besoin d'argumenter. « La vraie voie de l'amour, [...] c'est de partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cette beauté surnaturelle en passant comme par échelons d'un beau corps à deux, de deux à tous, puis des beaux corps aux belles actions, puis des belles actions aux belles sciences, pour aboutir des sciences à cette science qui n'est autre chose que la science de la beauté absolue.

» Platon, Le Banquet, Ne s.

av.

J.-C. « Le goût est la faculté de juger d'un objet ou d'une représentation par une satisfaction dégagée de tout intérêt. On appelle beau l'objet d'une semblable satisfaction.

» Kant, Critique de la faculté de juger, 1790. « Est beau ce qui plaît universellement sans concept.

» Kant, Critique de la faculté de juger, 1790. « Le beau est ce qui est représenté, sans concept, comme l'objet d'une satisfaction universelle.

» Kant, Critique de la faculté de juger, 1790. « Le beau se définit [...] comme la manifestation sensible de l'idée.

» Hegel, Esthétique, 1832 (posth.). »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles