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Subjectivité ou objectivité des valeurs ?

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« VOCABULAIRE: VALEUR: Du latin valor, « mérite », « qualités ». (1) Propriété de ce qui est jugé désirable ou utile (exemple : la valeur de l'expérience).

(2) En morale, norme ou idéal orientant nos choix et nos actions (exemple : le bien, la justice, l'égalité).

(3) En économie politique, on distingue la valeur d'usage d'un objet, qui est relative au degré d'utilité que chacun lui attribue, et sa valeur d'échange (son prix), qui résulte du rapport de l'offre et de la demande. OBJECTIF / OBJECTIVITE: Caractère de ce qui existe indépendamment de la conscience.

Caractère de ce qui est établi sans aucun jugement de valeur.

Dans le domaine de la connaissance, l'objectivité est réalisée quand l'esprit constitue un objet de pensée pouvant en droit faire l'accord des esprits (universalité).

En ce sens, la notion est synonyme de rationalité.

Opposée à la subjectivité, elle requiert l'impartialité du sujet connaissant et exige la mise en oeuvre de procédures d'observation et d'expérimentation garantissant la validité des opérations relevant de l'investigation scientifique dont l'objectivité ne sera précisément méritée qu'à ce prix. 1° Les valeurs sont vécues par la conscience comme appartenant au monde, comme qualités des choses, des événements et des personnes; je ne dis pas que j'aime cette reproduction d'une toile de Dufy qui est sous mes yeux ; je dis qu'elle est belle ; je ne dis pas que je déteste M.

Durand, mon voisin de palier; je dis qu'il est antipathique. Ce sont des visages qui sont gracieux ou grotesques, c'est le paysage qui est charmant ou lugubre, ou monotone. Bref, je vis dans un monde de valeurs, le monde n'est qu'un ensemble de valeurs, positives ou négatives, qui s'offre à moi. Un peu de réflexion me montre pourtant que ce sont mes désirs, mes sentiments qui valorisent le monde.

Pour le malade mental schizophrène, le monde redevient indistinct, indifférent parce que la vie instinctive, affective de ce malade est extrêmement appauvrie.

En fait, ce sont nos goûts, nos désirs qui pénètrent de valeur le monde des objets.

Dire que ce rôti est succulent, c'est dire en fait que j'aime particulièrement les viandes bien cuites ou tout simplement que j'ai très faim.

Les valeurs biologiques dépendent évidemment de la structure de mon organisme.

Elles sont incontestablement subjectives.

Mais peut-on en dire autant des valeurs supérieures, du beau, du vrai, du bien? Sont-elles relatives à l'individu? 2° Toute une école subjectiviste l'affirme avec force.

Il y a d'abord les partisans d'une interprétation biologique du comportement humain.

Pour eux, la valeur n'a pas d'être en soi.

La valeur est simplement ce qui, dans l'objet, est susceptible de satisfaire un besoin.

Ehrenfels déclare très nettement : «Aucune valeur n'a d'existence proprement objective.

Les valeurs sont déterminées par le désir, lequel doit être rattaché au sentir.» L'intensité du désir, la force du besoin fournissent l'unique mesure de la valeur.

Comme le dit Ribot : «Ce qui sert à l'alimentation est pour l'immense majorité des hommes d'une grande valeur; pour l'ascète hindou, c'est presque une non-valeur.

Pour celui qui est atteint de sitophobie ou décidé à mourir de faim, c'est une non-valeur absolue.» Même la valeur de vérité est aux yeux des pragmatistes relative et subjective : pour eux, les idées ne sont que des «outils» pour l'adaptation biologique.

L'idée vraie est celle qui est utile, payante.

Dans une perspective métaphysique très différente, nous pouvons ranger parmi les «subjectivistes» ceux qui voient dans les valeurs l'« invention» d'une liberté créatrice. Sartre, par exemple, estime que nous choisissons, que nous créons nos valeurs.

Pendant l'occupation allemande, un de ses anciens élèves était venu le consulter.

Resterait-il en France pour travailler et faire vivre sa mère sans ressources? Ou irait-il en Angleterre poursuivre la lutte contre l'envahisseur? Sartre répond que ce jeune homme doit choisir lui-même sa voie et décider de ses valeurs. Dans tous ces cas — que la valeur soit expliquée par la fatalité d'un instinct ou par le caprice d'une liberté — elle est relative au sujet qui la reconnaît. 3° Mais ce point de vue ne nous paraît pas recevable.

Assurément, certaines valeurs ne sont que des préférences subjectives.

Mais les valeurs spirituelles semblent exister en elles-mêmes, indépendamment de mes goûts et de mes dispositions personnelles. Quand je dis que je préfère le cognac au whisky, je ne prétends pas poser un jugement de valeur qui me dépasse et j'avoue volontiers que c'est «une affaire de goût».

En revanche, si j'affirme que les tragédies de Racine sont supérieures à celles de Voltaire, que la trahison est condamnable, que le courage vaut mieux que la lâcheté, j'ai l'impression qu'il y a là des valeurs qui contraignent mon assentiment.

Revenons à l'exemple très habile de Sartre. Évidemment, on conçoit qu'entre le devoir d'assistance filiale et le devoir patriotique, il ne puisse guère être question que d'un choix gratuit.

Mais c'est que Sartre nous propose ici deux valeurs d'égale dignité.

Supposons que le jeune homme ait hésité entre le projet d'aller rejoindre les forces armées et le projet de faire du marché noir ou de piller des centres de réfugiés.

Ici, il n'est plus question de choix gratuit et la distinction du bien et du mal s'impose à nous de l'extérieur.

J'éprouve le bien et le mal, la beauté et la laideur comme je distingue le rouge et le bleu.

La valeur s'impose à moi et Hartmann remarque à juste titre qu'on ne peut pas provoquer arbitrairement un seul sentiment de valeur. En outre, je distingue spontanément la valeur esthétique d'une oeuvre, ou bien la valeur morale d'une conduite en tant qu'essences objectives, de mon aptitude personnelle à les reconnaître, de mon désir subjectif de les réaliser. Par exemple, j'affirme la très haute valeur du théâtre de Racine ou de la musique de Bach, mais je ne ressens pas cette valeur de la même manière à tout moment ; je peux, après une journée de travail pénible, préférer voir un film de Hitchcock plutôt qu'une représentation de Britannicus, je continue cependant à affirmer que la tragédie a «plus de valeur».

Ma sensibilité est instable pour des valeurs que, malgré tout, je reconnais stables.

Il est vrai qu'on trouverait des hommes incultes pour déclarer qu'un bon roman policier a plus de valeur qu'une oeuvre de Racine, qu'une ritournelle à la mode a plus de valeur qu'une fugue de Bach.

Mais précisément, leur jugement n'est pas un. »

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