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Sans métaphysique, l'homme peut-il comprendre son existence ?

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« L'idée de métaphysique renvoie à un idéal de connaissance qui s'est exprimé au cours de l'histoire de la philosophie, depuis Platon et sa détermination des Idées jusqu'à Descartes et la recherche d'un critère de vérité, en passant par Aristote et son enquête sur les causes.

Cependant, cet idéal est-il susceptible de se traduire concrètement dans l'aptitude de l'homme à comprendre son existence ? Il s'agit donc de déterminer le type de connaissance que fournit la métaphysique, ainsi que ses modes opératoires.

Cela nous amènera à distinguer les concepts d'explication et de compréhension, notamment dans leur rapport à l'existence, puisqu'il s'agit-là sans conteste d'un objet particulier, au sens où l'existence n'est pas tant un être particulier (une chose parmi les autres) à expliquer qu'un mode d'être à comprendre. I – Descartes : la métaphysique et la recherche des principes Dans les Principes de la philosophie, Descartes donne une définition très précise de la philosophie.

Celle-ci est l'étude de la Sagesse, c'est-à-dire de la connaissance de toutes choses connaissables.

En d'autres termes, faire de la philosophie, c'est remonter aux principes de la connaissance, c'est-à-dire à ce qui rend toute connaissance à la fois possible et vraie.

Or, ces principes sont, pour Descartes, métaphysiques. Ainsi, les principes métaphysiques conditionnent la sagesse humaine en son ensemble.

Il s'agit de la prudence dans les affaires, mais également de tout ce que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de la vie, que pour la conservation de la santé et l'invention de tous les arts.

Les principes métaphysiques conditionnent alors de manière théorique et pratique l'existence de l'homme. Cependant, quels sont ces principes ? Il s'agit, d'une part, de la pensée, mise à jour dans l'expérience du Cogito et, d'autre part, de Dieu.

De ces deux principes, Descartes déduit l'ensemble du système de la connaissance comme autant d'effets produits par leurs causes.

Dès lors, l'homme peut remonter au fondement même de son existence dont il comprend les tenants et les aboutissants. II – Explication et compréhension Toutefois, la pensée de Descartes se situe sur un plan particulier : celui des causes et des principes.

Or, c'est une évidence qu'un tel vocabulaire appartient au domaine de l'explication, plutôt qu'à celui de la compréhension. Que faut-il entendre par-là ? L'explication d'un phénomène consiste à fournir la cause de ce phénomène.

Ainsi, l'allumette que j'ai frotté est-elle la cause de l'explosion du baril de poudre.

Toutefois, ai-je pour autant compris le phénomène en question ? Si j'ai expliqué causalement pourquoi la poudre a explosé, on n'a pas pour autant compris pourquoi je l'ai fait.

La compréhension implique donc au minimum un rapport de sens ou de signification vis-à-vis du phénomène envisagé. Prenons l'exemple de l'art.

Je puis, en faisant référence à un technique picturale ou à un courant artistique, expliquer une oeuvre d'art.

Je fournis en quelque sorte les causes qui semblent avoir présidé à sa création.

Toutefois, il est possible que je ne la comprenne pas (même si je l'ai expliquée).

Je n'arrive alors pas à en saisir le sens ou la signification. Du point de vue cartésien, l'existence en ses différents aspects se trouve donc expliquée, mais est-elle pour autant comprise ? La compréhension implique l'acte de prendre ensemble (cum-prendere), de récupérer dans un acte total l'ensemble de l'existence et de lui assigner un sens ou une signification.

Dès lors, si la métaphysique me permet d'expliquer l'existence, puis-je pour autant la comprendre ? III – La qualité de l'existence : le projet Il est certain que la métaphysique fournit des éléments d'explication, qu'il s'agisse ou non de sa forme cartésienne. Cependant, c'est par cette méthode même qu'elle manque l'existence en sa spécificité.

En effet, l'existence signifie étymologiquement le fait d'être hors de soi ; ek-sistere, en latin, c'est-à-dire « se tenir hors de ».

Ainsi, en recourant à un modèle explicatif, la métaphysique isole l'existence comme un fait, un événement que l'on pourrait circonscrire.

En ce sens, elle se rapproche des sciences, qui isole des phénomènes à expliquer.

Or, si l'émergence de la vie peut être expliquée par la biologie et les théorie de l'évolution, de même que l'apparition d'Homo sapiens, il reste que leur existence est toujours susceptible de leur échapper. En fait, exister ce n'est pas simplement être, mais s'éprouver dans le projet.

Être hors de soi, c'est se projeter en avant dans le but d'agir et de construire le sens inhérent à cette action.

Il faudrait donc distinguer deux qualités du pourquoi : l'un qui renvoie à une explication de l'existence ; en ce sens, la métaphysique fournit des éléments permettant d'expliquer l'existence et susceptibles d'intervenir dans sa compréhension.

L'autre qui renvoie à une compréhension de l'existence ; en ce sens, la métaphysique « explicative » découvre l'idée d'évolution et de création liée à la notion d'existence.

On peut dire de manière négative que la métaphysique comprend qu'on ne peut pas comprendre, c'est-à-dire embrasser d'un seul coup d'oeil l'ensemble de l'existence et des projets qui la fondent. Conclusion : Ainsi, sans métaphysique l'homme ne peut pas comprendre son existence ; ce qui n'implique pas, au contraire, qu'il le puisse avec elle.

La métaphysique explique bien plus qu'elle ne comprend : comprenant qu'on ne peut pas comprendre, avons-nous dit en guise de paradoxe. Toutefois, elle est un premier pas sur le chemin de la compréhension.

Celle-ci n'est pas la définition d'un sens – ce qui figerait l'existence, à la manière de l'explication – mais sa construction, son élaboration progressive.

Si comprendre, c'est assigner un sens, cela sous-entend de pouvoir saisir l'existence en sa globalité.

Or, de par le fait même qu'elle nous invite à progresser indéfiniment dans le temps, l'existence échappe à cette récupération.

C'est pour cela qu'on peut remarquer : 1° que la mort seule permet de dégager le sens que l'on donne à son existence ; notre vie apparaît a posteriori dans sa cohérence et sa clôture.

2° De notre vivant, seule la dimension projective de l'existence est véritablement comprise, sans que la signification des projets eux-mêmes se dégage de manière pleine et entière.. »

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