Travail et nature ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
TRAVAIL: Du latin populaire tripalium, «machine à trois pieux » destinée à immobiliser les chevaux pour les ferrer,
d'où « instrument de torture ».
Toute activité visant à la production d'une oeuvre utile.
Spécialement, ensemble des activités accomplies par
l'homme pour produire des biens et des services en contrepartie desquels il est rémunéré.
• Le travail est souvent associe a la peine et a la souffrance.
Dans la Bible d'ailleurs, Dieu punit le premier péché en
chassant Adam du jardin d'Eden et en l'obligeant à cultiver désormais une terre stérile : « Tu gagneras ton pain à la
sueur de ton front ».
• Pour Marx, le travail humain contribue à transformer l'homme tout autant que la nature.
En
effet, contrairement à l'animal, qui agit par pur instinct, l'homme détermine dans sa conscience le but qu'il veut
atteindre avant de le réaliser.
« Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte,
écrit Marx, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.
» • Le travail salarié
constitue, selon Nietzsche, « la meilleure des polices » : « il tient chacun en bride et s'entend à entraver
puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance ».
1)
Travail et nature.
On peut d'abord comprendre le travail comme un certain débat avec la nature : si nous devons travailler
c'est que la nature ne produit pas par elle seule et spontanément de quoi répondre à l'ensemble de nos
besoins : le travail doit de ce point de vue être compris au sein de la sphère des besoins, ou ce que Hegel
appelait, dans les « Principes de la philosophie du droit », le « système des besoins ».
Le travail consiste toujours en effet de près ou de loin dans une transformation ou une assimilation de la
nature ; On en veut pour preuve la façon dont on a pris l'habitude de classer les différents types de travaux
dans une économie donnée : le secteur de travail sera « primaire », « secondaire » ou « tertiaire » selon le
caractère graduellement indirect du débat avec la nature.
Certes la simple cueillette représente un débat plus
direct, plus immédiat et moins riche avec la nature que celui qui est en jeu dans une raffinerie de pétrole, mais
il n'y a entre ces deux activités qu'une différence de degré ; à chaque fois, le travail peut être défini comme
une médiation avec la nature, médiation dont la cueillette nous donne un quasi degré zéro, et dont la raffinerie
de pétrole représente un degré beaucoup plus élevé.
C'est d'ailleurs bien comme une médiation que Hegel
comprend et définit le travail : « la médiation qui prépare et obtient pour le besoin particularisé un moyen
également particularisé, c'est le travail .
» ($196).
Comment comprendre cette médiation ? Ce terme se comprend d'abord comme le contraire de
l'immédiateté.
Le travail est une relation à la nature qui n'a jamais rien d'immédiat, parce qu'elle est consciente
de la nécessité qui l'oriente, cad du besoin à satisfaire.
C'est sans doute ce qui nous torture dans le travail : le
travail est pénible parce qu'il n'est pas nimbé dans l'inconscience aveugle, spontanée et heureuse de l'instinct,
parce que finalement il n'est jamais assez immédiat.
Mais la portée de cette médiation est bien supérieure,
spécialement dans le contexte de la pensée hégélienne.
Dans ce dialogue avec la nature, dialogue d'autant plus difficile que la nature est perçue comme avare et
peu prodigue, l'homme n'est pas voué à avoir indéfiniment le dessous Le travail traduit certes dans un premier
temps une certaine soumission du sujet à la puissance de la nature supérieure.
Mais ce statut ne dure pas : en
se soumettant à la nature, l'homme trouve le moyen, en en comprenant les lois, de faire travailler la nature
pour lui : c'est le stade de la ruse.
« Là, l'instinct se retire tout entier du travail.
Il laisse la nature s'échiner à
sa place, regarde tranquillement et ne dirige le tout qu'avec un effort minime : c'est la ruse.
», explique Hegel.
C grâce à quoi l'homme prend le dessus, c'est l'outil.
Si le travail est une médiation, c'est bien parce qu'il admet
un intermédiaire (l'outil), et que cet intermédiaire résout la tension du dialogue avec la nature en la
soumettant, en inversant la relation.
Cette médiation signifie donc aussi qu'il existe entre les notions de travail
et de technique un lien décisif.
Elle signifie surtout que quelque chose dans cette relation à la nature qui cause le travail, doit aussi
pouvoir être l'occasion pour l'homme de se constituer une certaine indépendance vis-à-vis d'elle.
Aussi, si le
travail humain naît d'une relation à la nature, il ne reste pas soumis à cette dimension.
Par la ruse technique la
conscience échappe à la réification qui la guettait, et conquiert par là sa liberté.
Le travail apparaît bien ici
comme conquête de l'autonomie par la médiation de la technique et de l'outil : il est le lieu d'une médiation par
laquelle l'homme se soumet pour être libre.
Le travail ne se contente donc pas de satisfaire mon besoin, il me
libère du domaine du besoin.
C'est ce qui fait qu'on peut dire que le travail ne s'entend pas seulement du
travailleur sur la nature, mais aussi du travailleur sur le travailleur : en d'autres termes, il y a un « choc en
retour » du travail sur le travailleur.
Si le travail constitue une relation médiate et d'enjeu éminemment culturel,
c'est grâce à la médiation de la technique.
Ceci n'est pas sans conséquences : en effet, le travail est véritablement le lieu d'une dialectique qui est
constitutive de l'homme lui-même en tant que tel : dans le travail, l'homme conquiert son humanité et sa
liberté.
On objectera pourtant qu'il est bien paradoxal de se libérer en se soumettant, et que les inconvénients
qui résultent de l'état social de l'homme surpassent en aliénation ce qu'ils apportent en autonomie.
Rousseau
avait protesté contre la malignité de l'intervention culturelle humaine, et voulait invoquer le bonheur de.
»
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