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Y a-t-il une beauté propre à l'objet technique ?

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« Quand le paysage naturel a commencé à faire place à un environnement peuplé de réalisations techniques, une partie des artistes a exalté la beauté de ces preuves du génie humain.

Le peintre Monet peint la gare Saint-Lazare, Fernand Léger adopte des formes géométriques pour représenter des bâtisseurs au travail, Zola fait d'une locomotive un personnage de son roman La Bête humaine, des peintres comme Delaunay et des poètes comme Guillaume Apollinaire, encensent la beauté de la tour Eiffel et en font un thème de prédilection.

Les paquebots, les avions et les chemins de fer sont stylisés par des publicités elles-mêmes très esthétiques.

Sans doute avait-on toujours su que la beauté d'un objet peut consister à évoquer sa destination, sa fonction, au moyen d'une forme symbolique. Ainsi, Cicéron avait comparé la beauté d'un discours d'orateur à la ligne d'un navire, pure de tout artifice non nécessaire.

Dans le même esprit, une partie de l'art du XXe siècle s'est mise au service de productions utilitaires telles que la mode, le mobilier, les ustensiles de cuisine, les voitures, etc.

L'architecture, qui est à la fois un art et un métier, est au centre de cette collaboration. D'ailleurs, le mouvement en faveur d'un art fonctionnel né en 1919, à Weimar, en Allemagne, fut lancé par Gropius, fondateur d'une école d'architecture, le Bauhaus.

Lorsque ce dernier entreprend de se consacrer au design, de concevoir et de faire fabriquer en grande série des objets d'usage courant, du fauteuil à la bouilloire, son objectif est de dessiner des formes qui soient élégantes et belles par leur pureté fonctionnelle.

L'art s'accommode donc de remplacer l'oeuvre unique et originale par une fabrication en série.

Mais ne risque-t-il pas, ce faisant, d'y perdre son identité ? L'utile est classiquement dissocié du Beau.

Plus encore, selon la pensée de l'art classique, l'oeuvre d'art, sensée être l'expression du Beau par excellence, est opposée à toute forme d'utilité.

Pourtant, même une oeuvre d'art requiert de la technicité.

Paradoxalement, est-il possible que la technicité donne naissance à ce qui se définit en opposition avec toute utilité ? Qu'est-ce qu'un objet technique ? Il s'agit d'une production issue d'une méthode correspondant à des procédés de fabrication.

L'objet technique est le fruit de connaissances scientifiques ou de connaissances expérimentales issues d'une tradition.

Le terme technique vient du grec « technikos », qui est l'adjectif correspondant au substantif « technê » ; celui-ci signifie « pratique », « procédé », « art » (au sens ancien du terme qui correspond à notre « savoir faire » ou encore « ruse ».

Aristote oppose la « poiêsis », c'est-àdire la fabrication, la production, à la « praxis », à l'action qui a sa fin en elle-même comme c'est le cas de l'art au sens moderne du terme.

La « poiêsis » correspondrait à notre « technique ».

Qu'est-ce que le beau ? Il s'agit du concept fondamental de la philosophie esthétique occidentale.

Le substantif « beau » est issu par dérivation du latin « bellus » qui signifie « joli », et qui est le diminutif de « bonus », c'est-à-dire de « bon ».

Il faut dissocier le beau du bien et du vrai.

Le beau relève du domaine sensible, le bien, de l'action, tandis que le vrai concerne l'entendement.

On dit que le beau « élève », dans le sens où, lors de la contemplation, il suspend les souffrances dues à la condition humaines pour occuper tout entier l'esprit de l'admirateur.

Ainsi, le pape Pie XII[1] écrit que "Le beau doit nous élever.

La fonction de tout art consiste à briser l'espace étroit et angoissant du fini dans lequel est plongé l'Homme tant qu'il vit ici-bas, pour ouvrir une sorte de fenêtre à son esprit qui tend vers l'infini." Un objet technique peut-il être beau ? Un objet qui demande de la technique pour être créé peut-il être beau ? Comment penser le rapport entre la beauté d'un objet (s'entend : d'une création humaine) et la technicité qu'il requiert? I. L'avis le plus courant concernant le rapport entre la technicité d'un objet et la beauté de cet objet est que les deux termes sont indépendants l'un de l'autre.

Un objet peut n'avoir requis aucune technicité et se révéler beau.

Mais cette beauté sera le fruit du hasard et non d'une intentionnalité maîtrisée.

C'est pourquoi il n'est pas intéressant pour nous d'étudier ce type de cas étant donné qu'il s'agit davantage d'une beauté naturelle, c'est-à-dire née de la contingence. II. L'art, au sens classique du terme, requiert des compétences techniques de la part de l'artiste.

Par exemple, celui qui veut représenter des paysages de manières réaliste doit connaître la perspective moderne, plus simplement encore, celui qui veut peindre doit savoir obtenir les couleurs qu'il désire etc.

Ensuite, l'artiste s'approprie une technique, originale ou non, qui caractérise son style, sa « griffe », mais tout cela suffit-il à produire du beau ? Y-a-t-il une « recette technique » du beau ? III. Plus une création est technique, plus elle requiert de savoir faire, plus elle suscite l'admiration du spectateur concernant les compétences de celui ou de ceux qui l'on créée, mais cette admiration n'est pas relative à l'objet lui-même, donc la technicité d'un objet n'est pas l'unique critère de beauté de cet objet, mais elle y participe. [1] Lettre aux artistes. »

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