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Spinoza: Le désir comme conatus, source de création et de valeurs

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« Sens et valeur sont deux notions autour desquelles se constituent la réalité humaines dans sa spécificité. La notion de sens renvoie tout d'abord à celle d'orientation, de direction et à celle de signification. Mais ces deux acceptions du mot sens se rejoignent finalement, ainsi le sens d'une action est déterminé par le but qu'elle poursuit, par ce vers quoi elle s'oriente. Quant au terme de valeur, il désigne précisément ce qui est désirable, ce qu'il faut poursuivre, ce vers quoi il faut tendre; les valeurs sont d'ailleurs ce que nous posons comme but à poursuivre pour donner un sens à notre existence. Quel est donc le fondement du sens et des valeurs ? Peut-on considérer que sens et valeurs existent par eux-mêmes ? Si nous supposons un monde dans lequel aucun être conscient et désirant ne serait présent, pourrions-nous accorder un sens à cet univers ? Pourrions-nous lui accorder une valeur quelconque ? Nous aurions affaire à un univers dans lequel tout se situerait sur le même plan, à un monde qui n'existerait pour personne et qui pour cette raison ne serait l'objet d'aucune sélection, d'aucun choix. C'est donc pourquoi sens et valeur ne peuvent être considérés comme des êtres en soi, des Idées, existant par soi, mais comme la création, la production de la conscience et du désir.

Ce renversement instaure un relativisme radical, lequel renvoie toute morale qui se voudrait absolue à son statut d'illusion.

Dieu ou la Nature n'ont pas de morale: il n'est de morale qu'humaine. C'est pourquoi nous pouvons considérer avec Spinoza que: "«Nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n'appétons ni ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne; mais, au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons.» Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons.

Le désir produit ses objets et n'est pas produit par eux.

Spinoza opère une véritable révolution copernicienne en invalidant la thèse (platonicienne) d'une objectivité absolue des valeurs.

Les choses ne sont pas bonnes en ellesmêmes, pour elles-mêmes, mais relativement à notre désir et à notre constitution. Pourquoi les hommes intervertissent l'ordre des choses ? Pourquoi tiennent-ils la représentation d'une fin jugée bonne comme cause première du désir ? Réponse: comme pour l'illusion du libre-arbitre, par ignorance des causes du désir. L'illusion est le fruit d'une conscience partiale, partielle qui se croit totale. Par exemple, j'ai conscience de vouloir habiter une maison.

Donc je crois que l'habitation est cause finale de mon désir. Je nourris l'illusion qu'il existe un objet désirable en soi.

En réalité, j'oublie que c'est le désir d'une plus grande commodité, d'un plus grand confort qui n'a poussé à concevoir la maison comme moyen adéquat à mon désir. Remontant la chaîne de tous mes désirs, je m'aperçois qu'ils ne sont que des modalités d'un désir premier de se conserver et de persévérer dans son être.

Spinoza rattache le désir ou conatus à cet effort.

Le conatus ne se résume pas pour autant à l'instinct de conservation car l'homme ne se résume pas à la simple survie biologique mais exprime l'essence dans toute sa richesse et sa complexité.

Persévérer dans son être, c'est tendre à se réaliser, s'épanouir, à actualiser son essence. Le désir est bien l'essence de l'homme.

Tous nos désirs particuliers ne sont que des modes d'expression et de réalisation de ce désir premier de persévérer dans notre être.

Tout désir est donc au fond désir de soi.

Cet obscur objet du désir, c'est moi-même. - A l’inverse de la tradition, la philosophie spinoziste ne poursuit pas la mort du désir, même sous la forme déguisée de sa rationalisation.

Il s’agit de rechercher une connaissance vraie de la nature humaine.

Ainsi, selon Spinoza, le désir traverse l’expérience humaine et la constitue comme telle : l’homme est un être de désir, mieux il est l’essence de l’homme, et non la marque de sa misère ou de sa finitude. - Le désir est la puissance d'agir de l'individu; l'homme est un être concret et dynamique dont toute l'essence est de déployer activement un effort existentiel.

“Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être”.

Point de corps, point d’idée, qui ne résiste à sa propre destruction. Point d’être qui ne soit puissance d’être, force, action, énergie.

Nous ne voulons pas mourir.

D’où l’effort perpétuel de vivre que Spinoza appelle Conatus, et qui est la vie elle-même, en tant qu’elle s’oppose à la mort (cf : Bichat , “la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort”).

Le désir est l’effort de vivre ou la force d’exister, la jouissance indéfinie de l’exister, si rien ne l’empêche.

Le conatus ne se réduit pas à la simple survie biologique mais exprime l'essence d'une chose dans toute sa richesse et sa complexité. - Le désir, selon Spinoza, est donc un mouvement d'affirmation et non souffrance de vivre ou de manquer.

Il est l'effort constant pour déployer son existence, c'est-à-dire à la fois la conserver et l'accroître. - Tous nos désirs particuliers ne sont que des modes d'expression et de réalisation de ce désir premier de persévérer. »

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