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Expliquer et discuter ce jugement de Barbey d'Aurevilly sur La Fontaine : « Il y a eu des conteurs et des poètes avant et depuis La Fontaine. Mais il n'y en a jamais eu ayant joint, dans une fusion de cette harmonie, à la poésie la plus divine une bonhom

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Il faut commencer par une explication, une analyse des expressions : poésie la plus divine et bonhomie plus divine encore. Nous pouvons négliger l'épithète de divin. Barbey d'Aurevilly, romantique souvent grandiloquent, aime le style excessif. Contentons-nous d'étudier la poésie et la bonhomie dont la fusion harmonieuse fait le génie de La Fontaine. Ce que nous avons dit dans le sujet précédent explique en partie le mot de bonhomie : la philosophie, la morale de La Fontaine conseillent de jouir librement et sagement de la vie, de s'en tenir à un idéal prudent et bonhomme. Mais cette bonhomie tient aussi (et sans doute surtout pour Barbey d'Aurevilly) à la simplicité des sujets et des thèmes de La Fontaine : scènes de la vie commune et souvent populaire, décors de campagne familière et tempérée, thèmes de méditations paisibles.

« Expliquer et discuter ce jugement de Barbey à d'Aurevilly sur La Fontaine : « Il y a eu des conteurs et des poètes avant et depuis La Fontaine.

Mais il n'y en a jamais eu ayant joint, dans une fusion de cette harmonie, à la poésie la plus divine une bonhomie plus divine encore.

» Il faut commencer par une explication, une analyse des expressions : poésie la plus divine et bonhomie plus divine encore.

Nous pouvons négliger l'épithète de divin.

Barbey d'Aurevilly, romantique souvent grandiloquent, aime le style excessif.

Contentons-nous d'étudier la poésie et la bonhomie dont la fusion harmonieuse fait le génie de La Fontaine.

Ce que nous avons dit dans le sujet précédent explique en partie le mot de bonhomie : la philosophie, la morale de La Fontaine conseillent de jouir librement et sagement de la vie, de s'en tenir à un idéal prudent et bonhomme.

Mais cette bonhomie tient aussi (et sans doute surtout pour Barbey d'Aurevilly) à la simplicité des sujets et des thèmes de La Fontaine : scènes de la vie commune et souvent populaire, décors de campagne familière et tempérée, thèmes de méditations paisibles.

Elle tient aussi bien à l'insouciance de La Fontaine, à son dédain pour ce qui fait trop souvent l'agitation et la méchanceté des hommes : l'argent, l'ambition, les rivalités haineuses.

La poésie tient en partie à ce lyrisme de La Fontaine que nous avons également signalé, à ces confidences naïves et comme confiantes dont les Fables sont pleines.

Mais en lui-même il ne suffirait pas à créer la poésie; il n'est poétique que parce que La Fontaine a l'âme d'un poète.

Sans doute il ne peut pas être question de poésie à la manière d'un Ronsard, d'un Lamartine, d'un Victor Hugo.

La plupart des sujets de La Fontaine (que d'ailleurs il emprunte sans aucun souci de les renouveler) sont en eux-mêmes parfaitement prosaïques et tout au plus dramatiques sans que ce drame y appelle la poésie.

Comment La Fontaine y a-t-il glissé la poésie? Ce n'est pas seulement par l'imagination, car l'imagination de La Fontaine est surtout pittoresque et le pittoresque n'est pas nécessairement la poésie.

Ce n'est pas non plus vraiment par la sensibilité; celle de notre poète est, malgré tout, assez courte; une fable touchante sur l'amitié, une autre, les Deux Pigeons, où l'amour est évoqué avec une grâce touchante ne suffisent pas pour donner à La Fontaine la poésie du cœur.

Mais il y a dans les Fables deux sortes de poésies : une certaine poésie du rêve; La Fontaine ne voit pas seulement la réalité pittoresque, il la prolonge, la grandit dans le monde imaginaire de sa fantaisie ; ce n'est pas par fiction seulement, c'est aussi par une illusion sincère qu'il prête à la nature, aux animaux, aux arbres une sorte d'âme.

Surtout La Fontaine a le sens poétique de la grâce, de l'harmonie des gestes, des décors, du langage.

Ce sens de la grâce poétique tient à la fois au choix des détails, à celui de l'expression, au rythme du vers ; et en même temps à une certaine sobriété qui est la condition même de la grâce. Un décor, en lui-même simplement pittoresque, devient ainsi poétique : « L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours »; « Sur les humides bords du royaume des vents ».

Des personnages qui ne sont que des silhouettes deviennent une évocation séduisante : « Légère et court-vêtue, elle allait à grands pas»; « Après qu'il eut trotté, brouté, fait tous ses tours — Jeannot lapin retourne au souterrain séjour », etc. Parvenus au terme d'une analyse assez délicate, nous avons en réalité terminé l'étude de notre sujet; nous avons retrouvé tous les éléments qui constituent et qui prouvent la bonhomie de La Fontaine, tous ceux qui constituent et qui prouvent sa poésie.

Mais, si nous y regardons de près, il y a dans le jugement de Barbey d'Aurevilly autre chose; pour lui, le génie du poète est dans la fusion de la bonhomie et de la poésie.

Et le mot est bien celui qui convient. Toute seule la bonhomie serait un peu courte et terre à terre; nous prendrions un plaisir passager à converser avec un brave homme cordial et pittoresque; mais c'est parce qu'il est rêveur, sensible à la grâce, à la beauté qu'il nous attache.

Et, d'autre part, c'est parce qu'il a été surtout sensible aux beautés discrètes, aux grâces simples, qu'il a pu, sans disparate, mêler à ses tableaux son goût un peu trop pratique de la vie commode, son idéal facile et sans grandeur.

En lui s'est fait cet accord, cette harmonie sans quoi il n'y a pas de poésie.. »

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