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Vaut-il mieux changer nos désirs plutôt que l'ordre du monde ?

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« PROBLEMATIQUE ENVOYEE PAR L'ELEVE: Il s'agit ici d'une citation de Descartes extraite du Discours de la méthode, troisième maxime de la morale par provision, texte dans lequel Descartes dit qu'il vaut mieux toujours de changer ses désirs que l'ordre du monde.

Vous pouvez consulter ce texte en vous rendant sous la rubrique "Textes" de l'espace terminale.

On vous demande donc de discuter cette affirmation.

Pourquoi vaudrait-il mieux changer ses désirs que l'ordre du monde ? Est-ce parce que nos désirs risquent d'être insatisfaits et que nous risquons alors d'être malheureux ? N'a-t-on pas affaire alors ici à une formule de sagesse ? Mais alors cela implique-t-il qu'il faille se soumettre à l'ordre du monde et se résigner ? Reportez-vous à l'argumentation de Descartes ici qui commence par opérer une distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous : ne pouvant changer l'ordre du monde qui ne dépend pas de nous, il vaut mieux changer ses désirs. Toutefois, si des individus dans l'histoire n'avaient pas penser que leurs désirs pouvaient changer l'ordre du monde, y aurait-il eu des progrès techniques, sociaux, politiques ? Lorsqu'il soutient une telle affirmation, il ne dit pas qu'il ne faut pas agir, il montre bien qu'il faut " faire de son mieux " et alors si le désir se révèle impossible, arrêter de désirer.

Il ne faut désirer que des choses possibles qui deviennent réelles, agir pour ne pas avoir à regretter.

Vous pouvez montrer en quoi Descartes s'attache ici à supprimer la notion de regret. Toutefois, si nous disons qu'il faut « faire de son mieux » de manière à ce que nos désirs soient satisfaits, peut-on le dire pour tout désir ? N'y a-t-il pas des désirs qu'il faut immédiatement chasser ? Ne faut-il pas distinguer de bons désirs et de mauvais désirs ? C'est implicitement la question de la valeur du désir qui est posée ici.

En montrant qu'il vaut mieux changer ses désirs que l'ordre du monde, qu'il faut faire de son mieux pour que les désirs soient satisfaits, ne supprime-t-on pas finalement la notion même de désir qui n'existe que dans l'insatisfaction ? Vous pouvez alors vous reporter aux analyses de Spinoza sur la notion de désir en montrant en quoi il va opérer un renversement. [La sagesse consiste à changer nos désirs plutôt que l'ordre du monde.] Il y a ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas Mon pouvoir d'accomplir des actes est très limité, par les lois de la nature ou les lois juridiques.

Quant à mon pouvoir de faire réussir mes actions, il est quasiment nul, puisque cela dépend du concours du reste du monde, ou encore de la chance.

En y réfléchissant bien, je ne suis pas absolument certain d'être encore vivant demain ou tout à l'heure.

Tant de choses peuvent arriver... En revanche, il est une chose qui ne dépend que de moi, sur laquelle j'ai un pouvoir absolu : c'est ma volonté. Moi seul décide de ce que je veux.

Par exemple, si je ne veux pas aller à un endroit, on peut m'y contraindre par la force, mais on n'aura pas pu changer ma volonté.

Je découvre, par cette réflexion, que je possède, comme chaque homme, une volonté absolument libre, ou encore un libre-arbitre, comme disent les philosophes.

Je dispose donc d'un domaine de pouvoir et de liberté, qui est tout intérieur à moi-même. Néanmoins, comment parvenir à maîtriser complètement mes désirs ? Ma volonté est-elle toujours assez puissante ? Là encore, une juste vision des choses, cad une bonne connaissance métaphysique du réel, peut nous aider.

Les stoïciens affirment que tout ce qui arrive est nécessaire.

Rien ne pouvait arriver autrement.

En effet, chaque événement est le fruit d'une longue série de causes.

Et la relation de la cause à l'effet est nécessaire : un autre effet ne peut pas naître d'une même cause, ou d'un même ensemble de causes.

Il ne sert donc à rien de désirer autre chose que ce qui advient ou de se révolter contre ce qui est, car tout est nécessaire.

On ne ferait que se rendre inutilement malheureux.

Cette conception métaphysique juste de la nécessité qui règne dans toutes les choses du monde contribue à annuler mes désirs.

Tel est le principe : admettre ce qui nous arrive comme inéluctable, pour ne plus s'en affliger.

Mais pour les stoïciens, les hommes sont comme des enfants ou des fous puisqu'ils désirent sans cesse autre chose que ce qui est et se rendent par eux-mêmes malheureux : « Il ne faut pas demander que les événements arrivent comme tu le veux, mais il faut les vouloir comme ils arrivent ; ainsi ta vie sera heureuse » (pensée 8). C'est l'amour du destin, l' « amor fati » auquel il faut parvenir pour être sage. Les stoïciens allaient même encore plus loin dans cette réflexion sur l'ordre des choses.

Ils ne s'en tinrent pas à cette simple conception de la nécessité absolue du rapport de cause à effet, idée qu'ont partagée tous les savants qui ont fondé la science moderne.

Cela ne serait qu'une nécessité aveugle.

Mais les stoïciens pensaient que la Nature est un être divin et intelligent, qui ne fait rien en vain.

Tout est fait pour quelque chose, tout a un but, tout est finalisé.

Le but ultime que poursuit la nature, c'est évidemment le Bien.

Le destin qui règne dans le monde est donc bon, il est une Providence.

Mais ce Bien, c'est la vie et le Bien du Tout, de la nature elle-même, non de chaque créature qui la compose.

Chaque homme n'est qu'un rouage du grand mécanisme universel, et c'est par une folle présomption que chacun s'imagine être le centre du monde et voudrait que tout conspire à son bonheur.

En revanche, cette idée que le monde est dirigé par la Providence, que chaque événement concourt à un Bien pour le Tout, même si la petite partie que nous sommes ne l'aperçoit pas, cette idée est beaucoup plus puissante que celle de la simple nécessité pour incliner notre volonté à vouloir ce qui advient.

Telle est précisément l'attitude du sage qui peut ainsi goûter le bonheur.

Dès lors , chaque homme doit se persuader que la Providence lui a assigné un rôle à jouer sur la. »

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