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ROUSSEAU: Enfance et éducation

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Raisonner avec les enfants était la grande maxime de Locke ; c'est la plus en vogue aujourd'hui ; son succès ne me paraît pas fort propre à la mettre en crédit ; et pour moi, je ne vois rien de plus sot que ces enfants avec qui on a tant raisonné. De toutes les facultés de l'homme, la raison, qui n'est pour ainsi dire qu'un composé de toutes les autres, est celle qui se développe le plus difficilement et le plus tard ; et c'est de celle-là qu'on veut se servir pour développer les premières. Le chef-d'oeuvre d'une bonne éducation est de faire un homme raisonnable ; et l'on prétend élever un enfant par la raison ! C'est commencer par la fin, c'est vouloir faire l'instrument de l'ouvrage. Si les enfants entendaient raison, ils n'auraient pas besoin d'être élevés ; mais en parlant dès leur bas âge une langue qu'ils n'entendent point, on les accoutume à se payer de mots, à contrôler tout ce qu'on leur dit, à se croire aussi sages que leurs maîtres, à devenir disputeurs et mutins ; et tout ce qu'on pense obtenir d'eux par des motifs raisonnables, on ne l'obtient jamais que par ceux de convoitise, ou de crainte, ou de vanité, qu'on est toujours forcé d'y joindre. ROUSSEAU

« Raisonner avec les enfants était la grande maxime de Locke ; c'est la plus en vogue aujourd'hui ; son succès ne me paraît pas fort propre à la mettre en crédit ; et pour moi, je ne vois rien de plus sot que ces enfants avec qui on a tant raisonné.

De toutes les facultés de l'homme, la raison, qui n'est pour ainsi dire qu'un composé de toutes les autres, est celle qui se développe le plus difficilement et le plus tard ; et c'est de celle-là qu'on veut se servir pour développer les premières.

Le chef-d'oeuvre d'une bonne éducation est de faire un homme raisonnable ; et l'on prétend élever un enfant par la raison ! C'est commencer par la fin, c'est vouloir faire l'instrument de l'ouvrage.

Si les enfants entendaient raison, ils n'auraient pas besoin d'être élevés ; mais en parlant dès leur bas âge une langue qu'ils n'entendent point, on les accoutume à se payer de mots, à contrôler tout ce qu'on leur dit, à se croire aussi sages que leurs maîtres, à devenir disputeurs et mutins ; et tout ce qu'on pense obtenir d'eux par des motifs raisonnables, on ne l'obtient jamais que par ceux de convoitise, ou de crainte, ou de vanité, qu'on est toujours forcé d'y joindre. Analyse thématique du texte Le recensement ordonné des différents thèmes du texte permet de mettre en évidence, ici, deux moments essentiels : dans le premier, qui est assez court, Rousseau évoque la conception de l'éducation qu'il se propose de critiquer ; dans le second, il explicite cette critique en posant sa propre thèse concernant la nature et la formation de la raison.

Le recensement thématique peut être formulée de la façon suivante . • allusion à une certaine conception de l'éducation : « raisonner avec les enfants » ; • relativisation de l'engouement qu'elle a provoqué (ce qui est de mode n'est pas nécessairement juste) ; • mise en évidence des conséquences de cette conception (« sottise » des enfants). Ici commence le second moment du texte, dans lequel Rousseau expose sa conception propre de la raison et en tire une critique du rôle qu'on prétend lui faire jouer dans le processus éducatif : • développement d'une thèse concernant la nature, l'origine, et le mode de formation de la raison dans la psychogenèse ; • mise en évidence du paradoxe qu'il y a à fonder les premiers moments de l'éducation sur la raison, alors que celle-ci est dérivée, et non première, paradoxe qui est aussi une absurdité, car il renverse la fin et les moyens ; • explicitation des absurdités auxquelles conduit la conception dénoncée : – l'éducation devient en fait inutile (puisque son but supposé se trouve d'emblée réalisé) ; – le fait de raisonner l'enfant introduit en lui l'artifice, l'illusion de savoir, et finalement la présomption – le langage se mettant à « tourner à vide » ; – ces conséquences négatives entraînent finalement le recours à des ressorts qui n'ont rien de rationnel : convoitise, crainte et vanité. Formulation de la thèse du texte La thèse générale, et qui rend compte du point de vue critique développé dans le texte, porte donc sur le statut de la raison.

Elle implique une conception particulière de la nature de l'enfant, qu'il s'agit de considérer, selon Rousseau, avec ses facultés réelles, correspondant à un stade déterminé de la croissance.

La conception de la nature e t d e la formation de la raison est un point stratégique eu égard au rationalisme classique, qui faisait de celle-ci une référence constante.

La thèse de Rousseau, opposée en cela aux conceptions antérieures de l'éducation, pourrait s'énoncer de la façon suivante : complexe dans sa nature et tardive dans sa formation, la raison ne peut servir de référence dans le processus éducatif.

On peut rattacher cette thèse aux idées essentielles de Rousseau en matière d'éducation : • spécificité de l'enfant (critique de ce qu'on peut appeler l'adultocentrisme) ; • synchronisation nécessaire des actions éducatives et des stades du développement physiologique et mental ; • revalorisation du rôle de la sensibilité, de l'observation concrète, de la compréhension pratique ; • nécessité d'exclure toute action forçant l'allure du développement, ou introduisant des notions que l'enfant ne peut pas réellement maîtriser (critique du verbalisme) ; • refus de prendre pour normes de l'éducation les normes de la société corrompue : principes d'une « genèse idéale » de la personne, et de l'éducation « négative » (s'abstenir d'inculquer des valeurs et des références propres à la société corrompue ou réduisant l'enfant à une simple transition vers l'adulte). ROUSSEAU (Jean-Jacques).

Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778. Il n'est pas dans notre propos de résumer la vie de Rousseau, sou séjour aux Charmettes chez Mme de Warens, à Montmorency chez Mme d'Épinay, ses travaux de musique, sa persécution par les catholiques comme par les protestants, son voyage en Angleterre après sa fuite de Suisse ou l'hospitalité du marquis de Girardin à Ermenonville.

Non plus que la mise à l'Assistance Publique des cinq enfants qu'il eut de Thérèse Levasseur, ou sa brouille avec Grimm et Diderot.

Jean-Jacques Rousseau fut seul, chassé de partout, et c'est en méditant sur son existence malheureuse, qu'il a pu énoncer sa doctrine de philosophe.

Sa philosophie n'est pas un système, mais une vision de la condition humaine.

— Contrairement aux Encyclopédistes, l'homme, pour Rousseau, est naturellement bon et juste.

Il fut heureux lorsqu'il vivait sans réfléchir, au milieu de la nature, uniquement préoccupé des soins matériels de la vie quotidienne.

Puis, il a cherché à paraître, à dominer.

Il a inventé la propriété.

Sont venus l'inquiétude d'esprit, le goût du luxe, l'ambition, l'inégalité, les vices, la philosophie.

La société a corrompu l'homme, en l'élevant à la moralité.

La vie idéale n'est pas le retour à l'état de nature ; mais elle doit se rapprocher le plus possible de la vie naturelle.

C'est le coeur qui fournit à l'homme la preuve des vérités morales et religieuses, qui lui permet de goûter aux plaisirs de la générosité, de la bienfaisance, de l'amitié.

L'enfant, naturellement bon, doit être éduqué de façon« négative».

Il faut laisser libre cours à son propre développement.

Rousseau prône les vertus de l'intuition et de l'émotion.

— Le fondement de toute société, c'est le contrat social, par lequel chaque contractant renonce à sa propre liberté au profit de la communauté, et se soumet à la volonté générale.

Rousseau pose ainsi le principe de la souveraineté populaire.

Tant en littérature qu'en philosophie ou en politique (la Révolution française le revendiqua), l'influence de Rousseau fut considérable.

Il a véritablement transformé la sensibilité humaine.. »

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