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Conscience et altérité ?

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« Définitions: La conscience vient du latin conscientia, qui signifie « accompagné » (cum) de « savoir » (scire).

Être conscient signifie donc que lorsque l'on sent, pense, agit, on sait que l'on sent, pense ou agit.

Mais il convient de distinguer la conscience directe ou immédiate, qui accompagne ainsi tous les actes du sujet, de la conscience réfléchie, conscience qui se saisit elle-même comme conscience.

La première consiste à « avoir conscience », tandis que la seconde consiste à « être conscient d'avoir conscience ».

Le passage de l'un à l'autre serait le fait de « prendre conscience ». Si la notion de conscience signifie, dans une première approche, le monde intérieur de quelqu'un (la conscience de son être), nous avons vu également qu'elle est un certain rapport à quelque chose qui lui est extérieur.

Un examen de la moindre de nos pensées nous révèle ce fait surprenant que chacune de nos idées, chacune de nos pensées, chacun de nos sentiments, nous mettent en rapport, directement ou non, avec le monde extérieur. Nous avons, par exemple, conscience de notre désir de posséder telle ou telle chose.

Si la chose n'existait pas, notre désir n'aurait aucune direction.

Il ne peut se comprendre que dans la mesure où nous le lions à autre chose que lui-même.

L'altérité est donc au coeur de la conscience elle-même.

Elle s'y trouve même sous trois formes : conscience du monde, conscience des autres sujets et inconscient.

L'examen que nous pouvons faire de notre conscience doit donc prendre en compte cette donnée de notre expérience. La conscience et le monde humain Le monde extérieur est bien là, mais comme une présence radicalement différente de notre conscience.

Pourtant, sans la présence du monde, nulle conscience n'est concevable.

Elle se rapporte de manière essentielle au monde.

De plus, la conscience se rapporte à un monde toujours particulier : nous sommes dans un monde, toujours singulier dans le temps et dans l'espace.

C e monde possède pour notre conscience une qualité spéciale : nous habitons un monde humain.

Le moindre objet culturel me signifie la présence sous-jacente des autres sujets dans mon expérience du monde.

C'est le cas, par exemple, avec la campagne, que nous qualifions pourtant de « naturelle ».

Découpée par des chemins, un quadrillage, des plantations, elle est le signe d'une nature cultivée, c'est-à-dire reprise par une culture. L'expérience d'un monde humain nous met déjà en présence de l'altérité d'autrui.

Mais elle n'est offerte encore qu'indirectement à notre expérience, puisqu'elle passe par le biais du monde culturel.

Que signifie alors faire l'expérience directe d'autrui ? L'expérience corporelle d'autrui Le corps, pour nous, est le médiateur de son altérité.

A insi, le nourrisson est déjà capable de saisir les expressions du visage humain et d'y répondre par une attitude (sourires, pleurs, etc.).

Avant toute saisie rationnelle, autrui est une présence, c'est-à-dire un corps que nous percevons.

Mais n'est-il qu'un corps ? Par ses gestes, ses attitudes, son être total, il nous signifie quelque chose que nous saisissons, même sans le comprendre immédiatement.

De la même façon, nous prêtons un sens à sa présence actuelle. « Un bébé de quinze mois ouvre la bouche si je prends par jeu l'un de ses doigts entre mes dents et que je fasse mine de le mordre.

Et pourtant, il n'a guère regardé son visage dans une glace, ses dents ne ressemblent pas aux miennes.

C 'est que sa propre bouche et ses dents, telles qu'il les sent de l'intérieur, sont d'emblée pour lui des appareils à mordre, et que ma mâchoire, telle qu'il la voit du dehors, est d'emblée pour lui capable des mêmes intentions.

La morsure a immédiatement pour lui une signification intersubjective.

Il perçoit ses intentions dans son corps, mon corps avec le sien, et par là mes intentions dans son corps. […] En tant que j'ai des fonctions sensorielles, un champ visuel, auditif, tactile, je communique déjà avec les autres, pris aussi comme sujets psychologiques.

Mon regard tombe sur un corps vivant en train d'agir, aussitôt les objets qui l'entourent reçoivent une nouvelle couche de signification : ils ne sont plus seulement ce que je pourrais en faire moimême, ils sont ce que ce comportement va en faire.

A utour du corps perçu se creuse un tourbillon où mon monde est attiré et comme aspiré : dans cette mesure, il n'est plus seulement mien, il ne m'est plus seulement présent, il est présent à X, à cette autre conduite qui commence à se dessiner en lui.

Déjà l'autre corps n'est plus un simple fragment du monde, mais le lieu d'une certaine « vue » du monde.

Il se fait là-bas un certain traitement des choses jusque-là miennes.

Quelqu'un se sert de mes objets familiers.

Mais qui ? Je dis que c'est un autre, un second moi-même et je le sais d'abord parce que ce corps vivant a même structure que le mien.

J'éprouve mon corps comme puissance de certaines conduites et d'un certain monde, je ne suis donné à moi-même que comme une certaine prise sur le monde ; or c'est justement mon corps qui perçoit le corps d'autrui et il y trouve comme un prolongement miraculeux de ses propres intentions, une manière familière de traiter le monde ; désormais, comme les parties familières de mon corps forment un système, le corps d'autrui et le mien sont un seul tout, l'envers et l'endroit d'un seul phénomène et l'existence anonyme dont mon corps est à chaque moment la trace habite désormais c e s deux corps à la fois.

» Merleau-Ponty, « Phénoménologie de la perception ». Si nous avons le pouvoir de le faire, c'est que cette présence s'offre comme une présence à interpréter.

C 'est dire que nous y sommes et qu'autrui n'est donc pas seulement un corps, mais un corps expressif.

L'expérience de son comportement a donc pour nous un sens immédiatement lisible, même si nous pouvons toujours nous tromper sur la vérité de celui-ci.

Autrui est la présence corporelle d'un sens pour notre conscience.

Nous vivons tout d'abord cette présence avant même de l'expliquer et de nous expliquer.

La conscience est d'emblée ouverte sur son altérité.

Devenir conscient de soi suppose donc de découvrir cette dimension d'extériorité inscrite au coeur de notre subjectivité, qui nous aide à donner un sens à notre existence.

Mais comment, à partir de son corps, pouvons-nous passer à l'expérience de sa conscience ? La présence d'autrui et l'accès à la parole C ette expérience du rapport d'expression apparaît comme fondamentale dans toute existence humaine.

Double expérience en réalité : autrui nous apparaît comme corps expressif, mais nous parle également.

Sa parole nous révèle la présence de sa pensée, de ses intentions.

Mais elle nous permet aussi d'accéder à notre propre pensée.

En nous parlant, l'autre nous invite à développer notre parole et donc à formuler nos désirs, nos sentiments, nos aversions, notre être en somme.

L'homme ne peut parler sans autrui : sa présence est indispensable pour l'actualisation de notre langage.

Habitant un monde humain, je tire de sa proximité le pouvoir de m'exprimer. L'existence de notre conscience n'est donc pas pensable en dehors d'une relation première avec l'altérité d'autrui.

L'hypothèse d'une conscience fermée sur l'extériorité doit donc être remise en question : c'est bien plutôt parce qu'autrui est déjà là que l'accès à la conscience de soi est possible.

Notre conscience n'a jamais été seule.

Elle a toujours coexisté avec d'autres consciences.

Nous ne pouvons, par conséquent, donner à l'expérience de notre personne un sens solitaire.

Nous nous rapportons de manière constante à autrui et au monde qui nous est commun.

La conscience a un sens intersubjectif (entre des sujets) qu'il est nécessaire de concevoir pour comprendre notre subjectivité elle-même.

Autrui n'est plus seulement l'autre, l'étranger, mais le semblable qui peut orienter ma vie, comme je peux orienter la sienne.. »

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