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Explication linéaire n°12 Jean-Luc LAGARCE, Juste la fin du monde, Deuxième partie, scène 3, de « Tu es là » jusqu’à « Je ne les ai pas entendus. » (Cf. NRP page 18)

Publié le 27/06/2023

Extrait du document

« Objet d'étude n°2 : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle Séquence n°2 Lecture d’une pièce de Jean-Luc Lagarce et du parcours « crise personnelle, crise familiale ». Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce : un théâtre de la crise | Odysseum (education.fr) Explication linéaire n°12 Jean-Luc LAGARCE, Juste la fin du monde, Deuxième partie, scène 3, de « Tu es là » jusqu’à « Je ne les ai pas entendus.

» (Cf.

NRP page 18) Jean-Luc Lagarce est un auteur et metteur français de la fin de la deuxième moitié du XXe siècle.

Il découvre sa séropositivité en 1988.

A partir de cette période, son théâtre se fait plus intime.

Ayant eu une bourse d’écriture (Prix Léonard de Vinci), il part à Berlin où il écrit Juste la fin du monde en 1990.

Ce type de théâtre en rupture avec l'esthétique traditionnelle sera particulièrement mal accueilli par les comités de lecture.

La pièce raconte l'histoire de Louis qui retourne auprès de sa famille après de longues années d'absence pour lui annoncer sa mort prochaine.

Le passage à étudier correspond au début de la scène 3 de la deuxième partie, l’ultime scène de la pièce. Dans la maison où vivent sa mère et Suzanne, il a rencontré pour la première fois Catherine, la femme de son frère Antoine.

Les crises se sont succédé.

Sa sœur lui a reproché son absence et son frère cadet s’est montré ironique, agressif.

Sa mère lui a rappelé son rôle d’aîné et Louis n’est pas parvenu à leur dire son secret.

Après une explosion de cris que l’annonce de son départ a suscitée, Antoine, seul face à son frère, décide de lui parler une dernière fois, à cœur ouvert, dans un long soliloque. Antoine vient de dresser de louis un portrait à charge le présentant à la fois comme une victime volontaire et comme un manipulateur Trois mouvements peuvent être repérés. Le premier mouvement qui présente les deux frères face à face, part de la ligne1, « Tu es là » (l.

1) et va jusqu’à la ligne 13 « imaginer le début du début » (l.

13). Le Deuxième mouvement : Antoine, un personnage pathétique, de « Je ne suis rien » (l.

14) jusqu’à « le ressentiment contre moi-même » (l.

22). Troisième mouvement : un dialogue qui tourne court et qui clôt la pièce, de « Louis ? » (ligne 23) jusqu’à « Je ne les ai pas entendus » (l.

28). Projet de lecture : en quoi cette scène de dénouement révèle-t-elle que la crise n'a pas été résolue ? 1 I. Premier mouvement : les deux frères face à face, De « Tu es là » (l.

1) jusqu’à « imaginer le début du début » (l.

13) L'affirmation « Tu es là » ne permet pas seulement de situer Louis dans l'espace et le temps face à Antoine.

C’est cette présence de Louis face à son frère cadet qui déclenche a déclenché ce soliloque, car Antoine ressent une urgence vitale à parler vraiment à celui qui est son aîné, à celui qu’ils perçoivent tous comme l’Absent dans cette famille.

Veut-il lui faire un dernier reproche ? lui confier un secret ? C’est d’abord le reproche qui s’exprime.

L’anaphore du verbe « accabler » aux lignes 2 à 4 est à commenter.

Ce verbe dont l’emploi est péjoratif signifie «faire peser sur quelqu'un une charge si pénible qu'il a du mal à y faire face » (Larousse) (avec même l’idée « d’anéantir toute possibilité ou volonté de réaction » Trésor de la Langue française).

Ainsi Antoine insiste sur l’action nuisible que Louis exerce sur lui et sur la famille.

Il lui reproche de les faire tous culpabiliser. La proposition « on ne peut plus dire ça » à la ligne 2 peut être comprise comme un commentaire de l’affirmation qui précède.

Ainsi la répétition de la ligne 3 doit être dite sur un autre ton, Antoine cherchant à la corriger l’affirmation pour cerner au plus près l’action nuisible de son frère. Le polyptote (cf.

épanorthose) de la ligne 4 où le pronom personnel pluriel « nous » vient remplacer le pronom personnel singulier « me » charge d’une valeur plus forte reproche formulé car Antoine parle alors au nom de la famille.

C’est une sorte de tribunal qu’il impose ainsi à son frère que se trouve ains comme isolé de siens. A la ligne 5, quand Antoine précise « je te vois », c’est une image qu’il convoque. On peut entendre cette expression dans un sens plus symbolique « je te vois encore, mais plus pour longtemps» et fait écho à « Tu es là » (= tu es encore là, mais plus pour longtemps).

C’est le départ tant redouté, come un rejet, qui est ainsi évoqué, mais c’est aussi une image.

En effet il fait référence à une autre image, « lorsqu’[il] étai[t] enfant » et à un sentiment ressenti : la « peur » pour son frère, une forme de culpabilité.

Si on relie cela au verbe « accabler », il dénonce une sorte de pression, presque de chantage ou de manipulation, que Louis exerce sur lui, sur eux depuis toujours. La proposition « j'ai encore plus peur pour toi » confirme aussi une impression : Antoine a peut-être deviné qu'il ne verrait plus jamais son frère, que son retour parmi eux avait une raison, même si elle n’a pas été donnée.

Antoine semble avoir l'intuition de la mort à venir, même si elle n'a pas été annoncée. Il refuse ouvertement la culpabilité qu’il pourrait ressentir, que Louis voudrait faire naître en lui : « je me dis que je n’ai rien à reprocher à ma propre existence ».

L’emploi du verbe « reprocher » montre qu’il y parvient difficilement. Il compare ainsi leurs deux attitudes aux lignes 6 à 13, notamment à l’aide du jeu des pronoms personnels « je » et « tu » ou « toi » et d’une subordonnée circonstancielle d’opposition (aux lignes 9 à 13).

Il exprime sa colère avec l'apostrophe à valeur emphatique et moqueuse (ligne 9) Il oppose ainsi son comportement, celui « d’avoir failli se lamenter » à l’attitude de son frère « silencieux, ô tellement silencieux / bon, plein de bonté » (cf.

deuxième partie, scène 2 le reproche « la bonté même ») et « replié » sur sa « douleur intérieure ».

Il est bien entendu ironique et s’en prend à l’image que son frère, muré dans son silence entend donner de lui-même, devant la mise en scène de sa « douleur » derrière son apparente douceur.

Dans la scène précédente, il a reproché à son frère de les manipuler par son attitude de victime qu’il adoptait déjà quand ils étaient enfants.

Il se présente lui-même comme une « mauvais imbécile » (ligne 8) 2 révélant ainsi le manque de confiance qu’il a en lui et dans les autres, l’image négative et le sentiment d’infériorité qu’il a de lui-même.

Les qualificatifs ironiques qu’il emploie pour déstabiliser son frère le montrent bien, notamment le groupe nominal enrichi « ton infinie douleur intérieure dont je ne saurais même pas imaginer le début du début » (aux lignes 12 et 13).

Par cette périphrase qui renvoie à la déchirure intérieure de Louis, qui est différente des siens, comme une sorte d’étranger, sans doute par l’homosexualité qui n’est pas dite, Antoine semble aussi deviner la mort que son frère porte en lui, sur laquelle il est aussi replié. Il paraît presque fasciné par cette attitude-là qu’il rejette (demeurer dans le silence). Il est à noter qu’Antoine qualifie son « existence » de « paisible et douce » qu’il veut opposer à la « douleur intérieure » de son frère.

L’un serait paisible dans la vie et l’autre enfermé dans.... »

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