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Selon Bernanos, « on ne comprend rien à la civilisation moderne si on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». La littérature contemporaine est-elle le reflet de cette civilisation et encourt-e

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Le monde qui nous entoure sollicite de plus en plus puissamment notre attention. La rapidité des progrès scientifiques, l'évolution des moyens techniques, des divertissements, des moyens d'information, nous imposent une prise de conscience incessante du réel. Cette invasion des contingences indignait profondément Georges Bernanos qui écrivait à ce sujet : « On ne comprend rien à la civilisation moderne si on n'admet pas d'abord qu'elle est un conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Selon son point de vue, la littérature elle-même reflète de nos jours des préoccupations éloignées de toute spiritualité ; un courant de pensée subsiste cependant qui s'inscrit dans la ligne de la tradition chrétienne ; et n'y a-t-il pas en dehors même de ce mouvement une exigence de vie intérieure qui se fait jour chez la plupart des écrivains ?   

« INTRODUCTION Le monde qui nous entoure sollicite de plus en plus puissamment notre attention.

La rapidité des progrès scientifiques, l'évolution des moyens techniques, des divertissements, des moyens d'information, nous imposent une prise de conscience incessante du réel.

Cette invasion des contingences indignait profondément Georges Bernanos qui écrivait à ce sujet : « On ne comprend rien à la civilisation moderne si on n'admet pas d'abord qu'elle est un conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».

Selon son point de vue, la littérature elle-même reflète de nos jours des préoccupations éloignées de toute spiritualité ; un courant de pensée subsiste cependant qui s'inscrit dans la ligne de la tradition chrétienne ; et n'y a-t-il pas en dehors même de ce mouvement une exigence de vie intérieure qui se fait jour chez la plupart des écrivains ? I.

UNE LITTÉRATURE ÉLOIGNÉE DE TOUTE SPIRITUALITÉ Les oeuvres littéraires sont un des éléments de ce que Pascal appelait le divertissement, et il n'est plus beaucoup d'écrivains, en notre siècle, qui cherchent à mener leurs lecteurs vers Dieu. Leur royaume est de ce monde, et c'est de ce monde qu'ils nous parlent.

S'ils évoquent la nature, ils n'y mettent pas en général la ferveur religieuse de J.-J.

Rousseau et de Lamartine.

Pour Colette par exemple, la beauté des bêtes et des plantes est une fin en soi : le grand-duc qu'elle évoque dans La Maison de Claudine est une expression momentanée de la perfection qui la comble; au-delà du monde des sensations les plus subtiles, elle ne semble rien chercher.

Chez d'autres écrivains nous pourrions distinguer la même indifférence : lorsqu'Aragon chante l'amour d'Elsa, il en fait une valeur absolue qui lui tient lieu de réponse aux problèmes spirituels.

Et combien de personnages du roman contemporain se perdent dans la passion au point d'abdiquer leur individualité ! Quand ces éléments fondamentaux de la sensibilité ne les détournent pas d'eux-mêmes, ils ne résolvent pas les problèmes à la manière de Bernanos. La conception de l'homme Comme Pascal, ils prennent conscience de l'absurdité de la condition humaine ; le théâtre et le roman débattent sans cesse cette question ; mais ce n'est pas tant vers Dieu que se tournent finalement les héros, dominant leur désespoir, c'est vers l'homme lui-même.

Comment expliquent-ils en effet la contradiction de notre nature ? Dans les Pensées, le péché devenait responsable de nos maux, le mal était intérieur à l'homme.

Désormais il est le plus souvent dénoncé comme extérieur à lui : la société, son organisation injuste et irrationnelle sont mises en accusation.

Dans Les Thibault, de Roger Martin du Gard, nous voyons naître la guerre de 1914-1918 à partir de facteurs qui échappent aux individus, et Jacques Thibault dénonce vigoureusement d'éventuels responsables.

Pour ceux mêmes que de telles explications ne satisfont pas totalement, l'absurde demeure une donnée de notre existence, mais l'action devient le moyen d'y échapper. Pour les héros de La Condition Humaine, pour le docteur Rieux de La Peste, il vaut mieux agir que méditer : « Pour le moment, dit le docteur, il y a des malades, et il faut les guérir.

Ensuite, ils réfléchiront et moi aussi ».

Aux yeux de Bernanos, il ne peut s'agir là que d'une aliénation totale de l'âme humaine, soumise désormais à un univers matériel. II.

L'INQUIÉTUDE SPIRITUELLE Bernanos pourtant, et plusieurs écrivains spiritualistes, ont su préserver la tradition chrétienne dans la vie littéraire. L'inquiétude spirituelle Certes, ils sont engagés dans les bouleversements de leur époque, et si le mal est, à leurs yeux, inhérent à l'homme, ils le peignent avec une vigueur qui les rapproche des romanciers réalistes.

Dans les romans de Mauriac, bien des figures dévotes ressemblent à celle de l'abbé Vécard dans Les Thibault.

La bourgeoisie bordelaise ne le cède en rien à celle des Beaux Quartiers, et l'Adrienne Mesurat de Julien Green est bien la soeur de Camille, dans La Chatte de Colette. Toutefois l'éclairage est différent : Mauriac affirme lui-même lui-même donne à Tarrou, dans La Peste, des préoccupations du même ordre : « Ce qui m'intéresse, dit-il, c'est de savoir comment on devient un saint...

Peut-on être un saint sans Dieu, c'est le seul problème concret que je connaisse aujourd'hui ».

Chez Colette même, la faillite des passions terrestres inspire une morale ascétique : «On ne possède, écrit-elle, que dans l'abstention ». Le sens de l'action De fait, tous les écrivains contemporains tentent de trouver un sens à la vie.

Même dans un récit de guerre comme L'Espoir, Malraux ne perd jamais de vue les problèmes philosophiques qui se posent à lui ; ses personnages agissent mais ils réfléchissent aussi personnellement sur la valeur de leurs actes. Pour les héros de Saint-Exupéry aussi toute conduite doit être motivée ; ils choisissent leur sacrifice en connaissance de cause, et leurs réflexions intérieures nous sont traduites en monologues parfois douloureux.

Le Petit Prince n'est-il pas le fruit de longues réflexions sur l'absurdité du monde, sur l'amitié, sur l'amour ? Sans doute n'y a-t-il pas chez ces écrivains la recherche et le culte d'une réalité supérieure.

Mais, démunis de toute espérance supraterrestre, ils s'attachent profondément à l'homme, et s'interrogent sur la signification lointaine de toute existence.

C'est ainsi que Marcel Proust, indifférent à une solution religieuse, découvre dans le Temps Retrouvé l'ébauche d'une solution individuelle, un fil d'Ariane qui lui permet de conquérir l'ensemble de son existence et de vaincre le temps.

Victoire précaire, certes, mais qui est le fruit d'une méditation acharnée.

Et à la fin des Thibault, sur les ruines accumulées par quatre ans de guerre, naît une lueur d'espoir : Jacques est mort ; Antoine se suicide et les derniers mots qu'il écrit, « Jean-Paul », font surgir la silhouette de son neveu ; le bambin représente à cet instant tout un avenir, qu'on veut croire meilleur.

Nous voilà loin des drames purement religieux, mais il y a dans cette prise de conscience des malheurs et des espérances de l'homme, la marque d'une authentique « vie intérieure ». CONCLUSION Répondant aux contempteurs du monde moderne, Jean Fourastié affirme que « la machine, génératrice de loisir...

doit conduire l'homme aux tâches que lui seul peut accomplir : celles de la culture intellectuelle et du perfectionnement moral ». De fait, au cours de notre analyse, nous avons découvert chez les écrivains contemporains de toutes tendances le souci d'une vie intérieure, qu'elle soit recherchée pour elle-même ou pour les nécessités de l'action.

On ne trouve pas, au XIXe siècle, cette interrogation permanente sur l'homme et sur ses fins dernières.

Faut-il voir là un fruit du progrès technique, ou une réaction contre ce progrès ? Les deux sans doute, et à coup sûr un élargissement considérable de notre horizon.. »

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