Se rappeler, est-ce oublier ?

« Dans notre vie beaucoup de changements se produisent.

Certains faits font que l'on s'éloigne de certaines personnes, d'autres font que l'on s'en sépare.

Il arrive même que quelques personnes nous quittent.

Certaines d'entre elles, celles qui nous sont les plus proches, vont rester à jamais dans nos souvenirs.

Au contraire, il y en certaines que l'on va oublier.

Mais n'oublie-t-on pas également les personnes qui comptent pour nous ? Est-ce que comme Marcel Proust l'affirme, notre mémoire modifie le souvenir que l'on a d'une personne, et transforme le souvenir de celle-ci ? Dans certains cas, le souvenir d'une personne va se limiter aux qualités de celle-ci.

Dans une période de tristesse, par exemple la mort d'un parent, on va se remémorer les qualités de celui-ci.

On se souvient des moments agréables, des fous-rires ou encore des fêtes passées ensemble.

On fait abstraction des disputes ou du mauvais caractère de l'autre.

On souhaite garder le meilleur souvenir possible de cette personne.

Peu à peu, on se rappelle seulement des bons moments et on oublie de plus en plus les mauvais.

Le fait d'être dans un état émotionnellement triste ne nous fait pas oublier entièrement ce qu'est la personne, mais il nous fait oublier certains traits de celle-ci.

On surmonte la tristesse chacun à notre manière, certains d'entre nous essayent de la surmonter en pensant aux choses positives, aux moments joyeux passés avec la personne que l'on aimait.

De cette manière, l'oubli de la personne n'est pas total.

Mais peu à peu, au fur et à mesure que l'on arrive à être de moins en moins triste, on se souvient également des souvenirs qui sont un peu moins agréables que d'autres.

On les avait rangés dans un coin de notre mémoire un certain temps, mais on ne les oublie jamais vraiment définitivement. Il arrive aussi que l'on n'arrive pas à surmonter la mort.

De ce fait, on va également se souvenir des choses positives.

Mais en ne comprenant pas pourquoi ceci arrive à cette personne-ci, on va amplifier ses qualités pour éliminer ses défauts.

On idéalise cette personne, on la met sur un piédestal.

Ceci est du au fait que l'on est anéanti de voir une personne qui nous est chère s'en aller pour toujours.

En n'acceptant pas la mort de cette personne, on va penser à combien elle était gentille et à quel point c'est injuste que cela soit arrivé.

On a tendance à oublier certains traits de sa personnalité, et penser qu'elle était la meilleure personne que l'on connaissait et qu'elle n'avait aucun défaut.

Dans ce cas-là, l'oubli de cette personne n'est pas un véritable oubli.

Le souvenir est donc transformé, il ne reflète plus exactement la réalité.

Mais lorsque nous finissons par accepter la mort, on se rappelle également des mauvais moments.

Et comme dit précédemment, on ne les a jamais véritablement oubliés. Le souvenir ne se transforme pas seulement lorsque survient un événement douloureux, mais également au fur et à mesure que les années passent.

Quand deux amis d'enfance prennent deux chemins différents et qu'ils se retrouvent après quelques années, le souvenir qu'ils ont l'un de l'autre n'est plus conforme à ce qu'ils sont devenus.

En effet lorsque l'on grandit, on change.

De plus en grandissant, on voit les choses d'une manière différente.

Le souvenir que l'on a d'une personne que l'on n'a pas revue depuis longtemps ne reflétera jamais la réalité.

Dans ce cas-là, on a également conservé les bons souvenirs et peu à peu on a oublié les moments désagréables qui ont pu avoir lieu.

Le cerveau de l'être humain a cette capacité de ne garder que le bon et de mettre de côté le mauvais.

Ce n'est qu'au cours d'une discussion approfondie, lorsque l'autre nous fait part d'un « Tu te souviens…? » que du fond de notre mémoire certains souvenirs moins drôles refont surface, mais qui lorsque l'on en reparle sont moins dramatiques qu'ils ne l'étaient auparavant.

Petit à petit au cours de la discussion, on apprend à se redécouvrir, ce qui alimentera les futurs souvenirs. A l'inverse, on peut perdre contact avec quelqu'un suite à une dispute.

Dans cette situation, on ne garde à l‘esprit que les mauvais traits de son caractère, donc le souvenir est également déformé, car une personne n'est ni totalement bonne ni totalement mauvaise.

Des années après, quand on va se recroiser, on aura toujours dans la tête un mauvais souvenir.

Mais comme on aura grandi, la rancœur que l'on a pour l'autre se sera estompée avec le temps.

On peut donc renouer contact avec cette personne, oublier cette rancœur et redécouvrir ensemble les bons souvenirs que l'on a enfouis dans un coin de notre mémoire car on s'était quittés en colère.

En revanche, il est possible que certaines personnes ne fassent pas preuve de maturité et décident de rester sur leur position.

Ils garderont à jamais cette rancœur. Il y a aussi parfois des odeurs ou des situations qui nous rappellent quelqu'un ou quelque chose que l'on va associer à une personne ou à un événement vécu par le passé.

Par exemple lorsqu'on déménage, on commence à emballer nos affaires et on retrouve une vieille photo.

On va se rappeler à quelle occasion ce cliché a été pris, du moment que l'on a passé avec cette personne ou d'une discussion qui avait eu lieu ce jour-là.

On se souvient de la personne, car la photo a permis que certains souvenirs émergent de notre mémoire.

La photo est un déclencheur.

Dans ce cas précis, on peut dire que l'on avait oublié la personne.

Il faut simplement un déclic pour que notre mémoire restitue un souvenir qui était au fond de celle-ci. Certaines lectures ou grands auteurs nous rappellent nos années d'études ainsi que les gens côtoyés ces années-là.

On se souvient des voyages effectués ensemble, des fêtes, des sorties, donc de notre adolescence.

Certaines anecdotes nous reviennent avec précision, des visages que l'on croyait oubliés se redessinent devant nos yeux.

Certains textes peuvent nous relier à une histoire vécue et ainsi nous faire penser à certaines périodes de notre vie.

Des évènements passés nous semblent soudain très présents. Pour conclure, contrairement à ce qu'affirme Proust ce n'est pas en se rappelant un être qu'on l'oublie, mais c'est plutôt en l'oubliant ou en oubliant certains traits de celui-ci, que l'on peut se le rappeler.

En effet, dans les situations les plus difficiles à vivre, l'être humain a la faculté de décider de mettre entre parenthèses certaines choses afin de mieux les comprendre, mais ce n'est que pour mieux se les rappeler une fois que l'émotion s'est atténuée.

Il s'agit d'oublier ou de croire que l'on a oublié, pour mieux se souvenir.

Que ce soit face à la mort, à la trahison, au mensonge ou à la haine, il faut surmonter la douleur en oubliant certains faits et en se rappelant l'être en luimême.

La mémoire est sélective et subjective, mais un jour ou l'autre on se rappelle et on s'aperçoit que l'on ne peut pas oublier.

Mais on peut, avec le recul, se rappeler même des moments qui ont été très dures lorsqu'ils se sont produits.

Par contre, il y a les moments merveilleux que l'on ne veut pas oublier et auxquels on se rattache pour se rappeler.. »