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Y a-t-il un bonheur sans conscience du bonheur ?

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Y a-t-il un bonheur sans conscience du bonheur

« Définition des termes du sujet On définit le bonheur comme un état de satisfaction durable, et on le pose souvent comme la recherche finale de toute vie humaine.

Le contenu du bonheur pose cependant problème : de quoi le bonheur est-il fait ? Quelles sont les conditions de son obtention ? Peut-on travailler à son bonheur, ou le bonheur est-il un état qui nous échoit ou non sans que nous puissions vraiment être sa cause ? L'inconscience (à ne pas confondre avec le concept freudien d'inconscient) est une non-conscience, un état d'absence de connaissance de la réalité des choses. Est en jeu ici la constitution du bonheur : l'inconscience peut-il être une des composantes, voire la composante principale de l'état heureux ? A quelles conditions ? Quelles sont les limites d'un tel recours à l'ignorance, le résultat de cette démarche mérite-t-il simplement le nom de ‘bonheur' ? Proposition de plan I.

Le bonheur fondé sur l'illusion : le pouvoir agréable de l'inconscience L'inconscience est un état de méconnaissance de la réalité des choses, et ce vide de la connaissance laisse donc place libre aux fantasmes et à l'imaginaire ; le bonheur est alors fondé sur une réalité illusoire qui est celle du sujet individuel, et non sur les conditions extérieures du monde.

Il semble que ce recours à l'illusion ait un réel pouvoir de rendre le sujet heureux, puisqu'il se construit le monde qu'il souhaite. Bachelard, La poétique de la rêverie « Toute enfance est fabuleuse, naturellement fabuleuse.

Non pas qu'elle se laisse imprégner, comme on le croit trop facilement, par les fables toujours si factices qu'on lui raconte et qui ne servent guère qu'à amuser l'ancêtre qui raconte.

Que de grand'mères qui prennent leur petit-fils pour un petit sot ! Mais l'enfant né malin attise la manie de raconter, les sempiternelles répétitions de la vieillesse conteuse.

Ce n'est pas avec ces fables fossiles, ces fossiles de fables que vit l'imagination de l'enfant.

C'est dans ses propres fables, c'est dans sa propre rêverie que l'enfant trouve ses fables, des fables qu'il ne raconte à personne.

Alors, la fable, c'est la vie même.

» II.

Limites d'un bonheur fondé sur l'inconscience Mais les limites d'un tel bonheur illusoire apparaissent rapidement, dans la mesure où le sujet, même s'il s'en abstrait par le recours au fantasme, est inclus dans le monde qui l'entoure.

La solution pour trouver un bonheur réel, débarrassé de toute composante illusoire, serait à la fois de limiter les fantasmes (ainsi, on pourra considérer les désirs de richesse et de gloire comme des fantasmes) et de s'efforcer d'acquérir une totale autonomie de pensée en même temps qu'une parfaite connaissance, libre de toute illusion, du monde. Marc Aurèle, Pensées « Ils se cherchent des retraites, chaumières rustiques, rivages des mers, montagnes : toi aussi, tu te livres d'habitude à un vif désir de pareils biens.

Or, c'est là le fait d'un homme ignorant et inhabile, puisqu'il t'est permis, à l'heure que tu veux, de te retirer dans toi-même.

Nulle part l'homme n'a de retraite plus tranquille, moins troublée par les affaires, que celle qu'il trouve dans son âme, particulièrement si l'on a en soi-même de ces choses dont la contemplation suffit pour nous faire jouir à l'instant du calme parfait, lequel n'est pas autre, à mon sens, qu'une parfaite ordonnance de notre âme.

Donne-toi donc sans cesse cette retraite, et, là, redeviens toi-même.

Trouve-toi de ces maximes courtes, fondamentales, qui, au premier abord, suffiront à rendre la sérénité à ton âme et à te renvoyer en état de supporter avec résignation tout ce monde où tu feras retour. Car enfin, qu'est-ce qui te fait peine ? La méchanceté des hommes ? Mais porte ta méditation sur ce principe que les êtres raisonnables sont nés les uns pour les autres ; que se supporter mutuellement est une portion de la justice, et que c'est malgré nous que nous faisons le mal ; enfin, qu'il n'a en rien servi à tant de gens d'avoir vécu dans les inimitiés, les soupçons, les haines, les querelles : ils sont morts, ils ne sont plus que cendre.

Cesse donc enfin de te tourmenter. Mais peut-être ce qui cause ta peine, c'est le lot d'événements que t'a départi l'ordre universel du monde ? Remets-toi en mémoire cette alternative : ou il y a une providence, ou il n'y a que des atomes ; ou bien rappelle-toi la démonstration que le monde est comme une cité. Mais les choses corporelles, même après cela, te feront encore sentir leur importunité ? Songe que notre entendement ne prend aucune part aux émotions douces ou rudes qui tourmentent nos esprits animaux, sitôt qu'il s'est recueilli en lui-même et qu'il a bien reconnu son pouvoir propre, et toutes les autres leçons que tu as entendu faire sur la douleur et la volupté, et aux-quelles tu as acquiescé sans résistance. Serait-ce donc la vanité de la gloire qui viendrait t'agiter dans tous les sens ? Regarde alors avec quelle rapidité l'oubli enveloppe toutes choses, quel abîme infini de durée tu as devant toi comme derrière toi, combien c'est vaine chose qu'un bruit qui retentit, combien changeants, dénués de jugement, sont ceux qui semblent t'applaudir, enfin la petitesse du cercle qui circonscrit ta renommée.

Car la terre tout entière n'est qu'un point ; et ce que nous en habitons, quelle étroite partie n'en est-ce pas encore ? Et, dans ce coin, combien y a-t-il d'hommes, et quels hommes ! Qui célébreront tes louanges ? Il reste donc que tu te souviennes de te retirer dans ce petit domaine qui est toi-même.

Et, avant tout, ne te laisse point emporter çà et là.

Point d'opiniâtreté ; mais sois libre, et regarde toutes choses d'un oeil intrépide, en homme, en citoyen, en être destiné à la mort. Puis, entre les vérités les plus usuelles, objets de ton attention, place les deux qui suivent : l'une, que les choses extérieures ne sont point en contact avec notre âme, mais immobiles en dehors d'elle, et que le trouble naît en nous de la seule opinion que nous nous en sommes formés intérieurement ; l'autre, que tout ce que tu vois va changer dans un moment et ne sera plus.

Remets-toi sans cesse en mémoire combien de changements se sont déjà accomplis sous tes yeux.

Le monde, c'est transformation ; la vie, c'est opinion.

» III.

Bonheur et connaissance : le bonheur véritable La philosophie a ainsi traditionnellement posé une équivalence entre la connaissance parfaite, la contemplation, et le bonheur : l'état contemplatif est un état de conscience absolue, et il est le résultat d'un travail de connaissance du monde tel qu'il est.

Le bonheur philosophique s'oppose donc totalement au bonheur fondé sur l'inconscience, qu'il combat. Aristote, Ethique à Nicomaque « Cette activité (contemplative) est par elle-même la plus élevée de ce qui est en nous ; l'esprit occupe la première place ; et, parmi ce qui relève de la connaissance, les questions qu'embrasse l'esprit sont les plus hautes.

Ajoutons aussi que son action est la plus continue ; il nous est possible de nous livrer à la contemplation d'une façon plus suivie qu'à une forme de l'action pratique...

Ce qui est propre à l'homme, c'est donc la vie de l'esprit, puisque l'esprit constitue essentiellement l'homme.

Une telle vie est également parfaitement heureuse.

». »

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